Le plus Wallon des Flamands

Figure emblématique des Spirous Charleroi, le capitaine hennuyer et quadruple champion de Belgique a dû s’accomoder d’un nouveau rôle.

Lundi, en finale de Coupe de Belgique, Charleroi a été lessivé par Ostende dans l’un des sommets de la saison. « Ce match est toujours particulier » a dit Cleymans. « Mais il l’était encore plus vu l’injustice dont nous avons été victimes lors du match de championnat gagné par les Côtiers à la Coupole, en octobre dernier. Tout le monde a vu ce qui s’est passé ce soir-là. Les arbitres et le commissaire de table ont reconnu qu’il y avait eu une erreur lors de la prolongation. Mais jamais, le match n’a été à rejouer. C’est une décision purement politique. Qui n’a fait que renforcer l’antagonisme entre les deux clubs ».

Laquelle des deux équipes est favorite pour le titre?

Cleymans :Ostende nous devance au classement. Logiquement, il est pointé du doigt comme le favori. Mais les Flandriens ne nous sont pas supérieurs.

Erik, votre prénom se termine bien par la lettre K et non par un C comme l’écrivent la plupart des gens?

Oui, ma mère m’a appelé Erik parce qu’elle savait que cela étonnerait. Elle avait un léger goût pour l’anti-conformisme. Elle réagit à chaque fois qu’elle constate que la presse orthographie mal mon prénom. Personnellement, cela m’est tout à fait égal.

Eric, c’est plus francophone, non?

Oui, bien sûr. Mais, honnêtement, cela n’est pas fait pour me déplaire. Cela fait deux lustres que je passe mes journées du côté francophone du pays.

C’est plutôt rare pour un Campinois.

Je ne sais pas si ce fait est rare ou pas. Toujours est-il que je me sens mieux dans le Sud que dans le Nord du pays. Que ce soit à Pepinster, où j’ai joué en tout début de carrière, ou à Charleroi, les valeurs véhiculées et la mentalité des gens que je côtoie me plaisent davantage que ce que celles j’ai connues à Ostende, par exemple. Depuis le temps que je sillonne les parquets de l’élite, j’ai pu constater que le spectateur francophone est plus fidèle que son homologue néerlandophone. Ce dernier est davantage un supporter de la victoire. Lorsque j’évoluais à Ostende, c’était le cas. A Charleroi, que l’on perde ou que l’on gagne, les gens nous soutiennent toujours s’ils ont le sentiment que l’on n’a pas triché sur le parquet.

Vous avez souvent été très controversé. Dans la plupart des salles, on vous hue. Comment réagissez-vous à cette attitude du public à votre égard?

On me hue surtout dans les clubs flamands. Honnêtement, cela ne m’empêche pas de jouer mon match. Au contraire même. Je suis quelqu’un que la provocation du public adverse motive. Les gens qui me sifflent me rendent plus fort.

Pourquoi entretenez-vous un tel rapport conflictuel avec l’opposition?

Je ne sais pas. Peut-être est-ce dû au fait que je me sens plus Wallon que Flamand.

Vous semblez tenir à cette idée-là.

En quelque sorte, oui. A Charleroi, on m’a toujours respecté pour mon travail. Les partisans hennuyers me soutiennent énormément. Il est logique que j’ai envie de mouiller le maillot pour eux. Car sans eux, je n’en serais peut-être pas là aujourd’hui.

Au risque de vous choquer, on vous reproche souvent votre attitude provocatrice vis-à-vis d’autres joueurs. L’exemple de Loridon est flagrant, non?

Des provocations et des frictions, il y en a beaucoup au cours d’un match. Et c’est vrai que l’on ne peut être ami avec chacun de ses adversaires. De toute façon, à 31 ans, je ne changerai plus. J’ai le sentiment de faire mon boulot de manière professionnelle et si je suis resté si longtemps à Charleroi, c’est que mon employeur est content de mes services. Je ne vois, donc, pas pourquoi je commencerais, aujourd’hui, à me poser des questions sur ma façon d’être.

A chacun de vos paniers, le public carolorégien manifeste son contentement d’un cri particulier. On peut savoir ce qu’il chante…

C’est une longue histoire. Lors de ma première année à Charleroi, il y a de cela dix ans, passait à la télévision néerlandophone une émission de divertissements. Le présentateur saluait toujours le public de la même façon, en disant Yo de mannen. Ou si vous préférez : « Salut les gens ». Et lorsque l’émission touchait à sa fin, il lançait un cri de guerre, Cha-ma-Yé. Ce qui ne voulait rien dire. Rudy Van den Bosch, l’un de mes équipiers, et moi en étions des inconditionnels. Et un jour, nous sommes arrivés à la salle en disant Yo de mannen. Des spectateurs nous ont entendu et nous ont répondu Cha-ma-Yé. Depuis, c’est resté. Et à chaque fois que je score vous pouvez l’entendre dans la salle.

A propos de marquer, vous le faites moins cette saison-ci que les précédantes. Avec l’arrivée de Wouter De Wilde à Charleroi, votre rôle a changé…

Quand vous avez été habitué à prendre quinze shoots par match en jouant trente-cinq minutes et que, du jour au lendemain, vous devez venir du banc, il vous faut inévitablement un temps d’adaptation. Qui fut assez long dans mon cas, c’est vrai mais j’avais à me faire à mes nouvelles fonctions. Avant que Wouter ne se blesse. Aujourd’hui, j’ai dû redevenir plus offensif. Mais à la différence des saisons passées, le noyau de Charleroi est bien plus étoffé. Quand deux ou trois de ses équipiers sont en verve, il est important que je puisse surtout me concentrer sur ma mission défensive.

