Le PSG, le nouveau FC Hollywood?
Jamais à l’abri d’une polémique, le PSG est souvent moqué pour son incapacité à se faire respecter par ses stars, et ce côté « cirque permanent » n’est pas sans conséquence. De quoi l’affubler du même surnom que le Bayern Munich de Trappatoni et Effenberg ? Décryptage.
Est-ce juste une impression où se passe-t-il toujours quelque chose au Paris Saint-Germain? Et surtout, est-ce la même chose dans les autres grands clubs européens? Le « FC Hollywood », surnom accolé au Bayern lors de la période Trappatoni- Effenberg et de ses guerres d’egos dans le vestiaire, a un temps fait le bonheur de Bild et de tous les médias allemands. Mais dans la catégorie polémiques extra-sportives, le Paris Saint-Germain a assez facilement remplacé un club allemand devenu très sage par ailleurs. Zlatan Ibrahimovic qui emmène tous ses petits copains Pastore, Verrati et Cie à Miami en pleine saison pour un petit road-trip floridien, Serge Aurier, « l’homme à la chicha » qui insulte Laurent Blanc et ses coéquipiers, des joueurs qui passent leur vie en boîte et qui le paient en étant souvent blessés…
Le retour de Leonardo en tant que directeur sportif du club en 2019 était censé remettre de l’ordre. Sacré constat d’échec…
Plus récemment, et dans le registre fait divers, le club parisien a malheureusement fait parler de lui dans le monde entier à cause de l’agression de KheiraHamraoui, la milieu parisienne frappée et agressée en pleine ville.
Mais l’exemple le plus frappant reste le cas MauroIcardi, absent lors du match à Leipzig en Ligue des Champions à cause de ses problèmes extra-conjugaux avec WandaNara… Vous en voulez d’autres? La liste est si longue! Mais dans quel club un joueur peut-il déclarer forfait à cause de problèmes de couple? Sur ordonnance? Et qui valide l’absence du joueur?
Un problème d’institution
Le retour de Leonardo en tant que directeur sportif du club en 2019 était censé remettre de l’ordre dans une maison où l’entraîneur ThomasTuchel s’en prenait régulièrement et publiquement à AnteroHenrique, prédécesseur de Leo, où à son président, NasserAl-Khelaïfi, et où les stars faisaient ce qu’elles voulaient.
Deux ans plus tard, et malgré une vraie réussite sur le plan sportif (une finale et une demie de Ligue des Champions), en termes d’autorité, l’échec est total. KylianMbappé est en position de force face au club à propos de sa fin de contrat en juin, Neymar fait toujours ce qu’il veut et les très nombreux Sud-Américains de l’équipe représentent un contre-pouvoir très efficace vis-à-vis de Leonardo.
L’épisode le plus retentissant? Le triple anniversaire Icardi (encore lui) -Cavani-DiMaría deux jours après la piteuse défaite (2-1) à Dortmund lors du huitième de finale aller de Ligue des Champions 2020… Les images avaient fuité sur la toile et les joueurs avaient célébré comme il se doit. Mais célébré quoi exactement? L’échec de toute une équipe en Allemagne et une défaite qui aurait pu être bien plus lourde si ErlingHaaland et consorts avaient été un peu plus efficaces?
Et contrairement aux fastueux anniversaires de Neymar dans la capitale, le trio sud-américain n’avait pas pris la peine de confisquer les portables à l’entrée. Les photos se sont disséminées sur les réseaux comme une traînée de poudre à même de faire exploser le service com’ du club. Plus que d’autres, une vidéo avait attiré l’attention: « C’est ainsi que se gagne la Ligue des Champions! », clamaient certains joueurs comme s’ils cherchaient à se convaincre (alcoolisés? ) qu’en cas de tempête, la fête pouvait servir de boussole.
Quelques heures plus tard, Leonardo affichait son mécontentement avant de se faire assez abruptement reprendre par… KeylorNavas! Y-a-t-il un pilote dans l’avion francilien? Un patron au club? Finalement, cette grande fête aura en tout cas bien eu l’effet escompté. Paris éliminera le Borussia au retour (2-0) avec un Neymar fantastique avant de perdre en finale contre le Bayern… Comme quoi, il vaut mieux parfois attendre avant de juger.
