Le ramasseur de balles de l’Ajax

Portrait du défenseur du Club Bruges formé par Frank de Boer à l’Ajax.

Mardi 1er octobre 2013. L’Ajax et l’AC Milan se quittent sur un partage. Stefano Denswil a ouvert le score pour les Hollandais dans les arrêts de jeu mais quelques secondes plus tard, Mike van der Hoorn s’est fait rouler dans la farine par Mario Balotelli qui a obtenu un penalty.  » Ça fait mal « , déclare Denswil au micro de la télévision hollandaise avant d’analyser la rencontre avec un calme et une objectivité étonnants.

Sur le terrain déjà, il a fait forte impression en conservant son sang-froid face à Balotelli, qui n’a cessé de le provoquer physiquement et psychologiquement.  » Personne n’est plus grand que Dieu, je n’ai peur de personne « , dit-il dans Het Parool. Sur son bras, il a fait tatouer une croix et un coeur dans lequel on peut lire God = Love.

Il a effectué ses débuts en Ligue des Champions deux semaines plus tôt au Camp Nou, face à Lionel Messi. Il avoue ne pas avoir été impressionné très longtemps non plus.  » Je crois en moi. Avant un match, je suis relax : je prie.  »

Pur Ajacide

Pour lui, tout commence douze ans plus tôt, lorsqu’il s’affilie à l’Ajax, qui l’a repéré à Hellas Sport, un club amateur de Zaandam. Arrivé en tant qu’extérieur gauche, il est recyclé en arrière gauche et… en ramasseur de balles. Puis, à l’âge de 13-14 ans, en défenseur central. Ses qualités techniques lui permettent d’être retenu chaque année et, à 15 ans, il est appelé en équipe nationale. Un an plus tard, il signe son premier contrat pro.

Ses parents, des Surinamiens, ont tous les deux joué au football.  » A 44 ans, ma mère jouait encore des deux pieds « , dit-il. Deux de ses oncles ont même évolué à l’Ajax, jusqu’en juniors A1, l’avant-dernière étape avant le noyau A.  » Après chaque rencontre, ils analysaient ma prestation « , dit-il.

Sa mère travaille dans un hôtel, son père est démolisseur en bâtiments. Stefano est le puîné d’une famille de trois garçons.  » Ma famille m’a toujours soutenu mais elle m’a aussi appris à être reconnaissant. J’ai un bon salaire pour faire ce que j’aime. Quand je vois les journées de mon père…  »

En A1, il est entraîné par Frank de Boer tandis que Jaap Stam, Ronald de Boer et Simon Tahamata l’abreuvent de conseils techniques.  » Ils me disaient d’être impitoyable, d’avoir toujours le ballon ou l’homme, et de toujours replacer les joueurs autour de moi.  » observe-t-il.

Fin juillet 2011, il est appelé à l’entraînement de l’équipe première. En janvier 2012, il prolonge jusqu’en juin 2015 :  » C’est un joueur talentueux comme on en forme à l’Ajax « , dit Frank de Boer.  » Impitoyable, costaud et très bon techniquement.  »

Lors de la première édition de la NextGen, la Ligue des champions pour jeunes, il marque sur coup franc face à l’Inter. Quelques mois plus tard, il effectue ses débuts en équipe I de l’Ajax lors d’un match de coupe à ONS Sneek. Dans la foulée, il est aligné en championnat face à Vitesse. Souvent, il fait du kick boxing, pour apprendre à encaisser les coups.

Look

A l’été 2013, il n’est toujours pas titulaire mais le départ de Toby Alderweireld et la blessure de Joël Veltman lui laissent entrevoir des perspectives. De Boer décale Niklas Moisander sur la droite et titularise Denswil. Jaap Stam analyse tous ses matches et De Boer est satisfait.  » Il a beaucoup progressé en neuf mois et est promis à un bel avenir. C’est un garçon qui ne plane pas.  »

Avec ses jeans troués, ses T-shirts Versace, ses chaussures signées Christian Louboutin, ses nombreuses casquettes, son casque Marley, ses boucles d’oreilles, sa montre Hublot et ses parfums, il ne passe pourtant pas inaperçu.

Denswil continue à vivre chez ses parents, juste en face d’une école primaire. Les enfants y viennent quelquefois sonner à la porte pour demander un autographe ou une photo.  » Parfois, je joue au foot avec eux. Quand j’étais petit, je jouais de temps en temps, ainsi, avec Hatem Trabelsi, John Heitinga et Rafael van der Vaart.  »

Il dispute plus de la moitié des matches de championnat et de Ligue des Champions. Contre l’AC Milan, 80 de ses 84 passes ont abouti dans les pieds d’un partenaire.  » Taper un ballon vers l’avant, tout le monde peut le faire. A l’Ajax, il en faut plus « , dit-il.

Le club veut lui faire signer un nouveau contrat jusqu’en 2018 mais, à la mi-mars, les négociations sont suspendues et il ne joue plus.  » Ce n’est pas une question d’argent « , dit Winnie Haatrecht, son agent.  » Quelles perspectives s’offrent à lui à l’Ajax ? Il ne joue que si Moisander ne joue pas.  »

Etrange car le capitaine de l’équipe nationale finlandaise refuse de resigner aussi. En mai, l’Ajax transfère Nick Viergever et quelques mois plus tard, Johan Cruijff donne son avis sur l’affaire :  » Si Denswil avait resigné, Viergever ne serait pas venu. Maintenant, on va voir ce qui va se passer pour lui.  »

Poussé par Donk et Vormer

Il joue un match de championnat, deux en Ligue des champions, trois en coupe des Pays-Bas.  » Les négociations ont nui à son jeu « , dit Marc Overmars, le directeur sportif, qui le place sur la liste des joueurs transférables… à condition de ne signer ni à Feyenoord, ni au PSV.  » Il terminera la saison à l’Ajax « , décrète son agent.

Mais lorsque le Club Bruges a l’occasion de le transférer pour rien – il devra verser 20 % du montant d’un éventuel transfert à l’Ajax, le doute s’installe dans la tête du jeune joueur. Ruud Vormer et Ryan Donk, deux autres joueurs de Haatrecht, le poussent à accepter l’offre du club belge. Une nouvelle histoire commence.

PAR CHRIS TETAERT – PHOTO: BELGAIMAGES

Il a fait du kick boxing pour apprendre à encaisser les coups.

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