Le RéGIONAL

A 34 ans, après 27 saisons passées à l’Albert, le médian quitte son club de toujours qu’il rejoignait parfois à vélo.

Lorsqu’il n’est pas joignable directement, son répondeur automatique vous annonce ceci :  » Bonjour, vous êtes en communication avec OlivierBerquemanne, kinésithérapeute « . Kinésithérapeute et plus footballeur ? Si, tout de même. Si la page de l’AEC Mons va bientôt se tourner, ce milieu de terrain de 34 ans entend bien poursuivre sa carrière à un échelon inférieur, et pourquoi pas en compagnie des copainsd’alors, qui ont subi le même sort que lui.

Une tranche de vie s’achève : 27 saisons passées dans le giron d’un même club, avec ses joies et ses peines, ses espoirs et ses regrets.

En Coupe de Belgique au Standard

OlivierBerquemanne :  » Je me suis affilié à l’AEC Mons à l’âge de 7 ans. Parce que c’était le club le plus proche du domicile parental, tout simplement. A l’époque, les Diablotins n’existaient pas encore. J’ai donc débuté en Pré-Minimes. A 20 ans, j’ai intégré l’équipe Première. Mon premier match ? D’après ma mère, je l’ai disputé en Coupe des Villes Hennuyères face aux Francs Borains. J’ignore, en revanche, qui fut mon premier adversaire en championnat de D3. L’AEC Mons a évolué durant une éternité en troisième division. Il y a bien eu une montée en D2, en 85-86, mais le club était redescendu immédiatement. Les supporters se gaussaient. Combien de fois n’ai-je pas dû entendre : – Etalors, cen’estpasencorepourcetteannéeci ? Lorsque le club est remonté en D2, en 2000, on a été très étonnés de disputer d’emblée le tour final. La surprise fut encore plus grande, un an plus tard, lorsque la deuxième tentative dans ce tour final se révéla la bonne : l’Albert monta en D1. Je ne considère pas cette montée comme mon meilleur souvenir : je n’avais pas participé au match du couronnement, face à Ingelmunster, car j’étais suspendu ce jour-là. Le match que je retiendrai de ces 27 années passées à l’AEC Mons, ce fut un déplacement au Standard, voici quatre ou cinq ans, dans le cadre de la Coupe de Belgique. Toute la ville était en effervescence. Une centaine de cars, transportant près de 6.000 supporters, étaient partis de Mons pour se rendre à Sclessin. Une équipe de la RTBF avait accompagné le bus des joueurs. On a été battus 1-0 avec tous les honneurs. La même saison, on est montés en D2 à l’issue d’un match de barrage disputé contre Heusden-Zolder au stade Edmond Machtens de Molenbeek, mais on était tellement fatigués qu’on n’a pas pu apprécier ce moment-là « .

Le football pour décompresser

 » Les entraîneurs qui m’ont marqué ? J’ai beaucoup apprécié FredBreinich, qui considérait le football comme un jeu et avec lequel j’ai noué de solides liens d’amitié. Je retiendrai aussi AndréColasse, exigeant sur le plan physique mais très honnête, qui m’a lancé en équipe Première. Ou encore ThierryPister et JamesStorme. Tous avaient une personnalité différente, mais ils se sont vite adaptés à la mentalité montoise.

Lorsqu’on exerce un métier, on a besoin d’une activité pour décompresser, et le football a toujours constitué une bonne échappatoire pour moi. C’est dans cette optique-là que j’ai toujours considéré le ballon rond. Du moins, lorsque le club évoluait en D3 et en D2. Lorsqu’il est monté en D1, c’est devenu plus difficile. Parfois, j’ai même eu l’impression que c’était devenu l’inverse : c’est mon métier de kinésithérapeute qui m’a aidé à me changer les idées. Mon hobby était devenu trop astreignant, le football engendrait trop d’obligations. D’une certaine manière, quitter la D1 me procure aujourd’hui un soulagement.

Aurait-il mieux valu rester à l’étage inférieur ? Parfois, je me suis posé la question. La montée en D1 a marqué la fin d’une époque. Jusque-là, l’AEC Mons était une équipe de copains, tous originaires de la région. Certains joueurs, de l’extérieur, nous avaient prévenus : – Attention, sivousmontez, beaucoupdechosesvontchanger ! Avec le recul, il faut reconnaître qu’ils avaient raison, mais nous, dans l’euphorie ambiante, avons toujours joué pour gagner. Nous avons peut-être été trop honnêtes et n’en avons pas été récompensés. La direction a jugé bon de congédier de vieux serviteurs du club, qui auraient mérité plus d’égards. Ils n’ont jamais connu cette élite vers laquelle ils avaient conduit le club.

J’ai eu la chance d’être encore sous contrat au moment de la montée en D1, c’est probablement ce qui explique pourquoi j’ai pu accompagner le club à l’étage supérieur. Mais était-ce une chance ou une malchance ? Ceux qui ont pu rester ne se sont pas rendus compte tout de suite qu’un changement de mentalité s’était produit. L’AEC Mons a connu un très bon début de championnat et les victoires ont occulté le reste. Aujourd’hui, on constate que les fidèles serviteurs n’ont rien perdu pour attendre. Les ThaddéeGorniak, MustaphaDouai et autres ChemcedineElAraichi ont subi, deux ans plus tard, le même sort que DimitriMercier et VincentThoelen. La saison prochaine, il ne restera probablement plus personne de l’équipe de D2 « .

