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Le poil à gratter de la D1 hollandaise

Pour bon nombre de suiveurs, l’AZ de John van den Brom est l’équipe qui produit le meilleur football des Pays-Bas. Dimanche, le club d’Alkmaar espère remporter la Coupe nationale face à Feyenoord.

« Vous voulez un café ? « , demande l’employée du Centre d’Entraînement AFAS tout en servant un repas sain à ses jeunes joueurs. Nous ne pouvons qu’approuver les mots de Johan Cruijff reproduits sur le mur du Family Home ( » Je me sens bien à AZ « ). Plusieurs anciens entraîneurs du club d’Alkmaar y sont allés de leur définition.

 » AZ, c’est la meilleure école  » ( Marco Van Basten),  » AZ, c’est un modèle d’organisation pour les clubs hollandais  » ( Co Adriaanse),  » Au niveau du sport de haut niveau, l’AZ a tout ce qu’il faut pour former un joueur  » ( Dick Advocaat).

Sans oublier la phrase de l’inévitable Louis van Gaal, qui a offert le titre au club en 2009.  » J’ai choisi AZ pour trois raisons : une organisation stable, la qualité du noyau et l’ambition du club.  »

Dehors, sous un timide soleil printanier, l’entraînement de la Première touche à sa fin. Lorsque le rythme ralentit un peu trop à son goût, John van den Brom hausse le ton. L’AZ arrive à un tournant de sa saison : il est pratiquement assuré de terminer troisième devant Feyenoord et de décrocher ainsi un ticket pour la phase de groupes de l’Europa League. Mais la direction veut aussi un trophée.

Le club ne compte encore que deux titres de champion (1981, 2009) et quatre coupes des Pays-Bas (1978, 1981, 1982 en 2013). L’an dernier, il s’est fait surprendre en finale par Vitesse (2-0) et ce souvenir est toujours douloureux.

 » Nous avons goûté à la finale. Maintenant, nous voulons gagner, le groupe est très motivé à cette idée « , dit le capitaine, Wout Weghorst, arrivé de Heracles Almelo il y a deux ans pour remplacer Vincent Janssen, parti à Tottenham pour 20 millions d’euros. Weghorst a effectué ses débuts en équipe des Pays-Bas voici peu et il sera peut-être le prochain transfert sortant d’AZ.

L’équipe la plus sexy

 » Nous sommes allés chercher Vincent à Almere City, en D2. Un an plus tard, il partait pour Londres. Tout est peut-être allé un peu trop vite mais on ne pouvait pas empêcher ça « , dit John van den Brom qui, voici peu, a prolongé son contrat d’une saison.

 » Ce sera ma cinquième. Parfait. Le club et moi, nous nous connaissons bien. Et si nous sommes encore satisfaits l’an prochain, je prolongerai encore d’un an.  » Jusqu’ici, il a coaché AZ à 170 reprises en matches officiels. Les seuls qui ont fait mieux sont Georg Kessler (177), architecte du doublé historique et d’une finale de Coupe UEFA en 1981, et Van Gaal (171).

L’entraîneur champion avec Anderlecht en 2012 et limogé en mars 2013 est détendu. Son bureau est sobre. Quelques chaises vides, une banquette de cuir noir pour les invités.  » Café ?  » Le football produit par Anderlecht au cours des derniers mois lui a fait mal.  » Et je le pense vraiment, vous savez.  »

Par contre, au cours des derniers mois, son équipe croule sous les louanges.  » Le positionnement des joueurs de l’AZ, c’est terriblement sexy « , peut-on lire. Le PSV file tranquillement vers un 24e titre, l’Ajax a connu des difficultés au cours des derniers mois et Feyenoord n’est plus que l’ombre de l’équipe qui a décroché le titre la saison dernière.  » Depuis le début de la saison, c’est l’AZ qui produit le meilleur football des Pays-Bas « , répètent les entraîneurs et les consultants.

John van den Brom sourit.  » C’est le plus beau compliment qu’on puisse faire à un amateur de football – comme moi – et à un entraîneur. Je suis très heureux que notre style de jeu plaise aux gens.  »

Une pépinière de jeunes

Quatre terrains synthétiques, trois terrains en herbe, onze vestiaires, des bureaux, une grande salle de fitness, des salles de conférence, deux salles des joueurs, des salles destinées à la récupération et à la physiothérapie, un wellness, un bureau pour les dirigeants et une salle de projection : AZ a pensé à tout lorsqu’il a construit son centre d’entraînement, inauguré en septembre 2016. Et pourtant : moins de deux ans plus tard, le complexe de Wijdewormer, une commune construite sur les polders, à 30 km du Stade AFAS d’Alkmaar, est déjà trop petit.

De nouveaux plans ont donc été dessinés. Si tout va bien, le site sera agrandi cet été. Il comprendra un terrain couvert aux dimensions de match.  » Nous grandissons « , dit le directeur général Robert Eenhoorn dans Voetbal International.  » Nous voulons permettre à nos joueurs d’évoluer le plus possible. Pour cela, il leur faut des installations optimales.  » Car plus que jamais, c’est la formation des jeunes qui permet au club de vivre.

