Le problème de la direction

C’est Stephen Keshi, ex-capitaine des Super Eagles du Nigeria et, corollairement, ancienne tour de la défense anderlechtoise à la fin des années 80 qui nous faisait la réflexion il y a quelques mois.

 » A mon époque, les Sportingmen avaient une peur bleue de la direction et de tout supérieur hiérarchique d’ailleurs. Le trio infernal, c’était le surnom que les joueurs avaient donné à l’entraîneur Aad de Mos, au manager Michel Verschueren et au président, Constant Vanden Stock. Le coach était ni plus ni moins un chien. Je me souviens d’un match au Racing de Malines où il m’avait retiré du jeu après sept minutes à peine à cause de deux passes ratées. Pat Vervoort a vécu pire encore à une autre occasion : tout juste monté au jeu, comme remplaçant, il en avait été retiré peu après car il avait été déposé sur place par son adversaire direct. Le Hollandais ne supportait pas les approximations. Et, à vrai dire, on ne savait pas le piffer non plus, tant il inspirait le dégoût. Mais il n’en obtenait pas moins des résultats à sa manière car tout le monde le redoutait comme la peste.

Avec Verschueren, c’était d’abord Anderlecht et puis tout le reste. Je me remémore de prises de bec houleuses avec lui, sous prétexte qu’il chicanait mes déplacements en sélection. Durant l’hiver 1988, il voulut m’interdire de disputer une rencontre en phase finale de la Coupe d’Afrique des Nations car le RSCA devait donner la réplique la veille à Benfica. Finalement, un compromis fut trouvé : le mercredi soir, j’ai livré mon match au Parc Astrid face aux Portugais et le lendemain matin de bonne heure, je prenais l’avion pour le Maroc afin de jouer le soir contre la Côte d’Ivoire. Même si le règlement international prévoyait ma mise à la disposition du Nigeria, je n’aurais franchement osé faire autrement de peur de subir les foudres de Mister Michel.

Le président était terrible aussi. Sous des airs de papa gâteau, il savait très bien ce qu’il voulait. Quand il entrait dans le vestiaire, tout le monde était au garde-à-vous. On pouvait alors entendre une mouche voler. Et quand il passait un savon, je vous prie de croire que chacun était nettoyé. « 

En 20 ans, les temps ont bien sûr changé. Et avec eux, les hommes et les mentalités. Aussi bien en haut qu’au bas de l’échelle. Difficile, en tout cas, de parler encore d’un trio infernal aujourd’hui. Ariel Jacobs, le coach, est un gentleman au-dessus du lot sur le plan intellectuel. Homme de dialogue, on peut se demander si ses rares coups de gueule sont réellement porteurs. Herman Van Holsbeeck, qui a pris le relais de Verschueren, est un garçon bien élevé aussi qui préfère la souplesse à la manière forte. Mais une poigne de fer n’est-elle pas nécessaire de temps à autre au Parc Astrid ? Récemment, Mister Michel disait à notre magazine que jamais, avec lui, il n’y aurait eu de cas Frutos ou de cas VanDamme. Il voulait dire à ce propos que les deux joueurs, de son temps, auraient dû profiter de la trêve estivale pour se faire soigner au lieu de se rendre compte de la gravité de la situation au moment de la reprise.  » A la place de Jelle, je me serais fait opérer au lieu de me marier « , dit-il. Tout le monde ne l’entend évidemment pas de la même oreille…

Reste Roger Vanden Stock. Une anecdote, narrée par Bertrand Crasson, qui a joué sous la présidence du père et du fils, est sans doute éloquente à ce sujet : » C’était après le match Anderlecht-Lokomotiv Moscou en phase des poules de la Ligue des Champions 2001-2002. On venait de se faire laminer 1-5, la plus grosse défaite jamais encaissée par le Sporting sur ses terres. Je n’ose imaginer ce que le père nous aurait balancé à la figure dans ces conditions. Mais avec le fils, la surprise fut totale aussi : – Quelle claque, hein, Bertrand ! C’était là tout ce qu’il avait à me dire. Je n’en suis toujours pas revenu aujourd’hui. Et je me demande dans quelle mesure, à Anderlecht, on n’est pas devenu trop coulant en haut lieu…  »

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