Le poing final de Renard

Jean-Marc Renard est le plus grand boxeur belge de tous les temps.. Je me souviens l’avoir eu au téléphone bien après son 45e et dernier combat professionnel, ce Mondial des super-plumes (- de 58,967 kg) vaillamment disputé et perdu à Namur le 2 juin 1989 contre le tenant du titre, le Vénézuélien Antonio Esparragoza. Renard s’était retiré dans les Ardennes, près de Tenneville, où il était devenu exploitant forestier. Le crack avait tiré le rideau, n’entendait plus apparaître sur le devant de la scène, vivait une nouvelle existence, loin des rings. Bien avant cela, je m’étais régulièrement rendu chez lui, à Ombret (Amay) qui a les pieds dans la Meuse. Son épouse veillait amoureusement sur lui, sur un champion qui n’avait pas que les mains fragiles. Fils de Jean Renard, boxeur lui aussi, il avait eu une jeunesse difficile, marquée au fer rouge par le suicide de son frère qui était aussi son ami, son confident des moments douloureux.

Jeune, il rêvait de moto-cross avant d’entamer son règne entre les cordes. Il avait du punch dans ses interviews et un manager qu’il mit KO dans notre magazine se retourna contre moi via une plainte en justice. Renard confirma que j’avais scrupuleusement respecté ses propos et l’affaire en resta là. Au fil de ses combats, les journalistes spécialisés en boxe, au rang desquels je citerai les Blavier, Larcher, Arets, Kusters, Ginsburg, Doms, Remy, Guiot et Laverdisse, étaient de plus en plus subjugués par l’énergie du Rocky wallon qui bombardait ses adversaires, se jouait des fausses gardes, les épuisait. L’ouragan belge a aussi essuyé des tabacs mais il se dépassait dans l’épreuve pour aller chercher la victoire qui semblait lui échapper. Ce fut le cas contre Daniel Londas à Saint-Ouen le 20 décembre 1986 ou, six mois plus tôt, face à Farid Benredjeb. Ce soir-là, le 26 juin, à Compiègne, Renard garda son titre en arrachant un match nul héroïque. Il s’était brisé les deux mains à force de répondre aux attaques d’un adversaire porté par son public.

Mais c’est après cet impitoyable combat que j’ai découvert la plus belle facette du noble art. Epuisés, les deux boxeurs ont été transportés à l’hôpital. Je les y ai suivis avec mon confrère FrancisRemy et nous avons assisté à une scène unique : côte à côte, les deux boxeurs, unis dans la douleur et le respect mutuel, attendaient la visite du même médecin. Des années plus tard, le 27 août 2008, sous l’emprise de soucis familiaux, il s’est tiré deux balles dans la tête à Tenneville. Poing final à 52 ans. A chaque passage près d’Amay, je pense à Renard, à ses 40 succès en 45 combats, à ses huit titres européens : il était exceptionnel.

PAR PIERRE BILIC

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