Trois des vingt-trois millions du budget annuel sont consacrés à la formation et cela se ressent chaque semaine dans la composition de l’équipe A. La dernière levée a fourni Guus Til (20 ans), Teun Koopmeiners (20 ans), Thomas Ouwejan (21 ans) et Pantelis Hatzidiakos (21 ans), quatre titulaires. Calving Stengs (19 ans), un ailier qui a éclos l’an dernier en Espoirs était également titulaire lors de la première journée mais il s’est déchiré le ligament croisé lors du match au PSV.

J’entends de plus en plus souvent dire que nous produisons le plus beau football des Pays-Bas. C’est le plus beau compliment qu’on puisse me faire.  » John van den Brom.

Et le noyau A comprend encore huit joueurs – Jeremy Helmer, Myron Boadu, Ferdy Druijf, Owen Wijndal, Nick Olij plus les expérimentés Ron Vlaar, Joris van Overeem et Marko Vejinovic – formés à Alkmaar. Plus de la moitié du noyau A est ainsi issue du centre de formation.

Le meilleur club formateur des Pays-Bas

 » Nos moyens financiers limités nous obligent souvent à faire appel à des jeunes formés ici « , dit Van den Brom.  » C’est un de mes dadas. Si j’ai le choix entre un jeune de 19 ans un peu moins bon et un joueur confirmé de 28 ans, j’opte toujours pour le jeune car, contrairement au plus vieux, il peut encore progresser. C’est la philosophie et la vision du club.  »

 » Mais pour les lancer, il faut les avoir, sans quoi on se fait couper la tête « , ajoute-t-il, précisant qu’à Anderlecht aussi, il lancé des jeunes :  » Youri Tielemans, Leander Dendoncker, Dennis Praet, Massimo Bruno, Chancel Mbemba…  »

Fredrik Midtsjø (24 ans) souligne qu’AZ n’a pas de souci à se faire quant à la qualité de ses jeunes. Le médian norvégien est arrivé de Rosenborg l’été dernier et il a été impressionné par ses nouveaux jeunes collègues.

 » Ce qui m’a le plus frappé, c’est qu’ils sont très complets. On ne dirait pas qu’ils sont aussi jeunes. Dès qu’on leur donne leur chance, ils la saisissent. Ils sont intelligents, forts physiquement et mentalement et ils jouent bien au football. Ça en dit long sur la qualité de la formation à AZ.  »

Dans le noyau, on ne compte que six étrangers : un Belge ( Stijn Wuytens), deux Norvégiens (Midtsjø et Jonas Svensson), un Tchèque ( Ondrej Mihálik), un Iranien ( Alireza Jahanbakhsh) et un Grec formé à Alkmaar (Hatzidiakos).

C’est une volonté du club qui s’est vu attribué deux fois d’affilée (2015, 2016) le Rinus Michels Award, attribué au meilleur club formateur des Pays-Bas et qui a reçu récemment la visite de la Real Madrid University, un honneur réservé jusque là à l’Ajax, à Feyenoord et au PSV.

Des drôles de cocos ?

 » L’AZ, c’est l’élève le plus bizarre de la classe « , répète régulièrement John van den Brom. Et ce n’est pas nouveau. En 2002, le club avait surpris tout le monde en nommant au poste de directeur général Toon Gerbrands, un ancien volleyeur qui, cinq ans plus tôt, avait coaché l’équipe nationale championne d’Europe.

Il était également le manager/directeur de l’équipe de patinage de Dick Scheringa, le président d’AZ. Le club d’Alkmaar était le poil à gratter de la D1 hollandaise et, en 2009, il décrochait le titre. Pour la première fois depuis 1981, lorsque Alkmaar avait déjà été champion, celui-ci échappait à la fois à l’Ajax, à Feyenoord et au PSV.

Le petit club du nord des Pays-Bas disputait la Ligue des Champions mais quelques mois plus tard, la Dick Scheringa Bank était déclarée en faillite et AZ perdait son sponsor. Il retournait alors aux sources avec un solide ancrage local et la volonté de continuer à innover. En 2014, l’ex-coach de volley partait au PSV et était remplacé par Robert Eenhoorn (49 ans) un ex-joueur de base-ball professionnel.

Un type particulier qui a joué aux New York Yankees et aux New York Mets dans les années ’90 et qui a une idée très particulière du chemin que le club veut, doit et va suivre.  » L’AZ veut faire structurellement partie du top 4 « , dit-il dans Voetbal International. Ailleurs dans le pays, on doit se dire : quels drôles de cocos, ces gens d’Alkmaar. Mais c’est l’essence du sport : il faut se fixer des objectifs clairs, élevés mais accessibles.

