« Le patient est le fort »

Le Borain de Sclessin a fait son trou sur le flanc droit. A 21 ans, le calme et le goût du travail sont deux de ses atouts majeurs.

Il est scorpion, né le 23 octobre 1982, mais son regard n’est pas venimeux. L’honnêteté se lit dans ses yeux. Jonathan Walasiak a désormais un petit diamant agrafé sur le lobe de son oreille gauche.

Plus tard, ce bijou lui rappellera les bons moments qu’il vit actuellement: débuts en D1, installation dans l’équipe de base du Standard, intérêt de la presse et du public pour ses performances sportives. « Wali » vit son éclosion alors que la Pologne, le pays natal de son grand-père, a obtenu le feu vert, avec neuf autres pays, afin de rejoindre l’Union européenne. Etrange parallèle…

« J’ai du sang polonais mais mes origines ne se résument pas à cela », dit-il. Son grand-père paternel a vécu des époques plus dramatiques que l’élargissement de l’Europe vers une partie du monde slave. En 1939, il quitte la région de Varsovie, son pays étant envahi par les Nazis, et se rend à Londres afin de rejoindre les nombreux soldats polonais, commandés par le général Sikorski, qui s’unissent aux Alliés. Le même destin, à peu de choses près, que celui du papa d’Alex Czerniatynski. Czernia-Wali, même combatpolonais? En 1982, le bel Alex éclatait à l’Antwerp, en équipe nationale puis à Anderlecht. « Je ne veux pas faire de comparaison », lance-t-il. « Je ne suis qu’au début de ma carrière ».

De Tertre à Sclessin

Il sait déjà, comme ses aïeux slaves, que tout passe par le courage. Au vu de leur bravoure au feu, la promesse est faite à son grand-père et à ses amis de libérer la Pologne. Hélas,l’Occident cède toute l’Europe orientale aux Soviétiques lors du Traité de Yalta. Leurs sacrifices furent vains. Ils libérèrent des villes en Flandre (Gand, Lokeren) avec la même abnégation dont les tirailleurs marocains, repris dans les armées françaises, firent preuve à Gembloux contre l’armée d’ Adolf Hitler en 1940. Des tombes en témoignent: de nombreux étrangers sont morts pour nous. « J’ignorais que les Polonais avaient tant donné pour la liberté », avoue Jonathan.

Le grand-père de Jonathan reste à l’Ouest, épouse une Anglaise et se fixe dans le Borinage pour travailler dans les mines de charbon. « Du côté de ma mère, son papa était italien et sa maman belge », explique-t-il. « Et si on cherche un peu, on trouvera aussi des Irlandais, et bien d’autres, dans mon arbre généalogique ». Autrement dit, Jonathan Walasiak est un jeune bien de son époque, aux richesses diverses, et aux ambitions sportives chevillées à son mental depuis sa plus tendre enfance. Son père, chauffagiste au SHAPE, a joué au football, porta le maillot du Standard de Pâturages, en Promotion, avant de terminer sa carrière de demi offensif à Nimy. Jonathan signa sa première carte d’affiliation à Tertre avant d’être transféré à Mons à huit ans.

Wali y passera quatre ans avant d’être recruté par le Standard. Il patienta un an avant que son papa ne lui donne le feu vert. A 13 ans, Jonathan découvre la Cité Ardente. Sa vie bascule. Pas évident tous les jours d’être séparé des siens, de vivre entre l’internat de Seraing et le Standard. A 16 ans, il est « transféré » au Collège Saint-Jacques alors que les Rouches, sous la direction de Daniel Boccar, entament leur nouvelle politique de formation. Les gamins peuvent quitter les cours, trois fois par semaine, afin de s’entraîner au Standard. Une noria d’autobus les emmène alors vers les hauteurs du Sart-Tilman.

Ce régime leur fait du bien et Jonathan Walasiak accentue la courbe de ses progrès, faisant de lui un des espoirs les plus suivis de Sclessin. Wali bosse, ne se retourne pas, n’écoute pas les louanges mais met en pratique les conseils de ses formateurs: Daniel Boccar, Alex Czerniatynski, Simon Tahamata, Philippe Dallemagne, Mario Innaurato, etc. Il collabore à la conquête d’un titre national avec les Scolaires. « Je dois tout à l’art avec lequel j’ai été formé au Standard », reconnaît-il. »Ce ne fut pas toujours facile mais le football, c’est mon visa à moi pour la vie. J’ai eu une formation d’électromécanicien mais le sport est plus important que tout ».

Attaquant, Jonathan est régulièrement retenu en équipes nationales d’âges depuis ses 15 ans. Fin 1999, le Standard prête toute une collection de jeunes, dont Onder Turaci, à Visé. Six gamins sont alors invités par Tomislav Ivic à faire la connaissance de l’ambiance de travail dans le noyau A du Standard. Jonathan Walasiak se trouve parmi eux. « J’étais évidemment impressionné par la personnalité du coach mais il nous a rapidement mis à l’aise », se souvient le jeune joueur du Standard. La saison suivante, il joue une minute contre l’Antwerp. Ivic cède alors sa place à DominiqueD’Onofrio puis à Michel Preud’homme. Jonathan s’en tiendra à cette petite minute de jeu. Un peu maigre. Enfin, le principal pour lui était de s’installer dans la durée, pas dans le brio d’un jour.