Neymar, un cas à part
Malgré son génie, certains supporters en ont désormais assez du Brésilien. Ses parties de poker tard la nuit devant des émissions de télé-réalité brésilienne, sa rééducation au Carnaval de Rio en 2019… Les motifs d’exaspération sont nombreux. Mais ce qui a le plus empoisonné la relation entre le club et sa star reste l’affaire de sa blessure en 2018, quelques mois avant la Coupe du monde. En rééducation au Brésil après s’être blessé au pied, Ney’ voyait le PSG se faire (une nouvelle fois) éliminer en huitième de finale de la Champions League (par le Real Madrid, cette fois), un an après la remontada barcelonaise.
Le club était-il à la hauteur de ses ambitions? Des rumeurs de départ affluaient, et les médias sportifs madrilènes, parfois un peu porte-paroles du Real, s’en faisaient l’écho, pilonnant à coups de Unes et d’articles tapageurs. Ils en étaient sûrs: à terme, Neymar allait quitter le PSG et signer en Espagne. Au Real Madrid? Retourner au Barça? Le quotidien madrilène AS évoquait des contacts pris entre le club merengue et le père du joueur… Mais à quelques encablures du Mondial russe, la seule question qui intéressait les Brésiliens était évidente: allait-il être rétabli à temps pour la Coupe du monde?
Car le feuilleton de sa blessure au pied survenue lors de PSG-OM avait également mis en lumière la faiblesse de l’institution parisienne face à la toute-puissance de la Fédération brésilienne de football. « Peu importe l’argent qu’il touche à Paris, son statut dans la capitale, il était hors de question de compromettre, même d’un pourcent, sa forme ou sa participation au Mondial russe », affirmait un correspondant français basé au Brésil.
Franco-Brésilien, ex-capitaine de l’équipe de France de foot des députés et homme politique de gauche, EduardoRihanCypel soulignait à quel point le cas Neymar accaparera toujours l’esprit des Auriverde. « Le pays a été plongé dans l’incertitude… Allait-il être forfait ou diminué en Russie? Le joueur et la Seleçao avaient les mêmes priorités et le match retour face à Madrid était secondaire. C’est d’ailleurs comme ça que j’interprète l’interview de son père ( le premier à parler d’une indisponibilité de six à huit semaines, court-circuitant ainsi la communication du PSG, ndlr). Sur les joueurs brésiliens, oui, on est dans le domaine du sacré. Nasser, le président du Paris Saint-Germain, en homme intelligent, a vite compris que l’opération du pied était inéluctable. » Selon MaximeBossis, ancien joueur de l’équipe de France, « un footballeur comme lui fait ce qu’il veut. Des autorisations, des passe-droits, il en a, et si puissants soient-ils, les dirigeants du PSG ne pouvaient s’y opposer ».
Au Brésil, les médias ont suivi heure par heure la rééducation du prodige avec son lot de polémiques. Pour une opération d’un doigt de pied, un étage entier de l’hôpital de Belo Horizonte (construit pour la Coupe du monde 2014), avait été bloqué. Un jour, l’un de ses amis chanteur était venu le voir, le lendemain un grand présentateur TV… Alors que le pays était confronté à une très grave crise économique. « Vous êtes bien gentils avec le petit doigt de pied de Neymar, mais on aimerait aussi savoir ce qu’il va se passer prochainement dans le pays », s’exclamaient certains Brésiliens.
La majorité a quand même été contente de le voir effectuer sa rééducation au pays, entouré de sa famille et de ses proches… Aujourd’hui, Neymar est un footballeur pesant plus que son club, un point c’est tout. Le penaltygate Cavani-Neymar de septembre 2017 lors de PSG-OL l’avait d’ailleurs aussi bien prouvé.