Au début, on dérange. Les gens qui crient trop fort sont souvent jugés. Il est bien plus confortable de dire qu’on joue pour se maintenir et de revoir ses objectifs à la hausse après quelques bons résultats. Mais c’est diriger avec la peur au ventre et se couvrir en cas d’échec. Or, en sport, on travaille sans filet. Celui qui échoue se casse la figure.  »

Le top 3 inaccessible en termes de budget

Sur le plan budgétaire, le top trois (80 millions pour l’Ajax, 70 millions pour le PSV et 64 millions pour Feyenoord) est inaccessible mais même des petits clubs comme Twente (29,8) et Vitesse (26) ont un budget supérieur à celui d’AZ qui, dernièrement, a fourni trois joueurs à l’équipe nationale (l’ancien gardiende Genk Marco Bizot, Weghorst et Til). Soit autant que l’Ajax.

Formation et recrutement restent les maîtres-mots à Wijdewormer. Lors du match face à Groningen, Stijn Wuytens était le seul titulaire à ne pas être sélectionné dans une équipe nationale…

 » Nous aimerions dire que nous visons le top 4 mais sans faire référence à l’histoire « , dit Van den Brom.  » Nous ne pourrons plus jamais vivre comme avant mais, au vu de ce qui se passe aujourd’hui, nous pouvons nous en rapprocher. Au cours des dernières saisons, nous avons terminé à plusieurs reprises devant Feyenoord.

Avec un bien plus petit budget, certes, mais surtout avec une vision claire, une philosophie et une méthode de travail : nous pensons différemment, nous formons différemment, nous sommes différents. Il y a trois ans, nous avons été le premier club hollandais à travailler avec des analyses de données. Maintenant, presque tout le monde le fait.  »

Car AZ n’a pas de secret. Voici peu, le coach s’est montré (légèrement) agacé parce que, au cours d’un séminaire, le club avait disséqué sa tactique et qu’un journal l’avait analysée.  » J’ai travaillé dans de grand clubs – Ajax et Anderlecht – où il était impossible d’entrer pendant la semaine. Ici, nous ne devons même pas nous entraîner à huis clos car la distance entre Alkmaar et Wijdewormer est si grande que personne ne vient. Mais nous devons tout de même tenter de garder pour nous les choses dans lesquelles nous innovons. C’est là que se trouve notre bénéfice. AZ peut vraiment encore être champion.  »

Sans que cet objectif engendre une pression supplémentaire. Comme le dit Eenhoorn.  » Le stress, c’est quand on vaut 4 sur 10 et qu’on sort avec une femme qui vaut 10. Ce que nous faisons, c’est chouette.  »

Van den Brom, l’entraîneur humain

 » À chaque fois que nous transférons un joueur, je l’invite d’abord à la maison pour voir si on s’entendra « , dit John Van den Brom, que son directeur a surnommé l’entraîneur humain. Celui qui a un problème peut s’asseoir sur la banquette de cuir noir de son bureau pour une discussion profonde.

 » Je suis ouvert et direct, ce qui posait des problèmes à certains joueurs d’Anderlecht. Nous, les Hollandais, nous pouvons dire à quelqu’un que c’est un connard sans que notre relation en soit affectée pour autant. En Belgique, c’est plus difficile, même si Herman ( Van Holsbeeck, ndlr) m’avait dit que je ne devais pas faire de concession et que c’était pour ça qu’on m’avait engagé. Je suis comme ça. « 

Le syndrome du Kuip

Le dimanche 22 avril, à 18 h, AZ dispute la finale de la Coupe des Pays-Bas au Kuip contre Feyenoord. Et ça, c’est difficile. Lors de la dernière confrontation au Kuip (mi-mars), AZ, d’habitude si fringant, fut méconnaissable. Après la défaite (2-1), John van den Brom affirma même que ses joueurs souffraient d’un  » syndrome du Kuip.  »

Depuis son arrivée (fin septembre 2014), les deux clubs se sont rencontrés à neuf reprises. Et AZ n’a gagné qu’une fois (4-2 en janvier 2016). Si on y ajoute un nul en 2014, ça donne un bilan de 4 sur 27.

Le bilan face au deux autres clubs du top 3 n’est guère meilleur. Depuis l’arrivée de Van den Brom, AZ a joué six fois contre Ajax. Il s’est imposé 0-1 à l’Amsterdam ArenA en février 2015 et a fait match nul en novembre 2016. Bilan : 4 sur 18.

Face au PSV, AZ semblait bien parti pour l’emporter au Stade AFAS voici peu (il menait 2-0) mais la carte rouge de Ron Vlaar et un penalty douteux ont tout gâché (2-3). C’était la huitième défaite en autant d’affrontements. Bilan : 0 sur 24.

 » À nos yeux, une saison se joue seulement sur six grands matches, c’est trop peu. Je préfère le système belge, avec les play-offs 1. Les jeunes joueurs d’Anderlecht peuvent ainsi jouer quatre fois par an face au Club Bruges, au Standard, à Gand ou à Genk. C’est dans ces matches qu’ils progressent. « 

L'AZ s'est incliné 2-1 lors de sa dernière visite au Kuip. Sur ce document, on voit l'attaquant Oussama Idrissi tenter sa chance au but.
L’AZ s’est incliné 2-1 lors de sa dernière visite au Kuip. Sur ce document, on voit l’attaquant Oussama Idrissi tenter sa chance au but.© BELGAIMAGE

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