N’était-ce pas principalement pour cela que vous aviez rejoint le Pays Noir?

Quand Charleroi m’a enrôlé, je n’étais pas un joueur offensif. Si on m’avait choisi, c’était pour mes aptitudes à empêcher l’adversaire de marquer. Et puis, c’est à force de travail que j’ai étoffé mon registre. Je ne suis pas le joueur le plus doué qui existe. Mais il y a eu beaucoup de blessés ces dernières années. Ce qui m’a permis de me mettre en avant.

Quel état d’esprit vous animait lorsque les dirigeants hennuyers ont engagé Wouter De Wilde?

Ancune pensée négative ne m’habitait. En engageant l’un des grands espoirs du basket belge, Charleroi a prouvé qu’il voulait grandir. Et le nouveau contrat de cinq ans que je venais de parapher démontrait à suffisance qu’Eric Somme m’incluait dans son projet. Je ne vois pas pourquoi je me plaindrais de mon sort aujourd’hui. Mon changement de fonction allait de pair avec mon nouveau contrat. Quand j’ai signé ce dernier, je savais ce qui m’attendait.

Ce contrat à long terme vous a valu bien des critiques à un certain moment de la saison. On prétendait que vous n’aviez pas une attitude assez positive. Cela vous a touché?

A Saint-Pétersbourg, au mois de décembre, Eric Somme et moi avons crevé l’abcès. Nous nous sommes regardés dans le blanc des yeux et avons vidé notre sac. Il m’a reproché certaines choses. Je l’ai écouté et il m’a laissé lui répondre. Depuis, nous repartons de l’avant. Ce genre de discussions à bâtons rompus montre le respect que mon président a pour ses joueurs.

Des joueurs qui n’ont jamais connu les problèmes que vivent actuellement les Yprois…

Ce qui s’y passe est une catastrophe pour le basket belge. Les joueurs doivent éprouver une énorme frustration. Ils ont quitté un club qu’ils ne jugaient plus assez ambitieux pour rejoindre un autre où on leur promettait monts et merveilles. Et puis, tout s’est écroulé à la vitesse de l’éclair. Tout cela parce qu’un sponsor n’a plus été en mesure de tenir ses engagements.

Un tel scénario est-il imaginable à Charleroi?

Je ne pense pas. Eric Somme n’a pas donné les clés de la maison à un seul sponsor. Mais il a multiplié les partenariats. De la sorte, il a amélioré la sécurité financière du club. Si une pierre de l’édifice disparaît, elle ne mettra pas en péril la vie de celui-ci.

A 31 ans, vous ne nourrissez pas de regret de ne pas avoir tenté votre chance à l’étranger?

Non. Une année, j’aurais pu rejoindre la Grèce mais je me remettais à peine d’une opération au dos. J’estimais que ce n’était pas le moment pour cela. En outre, partir pour partir n’est pas mon genre. Tout le monde n’est pas capable de réussir ce que font Eric Struelens et Jean-Marc Jaumin. Regardez Matthias Desaever. Est-il content de son expérience à Gravelines? Si c’est pour ne pas progresser tant sportivement que financièrement, j’aime autant ne pas prendre de risques. A Charleroi, je suis payé à heure et à temps et mon avenir à moyen terme est assuré.

Votre avenir sportif, justement, passe-t-il par Charleroi?

J’ai encore quatre années de contrat et si les dirigeants le souhaitent, je resterai. S’ils veulent que je change d’air, je retiendrai toujours que Charleroi m’a permis de me faire ma place en D1. Quand j’ai signé mon premier contrat en Hainaut, je n’aurais jamais cru que j’y évoluerais encore deux lustres plus tard. Avec tout ce que j’y ai vécu de positif, il est logique que je sois attaché à ce club.

Vous étiez également attaché à l’équipe nationale. En novembre dernier, pourtant, vous avez tourné la page. Définitivement?

Dans l’état actuel des choses, je ne compte pas revenir sur ma décision. Ma femme attend un deuxième enfant pour le mois de novembre. Et il est important que je sois près d’elle. Etre parti dix mois sur douze ne pose pas de problèmes tant que l’on n’a pas de famille. Mais aujourd’hui, j’ai envie d’enfin voir mes enfants grandir. J’ai mon âge et je dois penser à mon futur. En cela, les intérêts de mon club priment sur ceux de l’équipe nationale. Maintenant, c’est vrai qu’avec un seul rendez-vous annuel, elle ne prendra plus trop de place dans le calendrier. Mais je tiens à laisser la place aux jeunes. L’expérience m’a appris qu’il est important d’arriver en forme aux playoffs et pas avant. L’accumulation des matches empêche parfois cela. En 1999, j’ai sans doute manqué le titre de Joueur de l’Année parce que j’en avais trop fait avant la dernière ligne droite. Au moment des playoffs, j’avais déjà brûlé toutes mes cartouches. J’étais vidé.

Jean-Paul Van de Kepelaere

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