De l’argent qui circule

 » Ces changements sont-ils nécessaires à partir du moment où l’on accède à l’élite ? Certains prétendent qu’il faut absolument se renforcer, pour faire bonne figure. Certes, CédricRoussel nous a beaucoup apporté la première saison, mais qui peut affirmer que TomaszHerman n’aurait pas donné autant de satisfactions si on lui en avait laissé l’occasion ? Cédric a inscrit 22 buts en 34 matches. Tomasz a marqué un goal lors de son… unique apparition. Ce qui me déplaît en D1, c’est l’hypocrisie qui y règne. Il faut que de l’argent circule, pour qu’il y en ait un peu qui puisse se perdre, c’est connu.

L’an passé, je crois qu’on a été très proche d’une collaboration avec La Louvière. Je suis contre les fusions. Elles engendrent toujours la disparition d’un club, et ce n’est pas en unissant deux clubs endettés qu’on formera un club sain capable de jouer les premiers rôles. Si une direction n’a plus les moyens d’entretenir une équipe de pointe, qu’elle accepte de redescendre d’un ou deux étages. Le problème, c’est que lorsque des dirigeants ont goûté à l’élite, ils veulent y rester, pour parader.

Je n’ai plus de contacts avec MarcGrosjean. SergioBrio ? Avec lui, on est passés du professionnalisme à la belge au professionnalisme à l’italienne. Il a instauré des entraînements, pour ne pas dire des mises au vert, tous les jours. Vis-à-vis de moi, l’entraîneur s’est tout de même montré compréhensif : il ne m’a jamais obligé à rester au stade de 9 heures du matin à 6 heures du soir. Mais, pour les autres, c’était parfois l’école ou l’armée. Il fallait demander la permission pour quitter la table ou le vestiaire. Autrefois, entre deux entraînements, on pouvait aller prendre un verre sur la Grand-Place de Mons. Aujourd’hui, il faut faire la sieste. Sergio Brio est-il un bon entraîneur ? A chacun son avis. En tout cas, il n’a pas favorisé le spectacle. Est-il nécessaire, aussi, d’instaurer des entraînements de trois heures alors qu’un match de football dure 90 minutes ? Au bout de la semaine, beaucoup avaient les jambes lourdes. Pour moi, ce changement de régime fut certainement néfaste. Je ne l’ai pas supporté. D’autres rétorqueront qu’un footballeur professionnel est grassement payé pour prester et doit donc accepter certains sacrifices « .

Mons a perdu son âme

 » Oui, on peut dire qu’avec l’accession à l’élite, l’AEC Mons a un peu perdu son âme. Le club s’est engagé, comme tant d’autres, dans le foot-business. Jadis, la troisième mi-temps était au moins aussi importante que les deux premières. On aimait se retrouver ensemble, après les matches, et il n’était pas rare qu’on ferme la buvette. Tout le monde participait aux sorties, entraîneur y compris. Cet esprit de corps se retrouvait aussi sur le terrain. Chacun s’entraînait, il régnait une ambiance de franche camaraderie, dénuée de toute hypocrisie. Tout cela a disparu.

Les supporters, de leur côté, oublieront vite cette perte d’identité à condition que l’équipe gagne. Voir débarquer des Italiens, à la limite, cela devrait même plaire à une grande partie du public : les personnes d’origine italienne sont nombreuses dans la région montoise. L’accession à la D1 a amené au stade Tondreau un certain nombre de curieux. En D3, le club pouvait compter, bon an mal an, sur 500 ou 1.000 fidèles. En D1, le nombre de spectateurs s’est multiplié, mais beaucoup d’entre eux se déplacent surtout pour voir… l’équipe adverse. Lors du premier match parmi l’élite, ils étaient 3.500. C’est peu : logiquement, pour un tel événement, le stade aurait dû faire le plein. Mais l’adversaire se nommait Westerlo. Les gens sont venus lorsqu’on a accueilli le Standard ou Anderlecht.

Mon avenir ? Je suis à la recherche d’un club susceptible de m’accueillir. Au départ, j’avais décidé de prendre mon temps, mais les coups de fil se succèdent et je crois qu’il va falloir trancher. J’ai même suscité de l’intérêt dans un club de D2 du nord du pays. C’est flatteur, mais je n’ai jamais fait la route : en jouant à l’AEC Mons, je pouvais descendre à vélo jusqu’au stade Tondreau. J’habite à quelques centaines de mètres. Alors, j’hésite à la perspective de quitter la région. Si je peux effectuer le déplacement en compagnie d’autres joueurs, je franchirai peut-être le pas, mais seul, cela ne me tente pas. Thaddée Gorniak, Mustapha Douai, Hocine Chebaiki et moi-même, nous téléphonons régulièrement. L’idée de se retrouver tous ensemble, afin de recréer ailleurs cette ambiance qui régnait jadis à l’AEC Mons, nous a déjà effleuré l’esprit. Le problème, c’est que les deux plus anciens, Dimitri Mercier et Vincent Thoelen, sont partis à St-Symphorien, en 2e Provinciale. On estime valoir un peu mieux que cela « .

Daniel Devos

 » Lorsque des DIRIGEANTS ONT GOûTé à L’éLITE, ils y restent POUR PARADER  »

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