© BELGAIMAGE

Le Prince du Parc

Le PSG a déboursé 222 millions d’euros pour acheter Neymar au FC Barcelone l’été dernier. Le joueur le plus cher du monde a-t-il déjà justifié sa valeur ? La double confrontation face au Real Madrid doit convaincre ses derniers détracteurs.

À une époque où l’efficacité, le politiquement correct et la tactique règnent en maître dans le football, Neymar est une anomalie. C’est la raison pour laquelle quelques-uns le haïssent mais beaucoup l’admirent. Ses dribbles, ses accélérations et ses feintes font du Brésilien un poète dans un monde de fonctionnaires.

Ce qui rend Neymar exceptionnel, c’est qu’il parvient à combiner statistiques et trophées : un titre de champion du Brésil, une Coupe et une Copa Libertadores avec le FC Santos, une Champions League, deux titres de champion, trois coupes d’Espagne et une coupe intercontinentale avec Barcelone, un titre de champion olympique et la Coupe des Confédérations avec le Brésil.

On a beaucoup parlé de la somme astronomique de 222 millions d’euros dépensée pour son transfert mais en fait, les propriétaires qataris du PSG n’ont fait qu’investir leur argent de manière intelligente. Avec 28 buts et 16 assists en 27 matches, Neymar prouve non seulement qu’il constitue une plus-value sportive immédiate mais d’un point de vue commercial aussi, c’est un coup dans le mille.

Depuis 2011, le Qatar mise sur le PSG pour booster son image et attirer les touristes. Une photo de Neymar dans le Golfe ou une publicité pour le Qatar sur son maillot vaut davantage que 100 spots télévisés. Grâce à ses comptes Instagram, Facebook et Twitter, Neymar touche plus de 170 millions de personnes aux quatre coins du monde. C’est plus du double de toute la Ligue 1 réunie.

Une agence internationale d’études à Neuchâtel a récemment calculé qu’au total, Neymar valait 213 millions d’euros, soit environ la somme que le PSG a déboursée pour obtenir ses services. Pour arriver à ce montant, on a tenu compte de son potentiel commercial, de sa popularité mondiale, de son rendement sportif et de sa valeur de revente.

Sur la liste, le Brésilien est suivi de Lionel Messi (202 millions d’euros), d’ Harry Kane (195 millions d’euros) et de Kylian Mbappé (192 millions d’euros). Sur le plan financier, le PSG, qui verse les 222 millions d’euros en cinq tranches annuelles de 44 millions à Barcelone, a donc fait une excellente affaire en engageant Neymar.

Bien que le reste de la Ligue 1 jalouse les pétrodollars qui semblent jaillir du sous-sol parisien et que le PSG ne dégage pas vraiment une image sympathique, les clubs français de L1 sont heureux de l’arrivée de Neymar. Soudain, on parle de la Ligue 1. Au cours des six premiers mois du championnat actuel, le nombre moyen de spectateurs par match a augmenté de 8 %, tandis que Canal + a vu son audience bondir de 40 %. Début janvier, le match au sommet entre Lyon et le PSG a attiré 2,6 millions de téléspectateurs, un record en Ligue 1.

Le clash entre Cavani et Neymar

Tout le monde est-il dès lors satisfait ? Pas vraiment. Car l’attrait des médias crée aussi la polémique. Cela a commencé dès le mois d’août, lorsque les privilèges dont Neymar jouissait au PSG ont été dévoilés. Son salaire mensuel de 3 millions d’euros brut est deux fois plus élevé que celui des autres stars, Edinson Cavani, Marco Verratti et Kylian Mbappé, mais cela arrive souvent. Ce qui dérange le plus, ce sont les avantages d’ordre non financier dont il bénéficie.

Neymar est ainsi le seul à pouvoir arriver en vêtements de loisirs les jours de match, les autres joueurs devant porter le costume du club. Il peut aussi régulièrement sauter un match, comme les déplacements à Angers, Strasbourg ou Sochaux. Mais le pire, c’est qu’il peut décider lui-même de tirer les penalties ou les coups francs. Même si, comme certains médias l’ont fait remarquer, cela ne figure pas dans son contrat.

La première contestation a eu lieu en septembre, après le match au sommet contre Lyon, au cours duquel Neymar et Cavani se sont disputés publiquement pour savoir qui allait tirer. Cavani a fini par rater le penalty et, selon L’Équipe, la dispute s’est encore enflammée dans le vestiaire. Deux incidents ont encore eu lieu depuis : en novembre contre Troyes et en janvier face à Dijon.

À 7-0, Neymar a voulu tirer un penalty accordé après une faute commise sur Cavani. L’attaquant uruguayen aurait pu inscrire son 157e but pour le compte du PSG et détrôner Zlatan Ibrahimovic de la place de meilleur buteur du club de tous les temps. Neymar a transformé le penalty mais s’est fait siffler par tout le Parc des Princes. Cavani est en effet le chouchou du public, qui apprécie son jeu énergique et sa loyauté envers le club. Ça n’a pas plu à Neymar qui, dès la fin du match, a quitté le stade.

