Le pire et le meilleur

Après le krach face à Borisov, Anderlecht veut remporter la mise à Sclessin.

Pour sauver votre saison, il faut être champion et laisser le Standard derrière vous…

Mbark Boussoufa : Oui, mais ce ne sera pas évident car le Standard est plus riche en profondeur que la saison passée. Il vient de perdre un joueur-clé avec Marouane Fellaini. Mais il peut tabler sur d’autres richesses comme trois finisseurs avec Milan Jovanovic, Dieumerci Mbokani et Igor de Camargo. Ceux-là peuvent tous prétendre en fin de saison au titre de meilleur buteur. Nous n’avons pas ce luxe. A Anderlecht, les buts sont répartis sur plusieurs têtes mais il nous manque toujours un goal-getter.

Comparez les deux attaques.

Le départ de Mémé Tchité n’a jamais été comblé. Nicolas Frutos ou Dmitri Bulykin valent leur pesant d’or mais ne termineront jamais dans le top des marqueurs. C’est leur profil de joueur qui le veut, car ils ne cherchent pas la profondeur comme pouvait le faire Tchité. Avec eux, il convient toujours de donner le ballon au bon endroit pour qu’ils en fassent un usage judicieux. Il ne faut pas que ce soit un mètre de plus à gauche, ou à droite, sans quoi c’est fichu. Tchité, lui, avait cette capacité de faire encore un bon usage d’un ballon approximatif. Sa vitesse et sa détente lui permettaient de rectifier le tir. Il entreprenait souvent lui-même une action avant de conclure alors que, chez nous, les attaquants sont plus statiques et attendent le ballon dans l’espoir de terminer victorieusement la phase. Au Standard, par contre, les trois sont franchement mobiles et ont l’art de transformer chaque occase en but. Même si, sur les côtés, il n’y a pas vraiment des latéraux pour les alimenter alors qu’il y en a bon nombre chez nous. En fait, c’est un peu le monde à l’envers : le Standard a trois authentiques finisseurs mais pas de vrais joueurs de couloir pour les alimenter tandis qu’Anderlecht possède ces flancs mais pas de véritables hommes-buts. Il nous manque un Jovanovic. Avec lui, on serait tout à fait parés. Mais Mbokani et de Camargo, ce ne serait évidemment pas mal non plus. Le seul, au RSCA, qui pourrait soutenir la comparaison avec eux, c’est Sacha Iakovenko. Lui aussi est parfaitement capable de poursuivre une action en profondeur mais il manque encore un peu de sang-froid devant le but.

 » Qui doute de mes qualités ? « 

Qu’avez-vous retenu du match de Supercoupe contre le Standard ?

Leur adresse sur les phases arrêtées. Les Rouches sont performants en ce domaine. Nous aussi, offensivement parlant, comme nous venons de le montrer à Mons. Mais sur le plan défensif, nous restons très friables sur ce point. Certains l’expliquent par notre système en zone sur ces ballons-là mais je pense personnellement qu’il s’agit plutôt d’un problème de concentration. Si des gars comme Marcin Wasilewski, Jelle Van Damme et Roland Juhasz sont capables d’émerger de la tête aux avant-postes, je ne vois pas ce qui pourrait les empêcher d’en faire de même à l’arrière.

A Sclessin, vous vous étiez davantage distingué par vos remarques incessantes envers l’arbitre que par vos actes. Vous êtes trop léger pour les matches au sommet ?

Mes plaintes étaient tout simplement la caractéristique du joueur en méforme que j’étais à ce moment-là. Depuis, à la demande du coach j’essaie de garder mon influx pour le seul football. Cela me réussit déjà un peu mieux mais il y a de ces matches où c’est plus fort que moi. A Mons, notamment, où le referee, Serge Gumienny, a sifflé vraiment n’importe quoi. Dans ces moments-là, il est difficile de garder son calme. Mais j’y suis tout de même parvenu. Pour ce qui est de mon niveau, je crois tout de même pouvoir dire que je me suis montré quelquefois sous mon meilleur jour à l’occasion d’autres matches au sommet. Justement, lors de cette même Supercoupe contre le Club Bruges, la saison passée, ou encore en Coupe d’Europe face aux Girondins Bordeaux. Le problème, ici, c’est qu’on passe toujours d’un extrême à l’autre, sans la moindre nuance. Il suffit que je joue bien contre les Français pour que j’aie la taille européenne. Mais si je me plante contre Fenerbahce, je n’ai plus le niveau. Tout ça m’agace, franchement. Je sais parfaitement ce dont je suis capable ou non.

Si vous êtes toujours à Anderlecht, c’est peut-être parce qu’il n’y a pas d’intérêt pour vous ou que l’on n’a pas foi en vos qualités ?

Ces derniers mois, il y a eu de l’intérêt de l’Ajax Amsterdam et de Newcastle. Ce ne sont pas les premiers venus : la Belgique et Anderlecht ne constituent pas mon plafond. J’ai la conviction que je pourrais me débrouiller dans un championnat à dominante technique comme la Liga. Pas le top mais un cran en dessous. Le tout est de savoir ce que les gens attendent de moi. J’ai parfois l’impression qu’ils aimeraient me voir dribbler trois hommes dans un mouchoir avant de tromper le gardien adverse. Désolé, mais dans le football moderne, je ne vois pas à qui ce genre d’action est réservé. Moi-même, au lieu de percer sur le flanc gauche, avec le risque de perdre le ballon en cours de route face à un, voire plusieurs adversaires, je préfère toujours la simplicité en ramenant la balle sur mon bon pied, le droit. De la sorte, je suis sûr de pouvoir fournir des services calibrés.

 » J’ai toujours été plus décisif que spectaculaire « 

Depuis votre arrivée au Parc Astrid, on vous a déjà vu sur le flanc droit, le gauche, et en soutien d’attaque. Où êtes-vous le plus performant ?

Mes meilleurs matches, je les ai joués sur l’aile gauche, avec Mémé Tchité au centre et Ahmed Hassan à droite. C’était la garantie que l’Egyptien et moi on ne se marche pas sur les pieds. A l’analyse, j’ai été jusqu’ici le plus décisif en opérant à partir de la gauche. Au total, toutes compétitions prises en ligne de compte, j’en suis à une cinquantaine d’assists. Je trouve que ce n’est pas mal… mais peut-être pas assez par rapport à l’attente, si je vous suis bien. Il doit y avoir maldonne car j’ai toujours été plus décisif que spectaculaire. Et il en ira toujours ainsi.

Le rendement était un mot cher à Frankie Vercauteren mais vous vous épanouissez plus depuis qu’Ariel Jacobs a pris la relève…

Vercauteren était strict tandis qu’avec son successeur, je jouis de plus de liberté. Il n’y a rien de plus frustrant que d’être confiné sur un flanc à attendre un ballon qui ne vient pas. Pourtant, ça m’est arrivé plus d’une fois ici. Dans ces moments-là, j’ai haï la place que j’occupais à gauche. Je voulais alors occuper une position plus centrale ou descendre d’un échelon pour toucher le ballon, mais ce n’était pas permis, il fallait que chaque zone du terrain soit occupée. Avec Jacobs, il y a moins de chichis de ce point de vue-là. On peut switcher à partir du moment où l’équilibre n’est pas mis en péril. C’est ce que Hernan Losada et moi avons fait quelquefois à Mons. Avec Jacobs, il y a aussi le côté humain. Mon père a eu des problèmes de santé et Jacobs a eu les mots et l’attitude justes. Idem pour Lucas Biglia, quand il a eu la douleur de perdre son père. Idem encore dans le cas de Nicolas Frutos, à qui il a donné l’occasion de se soigner en Argentine en prenant le temps qu’il fallait. On a envie de se battre corps et âme pour un coach pareil. C’est pourquoi j’ai foi en la suite des événements cette saison.

par bruno govers – photos: reporters/ gouverneur

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