« Le penalty de Puebla est à moi pour toujours » (Léo Van der Elst)

Dans son livre L’été de Mexico 86, publié en néerlandais par les Editions Van Halewyck et écrit en 2006 par David Steegen, Leo Van der Elst revient sur la transformation du plus fameux tir au but de l’histoire du football belge contre l’Espagne.

 » Au cours des prolongations, à la 106e minute, Frankie Vercauteren s’adressa à Guy Thys : – Je suis crevé, remplacez-moi. Ce n’était pas un choix tactique : j’étais droitier, Frankie gaucher. J’ai pris sa place. J’étais frais. Sur le terrain, c’était le chaos. Je devinais qu’il allait se passer quelque chose. A la fin des prolongations, à part Hugo Broos, les anciens ( Eric Gerets, Jean-Marie Pfaff, Michel Renquin, Caje, etc.) trouvèrent des prétextes pour ne pas affronter l’épreuve des tirs au but : crampes, fatigue, nervosité… J’étais candidat mais j’ai insisté, pour le dernier, souvent celui du tout ou du rien. Je voulais me faire remarquer. A 4-4, dernier tir au but : si je marque, la Belgique est en demi-finales. J’avais noté qu’ AndoniZubizaretta choisissait un coin et plongeait au sol. Je voulais le surprendre avec une balle liftée. Mes amis brugeois me déconseillèrent de le faire : -Non, ferme les yeux et tire en force. La promenade jusqu’au point de penalty fut interminable et j’ai pensé à mes parents, à mes frères.

Mon père me disait parfois : -Maintenant, c’est à toi d’y aller. Je me souvenais d’un coup de réparation manqué avec les Scolaires à Diest. Mais cette fois, pas question de rater. J’ai déposé la sphère à deux mains sur le point blanc. Elle ne bougea pas, c’était bon signe. Interdiction de communiquer avec le gardien. C’était comme si une jolie femme avec un profond décolleté attirait votre regard. Pas question de lui montrer vos intentions. C’est la même chose pour un penalty. Finalement, en une fraction de seconde, j’ai décidé de suivre l’avis des Brugeois. La sueur perlait sur mon corps. J’ai lutté contre la panique : -Et si je rate ? J’ai hurlé : -Du calme, Leo. Je me suis élancé, j’ai bien placé mon pied gauche à côté du ballon et j’ai tiré en force. C’est une question de technique, pas de puissance. But. C’était mon moment. Je ne contrôlais plus rien, ni mes émotions, ni mon corps.

Je planais comme une fille de 16 ans qui vient de recevoir une lettre d’amour du plus beau garçon de sa classe. J’ai couru vers mon meilleur ami : Franky Van der Elst. J’ai pleuré de bonheur. Je me sentais important, j’avais rendu l’équipe heureuse. Papa, où es-tu ? Je me sentais immortel. Le penalty de Puebla est à moi pour toujours, on ne me le prendra jamais. Après, j’ai téléphoné à la maison et j’ai dit à ma mère : -Maman, le monde entier me connaît. Elle n’a pas regardé mon tir en direct. Si je l’avais raté, elle m’aurait consolé.  »

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