Par la suite, Thomas Meunier a défendu son équipier.  » C’est un peu ingrat de le siffler alors qu’il a inscrit quatre buts « , estime le Diable Rouge, qui avait déjà parlé à Sport/Foot Magazine de son célèbre équipier en ces termes :  » C’est un honneur de jouer avec un des meilleurs joueurs du monde mais en interne, il n’y a pas de show. On remarque qu’il fascine les gens mais au sein de l’équipe, c’est un gars simple et sympathique. On oublierait rapidement qu’il s’agit de Neymar mais quand il a le ballon au pied, il est exceptionnel.  »

Son arrogance plaît moins en Ligue 1 qu’en Espagne.

Un comportement arrogant

Personne ne nie qu’il y a des clans au sein du noyau. Même l’entraîneur, Unai Emery, l’a reconnu.  » Il est normal que les joueurs qui parlent la même langue s’entendent bien « , dit-il. Avec le boute-en-train Dani Alves, le capitaine Thiago Silva et Marquinhos, Neymar a des alliés importants dans le vestiaire. À l’entraînement, il ne faut pas qu’on le secoue mais ça ne l’empêche pas de ridiculiser ses propres équipiers par ses gestes techniques, surtout quand il y a une caméra dans les parages, ce qui permet de faire le buzz sur YouTube. Pas vraiment collégial…

Au cours des matches aussi, le dribbleur brésilien se comporte parfois de façon arrogante, ce qui provoque de la frustration. Il adore provoquer l’adversaire en arrêtant le ballon puis en redémarrant d’un dribble soudain. Il le faisait en Espagne aussi mais en France, où on met davantage l’accent sur le physique et l’organisation tactique, c’est nettement moins apprécié.

Neymar se plaint régulièrement d’encaisser beaucoup de coups mais la façon dont il cherche à se venger en allant à la confrontation, en rendant des coups ou en ridiculisant l’adversaire, ne le rend pas populaire. Il y a peu, il a été pointé du doigt pour un geste antisportif face à Rennes. Il a tendu la main à son adversaire au sol, Hamari Traoré, puis l’a retirée immédiatement. Une plaisanterie qu’il fait souvent à l’entraînement, a-t-il ensuite expliqué en zone mixte, avant d’ajouter :  » Aujourd’hui, on ne peut plus rien faire, tout est sujet à polémique, même les blagues. C’est à cause de ça que le football est devenu ennuyeux.  »

Il n’empêche que ces polémiques entachent le succès sportif du joueur le plus cher de l’histoire du football et alimentent les rumeurs selon lesquelles il rêve de porter le maillot du Real Madrid (voir encadré). Neymar ne fait d’ailleurs pas grand-chose pour les faire taire, si ce n’est dire qu’il est heureux à Paris et qu’il veut entrer dans l’histoire avec le PSG.

Bientôt uni avec Casemiro ?

En revanche, son récent plaidoyer auprès des propriétaires qataris du PSG pour qu’ils engagent Casemiro (Real Madrid) constitue peut-être un signal que Neymar veut rester encore au moins une saison dans la Ville Lumière. Cet appel à l’arrivée d’un médian supplémentaire n’est pas innocent car c’est là que se situe le point faible du PSG : il manque un brise-lames dans l’entrejeu. Ni Marco Verratti ni Adrien Rabiot ne peuvent remplir ce rôle et, face aux adversaires plus forts, cela se ressent. Ce fut le cas face au Bayern Munich en phase de poules de la Ligue des Champions : le PSG s’est incliné 3-1 et on n’a pas vu Neymar. Le problème, c’est que le PSG est surveillé par un organe de contrôle du Fair-Play Financier. Il a tellement dépensé qu’il doit générer 75 millions de recettes avant le 30 juin prochain. C’est pourquoi, lors du dernier mercato, il a engagé l’international français Lassana Diarra (32 ans), qui pouvait quitter gratuitement Al-Jazeera et peut combler cette lacune dans l’entrejeu. De plus, les Argentins Javier Pastore et Angel Di María ont été mis en vitrine. Une qualification pour les quarts de finale de la Ligue des Champions face au Real Madrid pourrait aider. Les privilèges et les souhaits de Neymar ne sont en effet acceptables que s’il y a du rendement. Et ce rendement, aux yeux du public parisien et des propriétaires qataris, ne peut se traduire que d’une seule façon : remporter la Ligue des Champions.

Prédestiné à jouer au Real Madrid

Depuis 2014 et l’arrivée de James Rodríguez, le Real Madrid n’a plus transféré de Galáctico. Les choses doivent changer l’été prochain. Outre Eden Hazard et Harry Kane, le nom le plus cité est celui de Neymar. Ce n’est pas une surprise car le Brésilien est dans le radar des recruteurs du Real depuis qu’il a 14 ans. Il y a douze ans, l’agent de joueurs Wagner Ribeiro, qui avait amené Robinho à Madrid, était venu en Espagne avec la famille Neymar afin que le gamin puisse y passer un test de deux semaines et visiter les installations.

