Le Real n’aurait dû acquérir que Ronaldo.

Période de transferts, ça ne bouge guère. Calme quasi plat, alors que les compétitions vont recommencer. Mais selon la météo du foot/business, ça va seulement commencer à bouger. Ah bon ? Pourtant, en principe, on achète sa bouffe avant de se mettre à bouffer, non ? Si, mais pas au foot : au foot, on achète en mangeant, ou on mange en achetant… Des tas de footballeurs pros ont repris l’entraînement avec un club qu’ils ne kiffent plus ou qui ne les kiffe plus, et qui ne sera plus le leur d’ici un ou deux mois. Les périodes de préparation sont des gares de triage. Après ça, on te prétendra que l’avant-saison est importantissime pour l’évaluation physique, le team building, l’acquisition des automatismes… Couillonnades. Si tu ne déniches et n’acquiers que fin septembre l’oiseau que tu espères rare, tu le parachuteras illico dans ton onze de base, sans qu’il connaisse le prénom de son voisin d’attaque, ni même la marque de sa bagnole…

Personne ne bouge, sauf le Real Madrid. Là, c’est bien plus que de la bougeotte, c’est la danse de Saint-Guy ! Du point de vue économico-financier, faut plus essayer de comprendre, tous les coûts sont dans la nature : tu lis que Florentino Perez avait épongé une dette énorme entre 2000 et 2006, mais tu lis aussi un chiffre de passif actuel qui varie de 300 à 560 millions. Tu lis que Perez est un vrai gestionnaire qui sait utiliser légalement toutes les ficelles, mais d’autres affirment que la dette ci-dessus fut épongée via une magouille immobilière éhontée. Tu lis que tout va bien puisque le patrimoine/Real est estimé à 700 millions, puis tu lis que le Real, comme bien d’autres, est au bord du gouffre. Tu apprends que le montant des quatre transferts fous dépasse les 200 millions (soit 60 % des revenus annuels du club), mais on t’affirme parallèlement que, comme jadis David Beckham ou Zizou, ils rapporteront davantage en produits dérivés : sauf que le président de Barcelone dit que c’est un gros mensonge… Va-t-en savoir vraiment… En fait, par rapport au pognon qui slalome en coulisses, de Mouscron à Madrid, les péquenots que nous sommes, réduits aux conjectures, ne peuvent qu’ouvrir de grands yeux ronds…

Du point de vue éthique, c’est différent. Autant tu peux ne piger que dalle à un obscur fonctionnement économico-financier, autant ça te fait tilt en tête quand tu apprends que Cristiano Ronaldo va palper, en euros évidemment, 9 millions annuels nets ! La grande question morale est alors de se demander si donner du rêve mérite pareille rémunération : si, eu égard aux crève la faim des pays pauvres voire aux crève l’épargne des pays riches, le chiffre est indécent ou pas ? Bof. C’est un chiffre d’une autre planète, une planète au-delà du Bien et du Mal, et ça n’a pas à voir qu’avec le foot. Aucun zig sur terre, artiste ou femme d’affaires, gros mollets ou gros cerveau, une fois déduits ses frais professionnels, ne mérite pour son travail un salaire mensuel net supérieur à… disons 12.500 euros pour être très, très généreux : ça lui fait amplement de quoi manger, se vêtir, se loger, faire un peu la charité, et avoir un volume de loisirs pas vraiment dégueu. Au-delà de cette somme, t’as déjà quitté la planète : alors, que tu dépasses à peine le chiffre ou que tu le pulvérises comme Cristiano et d’autres, ça ne fait jamais que nuancer l’inhumanité de ton pouvoir d’achat…

Reste le point de vue sportif, et la question : le Real va-t-il gagner davantage ? Pas sûr du tout. 50/50. Le Real dit galactique a gagné une Ligue des Champions en 2002, un Real bien moins galactique en avait remporté deux en 1998 et 2000… Un seul fait apparaît acquis : à l’heure actuelle, toute grande équipe sera plus fortiche avec Cristiano Ronaldo que sans lui. Et je dirais itou pour Lionel Messi… et puis plus pour personne ! Pas pour Karim Benzema qui, comparé à Raul ou Ruud Van Nistelrooy, n’est qu’un buteur en devenir comme Klaas-Jan Huntelaar… Même pas pour Kaká qui n’est qu’extrêmement doué comme d’autres, dont Arjan Robben déjà madrilène. C’eût été bien plus excitant que le Real n’acquière que Ronaldo en conservant l’essentiel de ses (bons) offensifs, de façon à examiner ce que le Portugais pouvait ajouter à un ensemble déjà rôdé. Au lieu de ça, dans l’effectif madrilène, c’est reparti pour la diarrhée des achats/ventes, le court terme, l’espoir de l’exploit. Seul le coach n’est pas galactique, ce qui étonne certains : pourquoi le discret Manuel Pellegrini plutôt qu’une star de type José Mourinho, alors que Perez n’en est plus à quelques millions près ? C’est voulu, pensé, tactique et judicieux : si ça foire, le fusible est tout trouvé.l

par bernard jeunejean

Au Real, faut plus essayer de comprendre, tous les coûts sont dans la nature.

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