Le réfugié du Cercle

En un an, le Sénégalais est passé du centre d’accueil pour demandeurs d’asile à la Division 1 !

P aps – c’est le surnom de Papa Sene (21 ans) – est arrivé en Belgique en 2008 avec un sac plastique contenant ses effets personnels. En stage en Espagne avec une sélection de jeunes joueurs de Dakar (il a joué pour l’AS Douanes et Niary Tally), il s’enfuit vers Bruxelles et aboutit au centre d’accueil pour demandeurs d’asile. Là-bas, il a la chance de tomber sur un directeur – Tomas Peirsegaele -, passionné de foot.  » Après avoir réglé ses conditions de logement, nous lui avons ouvert un dossier. Un peu plus tard, il m’a dit qu’il aimait jouer au foot. Il me montra quelques photos, des DVD. Quand je le vis à l’£uvre face aux autres demandeurs d’asile, j’ai été directement impressionné. Qu’est-ce qu’il était doué !  »

Papa Sene se retrouve à faire des tests en 1re Provinciale, à Menin. Là, on ne croit pas vraiment en lui, et il doit attendre la saison suivante pour être officiellement sur les tablettes du club flandrien. Pour son premier match, il plante deux buts et délivre un assist avec… deux chaussures différentes. La compétition de P1 est à mi-chemin lorsque Menin lui propose un contrat non-amateur de deux ans plutôt intéressant pour les normes du foot provincial. Mais il ne le signe pas.

Entre-temps, en septembre 2009, la Belgique le reconnaît officiellement comme réfugié. Il est alors obligé de quitter le centre d’accueil et dépend du CPAS. Il commence à bosser au sein de l’équipe de nettoyage d’une maison de repos. Sur les terrains, il continue à empiler les buts et attire de plus en plus les regards.

Le jeune Sénégalais peut alors compter sur l’intérêt concret du club de Coxyde, qui évolue en D3 et construit une équipe fiable avec pas mal de garçons doués. C’est là qu’il va commencer à vivre pleinement pour le foot. Hugo Vandenheede et Andy De Smet, le duo d’entraîneurs du club côtier, peuvent en témoigner :  » Le club s’occupait bien de lui. Il allait courir en plus des entraînements. Il a entamé le championnat comme une fusée et est devenu très hype. On a géré un groupe qui avait très faim et proposait un football soigné, Coxyde jouait la tête du classement et Paps marquait régulièrement.  »

Le foot glauque

Le Cercle de Bruges le visionne souvent et son directeur sportif Patrick Rotsaert reçoit plusieurs rapports très positifs. Pendant ce temps, Papa Sene apprend à connaître les aspects beaucoup plus glauques du foot, comme les quolibets, les insultes racistes et les provocations, y compris d’entraîneurs adverses. Heureusement, il y a aussi les bons moments, comme lors du match contre Knokke, où il noue contact avec Sven Vermant.

Lors de la dernière trêve hivernale, son passage au Cercle est entériné. Le but est de le roder à la D1, à l’intensité des entraînements et au rythme des matches. Depuis janvier, il compte huit sélections en équipe Première, où se succèdent hauts et bas, ce qui n’a rien d’illogique. Son ambition, aujourd’hui, est de gagner sa place sur le terrain. Il aimerait aussi obtenir un salaire plus élevé pour aider sa famille à Dakar et n’hésite pas à demander conseil aux autres Sénégalais comme Seck, Kouyaté et Diandy (Anderlecht) ou Baldé (Osasuna).

Papa Sene a surtout besoin de calme. A Menin et à Coxyde, personne ne lui arrivait à la cheville, il était meilleur buteur et tout allait de soi. Arrivé au Cercle, il a dû rivaliser avec des hommes de la trempe de Reynaldo ou Iachtchouk et se battre pour faire partie de la sélection. Bob Peeters a aussi testé son mental et finalement, le club a décidé de le prêter à Roulers en D2, pour qu’il puisse progressivement s’aguerrir et être sûr de jouer. Il est à la base un véritable avant-centre, qui peut soit jouer en pointe soit rechercher la profondeur. Voire quelqu’un qui s’infiltre depuis l’aile droite.

 » Il va aussi devoir travailler son caractère « , dit Peirsegaele.  » Car lorsqu’il n’est pas sélectionné, il a tendance à faire la tête. N’oublions jamais que Papa Sene vient de Pékine, un quartier de Dakar où chacun lutte pour sa survie . Il a besoin d’un bon encadrement pour progresser.  »

PAR CHRISTIAN VANDENABEELE – PHOTO: PHOTONEWS

 » Il me montra quelques photos, des DVD et je le vis à l’£uvre face aux autres demandeurs d’asile. Quel don ! « 

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire