Le champion du monde brésilien explique pourquoi il a quitté l’Inter où on le déteste aujourd’hui.

Sur le siège de sa Porsche se trouve un journal espagnol toujours ouvert sur un poster le représentant Place du Dôme à Milan, avec une corde autour du cou. Ronaldo pendu haut et court: -Quand j’ai vu cette photo, j’ai fulminé. Je pense que je me suis tu assez longtemps comme ça. J’avais promis au président Massimo Morattide ne pas envenimer la situation et de ne pas faire de déclarations tapageuses du moins pendant un certain temps. Là c’est trop. Les gens doivent être au courant car ceux qui ont fait ce poster ne savent pas pourquoi j’ai quitté l’Inter.

Pourquoi alors?

Ronaldo: Parce que je ne voulais plus être entraîné par Cuper et la direction le savait bien avant que ne finisse le championnat. Après la rencontre contre l’Atalanta, le 7 avril, alors que je m’étais longuement échauffé, l’entraîneur ne m’a pas fait monter au jeu. Furieux, j’ai téléphoné à mon manager, Alexandre Martins, pour qu’il vienne dire à Moratti que je ne resterai plus à Milan avec Cuper. Ce qu’il a fait. Quant à moi, je le lui ai répété juste après la dernière rencontre de championnat. .

Cela n’a pas suffi?

Et bien non! A mon retour en Italie en août, je me rends au siège pour rencontrer Rinaldo Ghelfi, l’administrateur délégué, et le président. Ils m’avouent qu’ils n’avaient pas cru ce que Martins leur avait dit et qu’il avait fait cette démarche uniquement dans un but pécuniaire. Non, le problème Cuper était réel.

L’entraîneur n’a pourtant fait qu’une seule déclaration: -Ronaldo avait besoin d’une excuse pour s’en aller et c’est moi qu’il a choisi.

Mensonge! Il est le seul coupable et il ne veut pas que les supporters ne puissent se l’imaginer Cuper est au courant de tout depuis notre entrevue en août à la Pinetina. Dans un communiqué officiel, l’Inter fit savoir que nous nous étions salués courtoisement mais en réalité nous avons discuté pendant deux heures en présence du directeur général Massimo Moretti. En cette occasion, je lui ai dit tout ce que j’avais sur l’estomac: que je ne voulais plus rester, que je ne croyais pas en sa méthode et qu’il avait fait preuve de mauvaise foi à mon égard.

Mauvaise foi: c’est une accusation grave

Peut-être. Ce que je sais c’est qu’avec moi, il s’est trompé sur toute la ligne et qu’il en était conscient: il ne me faisait pas jouer quand j’en étais capable, il me demandait de m’entraîner et me maintenait au jeu alors qu’il aurait mieux valu que je m’abstienne. Parfois, il ne tenait même pas compte des indications des médecins.

Des exemples?

Pas de problème. Piacenza-Inter, le 23 décembre: pendant toute la semaine, je lui avais répété que j’étais saturé et qu’il valait mieux que je ne joue qu’une mi-temps et tout au plus dix minutes en seconde période. J’aperçois Kallon qui s’échauffe et je me prépare à sortir quand Cuper remplace Conceiçao et me laisse au jeu. Après 20 minutes, je me suis blessé et il m’a remplacé parce qu’il ne pouvait pas faire autrement.

Cuper a dit que vous ne pouviez pas vous plaindre de ses méthodes puisque vous ne vous êtes entraîné avec l’équipe que sept semaines sur les 43 de la dernière saison.

Cuper ne sait pas ce qu’est le travail différencié. Il a fallu que je me blesse à plusieurs reprises pour que je puisse m’entraîner de manière personnalisée. Et encore, cela n’a pas suffi. Fin janvier, à Palma de Majorque, il nous a fait sprinter en côte avec des poids sur le dos et, le lendemain, j’avais de nouveau mal. »On a eu trop de blessés, aussi! »

Lors d’un séjour au Brésil, vous avez accusé: -Quelqu’un s’est trompé!

Oui, je l’ai affirmé. Mais je m’englobais dans ce quelqu’un car j’aurais dû refuser de faire cet exercice.

Pour quelle raison, Cuper agissait-il de la sorte?

Je ne le sais pas. Il a toujours eu un comportement étrange. D’ailleurs, un entraîneur qui, pendant toute la semaine, ne vous fait pratiquement pas travailler avec le ballon est, pour moi, un entraîneur étrange.

Cette saison, Cuper a changé.

Tant mieux pour ceux qui sont restés. Avec moi, et pas seulement avec moi, il ne riait pas, ne blaguait pas, gardait ses distances. Le rapport humain était inexistant: j’avais l’impression de devoir obéir à un chef. Toutes les fois qu’il ne me faisait pas jouer, c’était à moi à aller lui demander pourquoi Pendant six mois, j’ai dû accepter ses excuses et j’ai énormément souffert: j’étais conscient que j’étais capable de tenir ma place alors que lui n’arrêtait pas de déclarer que je n’étais pas prêt. Mensonge, comme tout ce qu’il a dit à Scolari, le coach du Brésil.

Qu’aurait donc confié Cuper à Scolari?

Ce que Felipao Scolari a raconté dans son livre. Page 26, dans le chapitre intitulé Les paris, Felipao aborde mon cas. Il rapporte que Cuper lui aurait dit que s’il avait été le sélectionneur de la Seleçao, il ne m’aurait jamais amené au Mondial. Selon lui, je n’étais pas en mesure de jouer plusieurs matches sur un bref laps de temps. Pour participer au match amical contre la Yougoslavie, fin mars, j’ai dû moi-même téléphoner à Scolari pour lui signaler que j’étais prêt. Et juste avant la rencontre, Cuper l’a appelé pour lui expliquer que si j’effectuais ma rentrée en équipe nationale avant de rejouer avec l’Inter, il se serait trouvé en difficulté, tant la pression exercée à son encontre par les supporters était déjà forte .

Cuper a toujours dit qu’il a tout fait pour votre bien

Ce que je sais, c’est qu’avec Cuper j’ai risqué ma carrière ou à peu de chose près. J’ai eu des ennuis musculaires à quatre ou cinq reprises -je ne parle pas de petits problèmes- alors qu’au Mondial on a pu se rendre compte qu’en travaillant de manière adéquate, je peux ne pas me retrouver sur le flanc. La saison dernière, l’Inter a enregistré 23 blessures à la hauteur du biceps fémoral (l’arrière de la cuisse) avec 18 joueurs différents: de quoi entrer dans l’histoire du football.

Mais à l’Inter, tout le monde ne pense pas que Cuper soit le monstre que vous décrivez.

Je ne citerai pas de noms mais dans le noyau il y en a qui pense comme moi. 60%, peut-être plus, de l’équipe le déteste. Evidemment, tous diront que c’est faux et n’oseront pas avouer que le problème c’est lui.

Seedorf l’a dit.

Clarence est parti. Celui qui a encore un rapport quotidien avec Cuper doit se protéger. »Moratti voulait que je supporte Cuper »

Que reprochez-vous à Moratti?

Le président de l’Inter est une personne fabuleuse, merveilleuse. Nous avons toujours entretenu un excellent rapport. Cela aurait pu suffire si tout de suite après la perte du titre lors de la dernière journée -un échec également dû à des choix erronés de Cuper- Moratti n’avait pas déclaréqu’à l’Inter, personne ne pouvait se considérer invendable. Personne à l’exception de ce monsieur sur le banc qui, chaque fois qu’il arrive en finale, ne parvient jamais à la gagner.

Moratti vous a déçu.

Oui, un peu. Je suis resté cinq ans à l’Inter et je n’ai jamais demandé d’engager un entraîneur ou joueur alors qu’à de nombreuses reprises on m’a demandé mon avis. Après une telle période, Moratti a préféré faire confiance à un entraîneur qui n’a jamais rien gagné nulle part, un monsieur qui a fait en sorte que je parte. Je m’attendais à une plus grande confiance. Je pensais que le président allait m’écouter un peu plus. Manifestement, Cuper a été plus convaincant que moi.

Que vous a répondu Moratti quand vous lui avait lancé votre ultimatum: -C’est lui ou c’est moi!

Il m’a rétorqué qu’il ne pouvait le mettre à la porte. Je lui ai alors demandé si c’était parce que son contrat avait déjà été renouvelé et il m’a affirmé que ce n’était pas le cas. Mais, soyons clair, dans tous les cas un accord ne constitue pas un problème: même Lippi avait un contrat de longue durée.

Moratti n’a-t-il pas essayé de vous retenir?

Lors de notre seul face à face, il m’a dit :-Reste tranquille, essaye de le supporter encore un peu car si les choses ne tournent pas rond, on peut toujours changer d’entraîneur.

Vous ne lui avez pas fait confiance?

Non, parce que Cuper je ne le supportais plus du tout. Mais bon: un entraîneur dépend de ses joueurs et si j’étais resté, je n’aurais jamais tenté de réussir un autogoal, j’aurais tout fait pour mettre le ballon au fond du but adverse. Et si j’avais marqué, cela aurait été aussi pour Cuper.

Selon vous, Cuper restera-t-il encore longtemps à l’Inter?

J’espère que non pour l’Inter et les supporters.

A propos des supporters, ils se sont sentis trahis?

Je n’ai l’impression d’avoir trahi personne: ni Moratti, ni l’Inter, ni les supporters. Ce qui me désole c’est qu’on leur a fait croire des choses qui ne sont pas vraies visant à me nuire: des histoires d’amants, de fiancées suisses, de stars du porno. . Je n’en ai pas la preuve mais je soupçonne que derrière tout cela, il y a quelqu’un de l’Inter. »Je voulais rester »

Seriez-vous resté à l’Inter?

Je dirai que je voulais rester à l’Inter. Même si on prétend que le football espagnol est plus facile, je me sentais tout à fait capable de gagner mon défi avec le Calcio. Pour rester et gagner avec l’Inter, il fallait éliminer un seul problème. C’est une belle histoire d’amour qui s’est mal terminée.

Le fait de pouvoir évoluer au sein de la meilleure équipe du monde était aussi très tentant, non?

A partir du moment où j’ai décidé que je devais quitter Milan, il est clair que le Real ne pouvait me laisser indifférent. Il ne faut pas oublier que c’est synonyme de beau football et, avec une telle équipe, je peux envisager de m’amuser en jouant.

Le contrat est également plus intéressant

Cela n’a jamais été une question d’argent. D’ailleurs, certaines personnes ont pu voir mon contrat et elles se sont rendues compte que je gagnais autant au Real qu’à l’Inter. Et encore, j’y ai perdu quatre millions d’euros à cause d’une clause de mon contrat avec Nike. Ce n’est pas tout. J’ai accord avec Perez: si je me blesse à nouveau au genou droit, le Real n’est pas obligé de me verser mon salaire. A l’Inter, ce problème ne se posait pas. J’aurais même pu demander au président de m’augmenter et, sincèrement, je crois qu’il l’aurait fait. Mais moi, je ne lui ai demandé qu’une seule chose: mettre Cuper à la porte et il ne l’a pas fait.

L’Inter vous a régulièrement payé alors que pendant deux ans vous n’avez pas joué.

Tout d’abord, je ne me suis pas blessé pendant mes vacances. C’était au cours d’un match officiel avec le maillot de l’Inter. Secundo, le contrat de l’Inter avec Nike dépendait de moi: 12 millions d’euros avec Ronaldo, 8 sans. Je n’irai pas jusqu’à prétendre que mon salaire a été payé par Nike mais si l’on fait les comptes…

Vieri avait rapidement fait les comptes en vous demandant à vous et à Recoba de réduire vos salaires

Vieri m’a appelé en me disant qu’il y avait de bonnes possibilités d’engager Nesta et que le président ne pouvait pas continuellement donner l’impression de dépenser des sommes folles Il m’a alors demandé pourquoi nous ne donnions pas un signal fort en réduisant notre salaire de 10%. Dix secondes m’ont suffi pour dire que j’étais d’accord.

Vous espériez donc encore que Cuper s’en aille.

Bien sûr que je l’espérais encore.

Mais on était déjà en juillet

Cela aurait été bien plus facile et on aurait évité tout le feuilleton qui a suivi.

Andrea Elefante, ESM

« Chaque fois que Cuper arrive en finale, il perd »

« Moratti est fabuleux mais il m’a déçu »

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