À l’époque, déjà, pratiquement toute l’Europe suivait le jeune dribbleur de Mogi das Cruzes, dont on a toujours prétendu que le Real était son club favori. Sa famille avait pourtant décidé qu’il était trop tôt pour partir et était rentrée au Brésil. Deux ans plus tard, il a signé un contrat pro avec le FC Santos.

Malgré un pré-accord avec le Real, le FC Barcelone a réussi à se placer. Il le doit surtout aux bonnes relations que son président de l’époque, Sandro Rosell, entretenait avec la fédération brésilienne et aux exigences supplémentaires (lisez les commissions sur les transferts) que Santos avait posées en vue d’un transfert éventuel. Contrairement à Barcelone, le Real n’a pas voulu entrer dans la surenchère.

Malgré l’énorme succès que son transfert à Barcelone a constitué, Neymar n’aurait cependant jamais cessé d’aimer le Real. Tout le monde s’attend donc à ce qu’en 2019 au plus tard, à la fin de son contrat à Paris, il porte le maillot blanc. Selon les médias espagnols, le Real Madrid serait prêt à mettre 200 millions d’euros sur la table mais ce n’est vraisemblablement pas suffisant pour pouvoir entamer cet été les négociations avec les propriétaires qataris du PSG. Nasser Al-Khelaïfi, le boss du club parisien, a affirmé récemment qu’il n’était pas  » sûr à 100 mais à 2000 %  » que le joueur évoluerait encore dans la capitale française la saison prochaine. Par cette promesse, il a engagé l’honneur du Qatar.

De nombreuses clauses figureraient cependant au contrat de Neymar. Il s’agirait de concessions faites par les Qataris pour convaincre la star d’opter pour le championnat de France, moins attractif. Les médias français pensent qu’une clause de rupture de 300 millions, valable jusqu’au 1er septembre 2018, est d’application. Ce montant diminuerait chaque année et il serait de plus en plus facile pour Neymar de quitter le club.

De plus, les Madrilènes disposent d’un atout que le PSG voudrait depuis longtemps : Cristiano Ronaldo. Bref, la double confrontation entre le PSG et le Real Madrid en huitièmes de finale de la Ligue des Champions (14/2 et 6/3) sera aussi un match entre Ney et CR7 : la mort du père.

 » Le véritable baromètre, c’est la Ligue des Champions  »

Daniel Riolo est l’un des consultants les plus écoutés de France. Auteur de plusieurs livres, dont L’ histoire du Paris Saint-Germain, fervent blogueur et leader d’opinion, il a sa propre émission sur Radio Monte Carlo et le PSG n’a aucun secret pour lui. Comment évalue-t-il les six premiers mois de Neymar à Paris ?

 » Dès les premiers matches, il a montré son potentiel « , dit Riolo.  » Il est efficace et spectaculaire. Il peut tout faire. C’est un provocateur mais il est génial. Le problème, c’est que ça ne se voit pas car le PSG domine tellement la Ligue 1, qu’on ne peut évaluer correctement ses prestations. Neymar n’a pas été engagé pour remporter la Ligue 1, le PSG pouvait le faire sans lui.

Le véritable baromètre, c’est la Ligue des Champions. Dans cette optique, les matches face au Real Madrid seront cruciaux. La saison dernière, l’élimination face au FC Barcelone a causé une immense déception, surtout après le 4-0 du match aller. Ce jour-là, le PSG a livré le meilleur match de son histoire… et c’était sans Neymar, hein ! Mais au match retour, l’équipe a sombré mentalement. On va voir, maintenant, si Neymar peut apporter du caractère à cette équipe.  »

Le PSG joue-t-il différemment par rapport à l’époque de Zlatan Ibrahimovic ?  » C’est incomparable « , estime Riolo.  » D’abord parce que l’entraîneur est différent : Laurent Blanc misait davantage sur la possession de balle et l’organisation, tandis qu’ Unai Emery exige un jeu plus direct et plus vertical. De plus, il dispose en Neymar et Kylian Mbappé de deux joueurs très talentueux, capables d’accélérer le jeu.

Qualitativement, la ligne d’attaque actuelle est meilleure que le trio Zlatan- CavaniDi María. Offensivement, le PSG est encore plus efficace et plus dangereux en contre-attaque. Parfois, on dirait les Harlem Globetrotters : Neymar peut se permettre de prendre possession du ballon à soixante mètres du but et de dribbler sept adversaires.  »

D'habitude, c'est l'adversaire qui tire la langue.
D’habitude, c’est l’adversaire qui tire la langue.© BELGAIMAGE

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire