Le pistolero de Twente

L’ex-Gantois devient un phénomène. Depuis des semaines, grâce à ses buts, le FC Twente conserve la pole.

L’été dernier, le FC Twente a versé quatre millions à Gand pour les services de Bryan Ruiz (24 ans). A cette somme record pour le club hollandais vont bientôt s’ajouter 20 % de la plus-value de Ruiz, s’il quitte le FC Twente avant le terme de son contrat en 2013. Si Nashat Akram (international irakien) et Bernard Parker (international sud-africain) sont arrivés par le réseau de Steve McClaren, Ruiz a été repéré par les scouts de Twente. Ceux-ci étaient déjà dans les tribunes de Gand en 2007-2008, observant en secret son comportement et son engagement à l’entraînement.  » Il n’est pas difficile d’assister à un match et de repérer le meilleur joueur « , explique Evert Bleuming, responsable du scouting de Twente.  » Cependant, à ce niveau, l’impression que donne un footballeur est très importante. Il m’arrive de visionner de bons joueurs qui ne me disent rien. J’ai moi-même été ailier et Ruiz m’a plu dans toutes ses actions. Quand il avait le ballon, je sentais immédiatement qu’il allait se passer quelque chose.  »

Riemer van der Velde a suivi Ruiz pour le compte de Heerenveen et il partage l’avis de con collègue. Trond Sollied, alors coach de Twente, avait entraîné l’ailier pendant un an à Gand et souhaitait l’attirer mais le club a négligé sa chance deux étés consécutifs.  » Ruiz est un joueur très intéressant « , se souvient van der Velde.  » Doté d’un excellent bagage technique, il est capable d’évoluer à gauche, à droite ou en décrochage. A l’époque, j’ai compris qu’il avait encore une large marge de progression mais il était cher et son salaire était élevé. En plus, nous venions d’enrôler un des plus grands talents de Norvège, Tarik Elyounoussi et Paulo Henrique était proche d’un accord avec nous. En concertation avec la direction et les entraîneurs, nous avons décidé de ne pas le transférer. Si Paulo Henrique avait bien joué cette saison et franchi un nouveau palier, nous aurions pris la bonne décision. Nous ne devons rien regretter. Dans le passé, nous avons souvent transféré de bons joueurs. On ne peut pas en obtenir pour les onze positions.  »

La surprise générale

Twente n’a pas hésité à délier les cordons de la bourse. En mai dernier, après le premier entretien de Ruiz avec McClaren, Gand demandait dix millions. Deux mois plus tard, le prix avait diminué de moitié et Eljero Elia avait été transféré à Hambourg. Le club d’Enschede s’est décidé.  » Ce transfert constituait un investissement considérable pour le club « , souligne Bleuming.  » Mais à un moment donné, un club doit trancher sur base des rapports de scouting et dire oui ou non. Nous ne nous sommes pas souvent trompés ces dernières années, avec des éléments tels qu’ Edson Braafheid, Douglas, Elia, Ronnie Stam et Miroslav Stoch. La direction nous a donc fait confiance.  »

Bleuming ne s’est pas fié à son seul instinct. Il a aussi étudié les statistiques de Ruiz.  » Les chiffres ne trompent jamais. Or, ils révèlent que Ruiz a toujours marqué beaucoup, partout. Il a inscrit 13 buts en 25 matches durant sa dernière saison à Alajualense et à Gand, il a successivement marqué 11 et 12 buts. Pour un ailier, c’est un excellent rapport. Notre entraîneur, britannique, attache beaucoup d’importance à la productivité. Dans le cas des avants, celle-ci est déterminée par le nombre de buts et d’assists. La saison passée, ensemble, Elia, Marko Arnautovic, Blaise Nkufo et Kenneth Perez ont inscrit 43 buts en championnat. Ruiz pouvait nous aider à atteindre encore ce cap ou à le dépasser.  »

Cette saison, Twente espérait que son achat trouve le chemin des filets de cinq à dix fois. Bleuming :  » Ruiz a surpris tout le monde, même moi. En début de saison, je trouvais qu’il perdait trop souvent le ballon mais il n’a cessé de progresser. Il a une superbe touche de balle, une belle accélération et il passe aisément ses adversaires. Face au but, il est redoutable. La moindre occasion lui suffit. Il marque beaucoup alors qu’il n’a pas botté de penalty jusqu’au match contre ADO. « 

Les statistiques

Le sens du but de Ruiz frappe même à l’entraînement. Nous avons vu l’ailier gauche Stoch chercher le but avec de plus en plus de détermination désespérée, en vain pendant que Ruiz plaçait ballon sur ballon.  » C’est le point central « , commente l’entraîneur adjoint Alfred Schreuder.  » Bryan déborde de plaisir de jouer et après tout, c’est pour le plaisir que nous avons, tous, commencé à jouer. Il faut conserver cette passion pour progresser jour après jour. Bryan est tellement avide d’apprendre… Quand le staff technique lui explique quelque chose, par exemple sur les phases arrêtées, il l’écoute avec beaucoup de respect.  »

L’ancien joueur de Feyenoord, du RKC, du NAC et de Twente décrit Ruiz comme un footballeur  » super intelligent « . Schreuder :  » A Feyenoord, j’ai joué avec Salomon Kalou et Dirk Kuijt. Tout, en eux, laissait présager une belle carrière parmi l’élite. Il en va de même pour Ruiz. Il sent où il peut créer le danger, où il doit se déplacer, où il va trouver des brèches. Il a un timing inouï. En possession du ballon, il sait exactement où il va, sans jamais le montrer à l’adversaire. Bryan dissimule bien ses intentions. Il possède une certaine nonchalance, qui n’est en fait que le reflet de son impénétrabilité. Il peut perdre le ballon quatre fois de suite, cela ne l’empêchera pas de tenter sa chance la cinquième fois, en réalisant une action ou en tentant de récupérer le ballon. C’est une qualité que possède aussi Luis Suárez.  »

Ruiz a particulièrement étalé sa volonté dans les matches contre Utrecht et Vitesse. Chaque fois, il était rentré la veille d’un match avec le Costa Rica. Au coup d’envoi, il tenait à peine sur ses jambes et McClaren se demandait sans cesse s’il de devait pas le remplacer, Ruiz n’en touchant pas une. Pourtant, à deux reprises, il a inscrit le but de la victoire.  » Cela en dit long sur son caractère et sa condition « , constate Schreuder.  » Ruiz s’accroche. Il peut être longtemps invisible puis réaliser une action décisive. C’est la marque des grands footballeurs. Ses coéquipiers le savent et ils acceptent que Bryan perde parfois le ballon. Ils continuent à travailler pour lui. De son côté, Bryan leur est reconnaissant de cette estime. Il a d’ailleurs beaucoup évolué sur le plan personnel. Il a vraiment trouvé son club. Il réalise des actions qu’il n’aurait jamais osé entreprendre en début de saison. Il a même été le meilleur joueur à Brême, malgré notre élimination de l’Europa League. Or, je parle là d’un club qui émarge à l’élite européenne. « 

Tough kid

Durant ce match perdu 4-1 à Brême, Ruiz a arpenté le flanc droit. C’est de là qu’il a marqué la plupart de ses buts, alors que l’été dernier, il a été engagé pour succéder à Elia sur le flanc opposé, un poste qu’il a d’ailleurs occupé en début de saison, jusqu’à ce que McClaren ait un déclic, fin août, à la mi-temps du match d’Europa League contre le FK Qarabagh. Il a décidé d’essayer Ruiz sur l’aile droite.  » Parfois, un entraîneur a un lightbulb « , explique l’Anglais.  » Un pressentiment qui vient par hasard. J’ai pensé que Ruiz, de son pied gauche, serait plus dangereux devant le but s’il surgissait de la droite, en évoluant dans le dos de l’avant-centre. Les deux buts de Ruiz contre Qarabagh nous ont permis de nous imposer et j’ai été convaincu.  »

Le sens du but de Ruiz maintient Twente dans la course au titre, même si le club d’Enschede n’a pu développer un football lié et spectaculaire après la trêve hivernale. Il vit actuellement des passes et des buts de Ruiz, qui est ainsi devenu le baromètre du bonheur de Twente. Quand Ruiz va bien, Twente se porte bien également.

 » La productivité est la clef du football « , poursuit McClaren.  » Un attaquant doit marquer et délivrer des assists. De ce point de vue, Ruiz est un grand joueur mais le football est aussi a package deal. Les arrêts de Sander Boschker nous ont permis de garder pied contre Utrecht, Groningen et Roda JC. Les assists de Stoch, Perez et Theo Janssen ont été importants. Pendant la blessure de Nkufo, Luuk de Jong devait nager ou se noyer. Il a nagé. On ne dépend jamais d’un seul joueur. Je ne me fais pas le moindre souci au sujet de Ruiz. He’s a tough kid. Contre le Werder, seul contre le gardien, il a tiré sur le poteau. Trois jours plus tard, contre le NEC, alors que le score était de 1-1, il s’est retrouvé exactement dans la même situation, peu avant le coup de sifflet final. J’ai pensé que c’était le test suprême. Qu’a fait Bryan ? Il a froidement pris le gardien à contre-pied. Ce garçon est très fort mentalement.  » De là à posséder la mentalité d’un footballeur de l’élite absolue ? McClaren :  » Bryan doit perdre moins de ballons et insuffler plus de rythme à son jeu mais il progresse.  »

Par Steve van Herpe, Ellen Voorspoels en Peter Wekking

«  » Devant le but, la moindre chance lui suffit.  » Evert Bleuming »

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