Des tensions finalement très classiques, entre l’Uruguayen, ancien leader de l’attaque du PSG, et un Brésilien venu à Paris dans l’optique d’enfin gagner le Ballon d’Or. Et à titre de nouveau numéro 1, tout est censé lui revenir: coup francs bien placés, pénos et meilleure pose devant les photographes. Alors oui, Neymar s’était ensuite excusé pour avoir cherché à tirer le penalty de la discorde, mais à terme, ces luttes d’egos rejaillissent-elles sur le vestiaire? Sociologue et auteur de l’ouvrage « Des footballeurs au travail » chez Agone, FrédéricRasera décrypte: « Dans mon enquête, deux joueurs de Ligue 2, qui étaient aussi amis, en étaient venus aux mains. Le lendemain matin, pour s’excuser, ils ont payé le petit-déj’ à tout le monde. Ils étaient passés très vite à autre chose. Entre Neymar et Cavani, ça a pu laisser des traces, ne pas en laisser. »
Les deux joueurs avaient été rappelés à l’ordre par Nasser et on n’oublie pas que dans leurs contrats figurent des clauses en matière de bonne attitude à tenir sur le terrain, de communication à soigner en zone mixte. « Malgré tous les projecteurs, Neymar sait très bien que ça ne se fait pas, mais pris dans le jeu, sur le terrain, ça lui échappe et se pose ensuite la question de son image », tempère Rasera. « Généralement, ça se règle en privé. » Et puis que valent vraiment ces clauses? Sont-elles vraiment de nature à effrayer ces egos surdimensionnés? Poser la question…
Comment le Paris Saint-Germain tente (ou pas) de changer cela…
Neymar-Cavani, comment gérer les jalousies dans un vestiaire? Y-a-t-il une fatalité dans le chef du PSG à être plus faible que ses propres stars? Est-il possible de lutter contre des vedettes planétaires? Au Real, qui pouvait contrer CristianoRonaldo? Quasiment personne. LionelMessi a-t-il été plus grand que le Barça? Oui. Comment Liverpool fait-il pour gérer les caprices de son Big Three ( RobertoFirmino– SadioMané– MohamedSalah)? La différence avec le PSG? Dans tous ces clubs règne un président autocrate ( FlorentinoPérez), un joueur très discret ( La Pulga), et un entraîneur très respecté de ses joueurs ( JürgenKlopp).
À City, le constat est le même de la part de joueurs respectant trop PepGuardiola pour se permettre la moindre incartade. Et à Chelsea, Thomas Tuchel, limogé du PSG cinq mois plus tôt, a gagné la Ligue des Champions 2021 avec la même méthode qu’à Paris… Mais à une différence près: sans joueur à l’aura planétaire, mais avec des soldats ( MasonMount, ChristianPulisic, KaiHavertz, TimoWerner…) respectant son projet de jeu et prêts à se sacrifier pour lui.
Il y a évidemment quelques cas particuliers dans l’histoire de ces clubs: GarethBale le « golfeur », préférant les greens madrilènes aux pelouses d’entraînement de Valdebebas, ou Ronaldinho, le « funambule » des boîtes de nuit barcelonaises… Tiens, tiens, encore un ancien joueur du PSG faisant de temps en temps monter de jeunes femmes lors des mises au vert pendant sa période parisienne (2001-03).
Car à Paris, ce type de polémiques est lié à l’histoire du club. Petit ou grand, candidat à la victoire en Ligue des Champions ou au maintien, le PSG est incomparable. Est-ce le faste de la capitale, de cette vie dans l’une des plus belles villes du monde qui fait tourner la tête au vestiaire?
De tous temps, les grands joueurs ont été difficiles à gérer. Caprices, rivalités sportives, salaires, les objets de conflit sont si nombreux… Alors, certaines stars ou même un vestiaire tout entier peuvent-ils être plus forts, plus puissants que l’institution? C’est là toute l’équation. Un club gagne grâce à ses fuoriclasse, mais si ceux-ci sont impliqués au sein d’un projet, d’une politique sportive, d’un équilibre entre toutes ses composantes. Si jamais un joueur devient plus important que le club…
À Manchester United, l’histoire raconte que SirAlexFerguson a laissé partir DavidBeckham et CR7 à un moment où ils étaient devenus plus puissants que l’institution mancunienne. À Paris, la politique de stars à tout-va ne va pas dans ce sens. Oui, certains ont essayé de poser des garde-fous pour mieux contrôler les dérives, mais sans vraiment y arriver.
Pour conclure, la grande interrogation: Paris peut-il gagner la Ligue des Champions cette année dans ce brouhaha « médiatico- people » où une polémique succède à une autre et déstabilise régulièrement le club? Encore une fois, la réponse se trouve dans la question.
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