Tout le monde remarque la modestie et la force de travail du jeune homme. Ce seront deux de ses principaux atouts. Wali ne souffle pas la tempête mais il sait que la marée est d’une importance folle en mer. En 2001-2002, Walasiak rentre dix fois en championnat, débute trois matches, découvre même l’ambiance européenne à Bordeaux. Il observe, note, retient sans rien dire. « Non, c’est vrai, j’étais probablement impressionné et, de toute façon, je n’avais pas à donner mon avis à des pros de longue date », relève-t-il. « Je découvrais une autre planète. Je passais du foot plaisir des jeunes à l’obligation de gagner des matches pour nourrir sa famille dans le cas de ceux qui ont des enfants. Même si ce n’est pas mon cas, il faut être à la hauteur de cette réalité. On passe à une vitesse supérieure et chaque fait et geste peut avoir un impact sur le résultat. Les jeunes sont toujours bien accueillis. Je n’ai pas de modèle mais j’ai tout de suite été sidéré par la personnalité de deux joueurs: Eric Van Meir et Ivica Dragutinovic. Le premier garde toujours un calme incroyable. Même quand cela ne tourne pas comme il le désire. Cette sérénité l’a probablement beaucoup aidé. Il a beau avoir tout gagné en Belgique, Eric reste simple, gentil et disponible. Dragutinovic est animé par la rage de vaincre. Il ne supporte pas la défaite et cela a un effet entraînant sur le groupe ».

Il a signé jusqu’en 2007

Alors qu’il monte l’escalier menant à la reconnaissance, Wali est contacté par des clubs étrangers dont Chievo Verone. Son manager, Daniel Striani (journaliste sportif à La Dernière Heure-Les Sports), est à la base de cet intérêt. Wali allait-il imiter d’autres jeunes du Standard attirés par l’étranger ou des promesses comme ThomasBuffel et Jonathan Blondel qui filèrent en Hollande et en Angleterre? Son père s’oppose à cette idée. « Personne n’a mis de pression sur moi », dit-il. « J’avais le choix. Je ne connais pas le cas de Buffel et de Blondel mais, moi, je n’étais pas prêt pour le grand saut. J’avais encore tout à apprendre et, à 18 ans, un joueur est encore très fragile. Le Standard me proposait le contexte idéal afin de continuer à grandir, à étayer tranquillement le début de ma carrière. La confiance est réciproque. Un exemple tout simple mais tellement important: j’étais blessé au genou cette saison quand on m’a offert un contrat jusqu’en 2007. J’apprécie en me disant que la donne aurait été plus compliquée à l’étranger »

Cette saison, Robert Waseige en fait un de ses éléments de base. L’ancien coach fédéral le confirme à droite, une place que Michel Preud’homme avait été le premier à lui confier. Cette confiance de l’ancien coach fédéral lui fait un bien fou. Il est sur le point de décoller pour de bon quand une blessure le coince contre Charleroi. Robert Waseige n’hésitera pas à dire, avec raison, que cet accident avait détruit l’équilibre tactique de son groupe. Un premier examen le destine à la table d’opération. Le Docteur Nebojsa Popovic mise alors sur sa jeunesse et estime que le repos, et une bonne rééducation, peuvent régénérer les ligaments croisés antérieurs de son genou droit. C’était le bon choix. Deux bons mois plus tard, Wali est sur pied, apte à reprendre le quart sur le pont du Standard qui était sur le point de couler comme le Prestige au large de la Galice. Jonathan n’a pas vécu la marée noire et les jeunes ont même fait souffler un nouveau vent d’optimisme dans le vestiaire du Standard. Leur fraîcheur est désormais un atout important.

A droite, Wali se rend de plus en plus indispensable. Il signe même le match parfait à Genk. Toujours en mouvement, il sait surgir au bon moment et manie la poudre à merveille comme le prouve le but infligé au portier de Genk. Deviendra-t-il le grand flanc droit que le Standard attend depuis Guy Vandersmissen? Il y a vingt ans, VDS jouait devant un certain Eric Gerets. Robert Waseige l’avait fait revenir de Waremme. Guy et Eric s’étaient parfois cherchés avant d’évoluer sur la même longueur d’onde avec tant de succès. Le duo Turaci-Wali fera-t-il aussi bien? Jonathan ne se souvient pas du remarquable médian que fut Guy Vandersmissen et le temps passe si vite qu’il parle de… Pierre Czernia. Il a confondu Télé Alex et Antenne 2. Pas grave, Czernia et Tchernia sont aussi célèbres l’un que l’autre. Mais si Vandersmissen était un médian de construction, plus technique, Jonathan Walasiak reste d’abord un joueur de rupture. En tant qu’attaquant, il bénéficiait des espaces ouverts par les autres. A l’heure actuelle, il est plus la corde et moins la flèche de l’arc du Standard.

Une magnifique collection de coaches

« Je ne dis pas que c’est facile », avoue Jonathan Walasiak. « A droite, je dois m’intéresser de façon plus intense aux mécanismes de base. Les jeunes du Standard sont formés en conséquence. Ils sont capables de s’adapter tactiquement mais la barre est évidemment placée très haut en équipe Première. Quand Onder Turaci, ou JosephEnakharire, mettent le nez à la fenêtre, je dois avoir la présence d’esprit d’occuper la case désertée. Je dois m’appuyer sur Moreira, Ole-Martin Aarst ou Ali Lukunku quand je dessine une action offensive. En perte de balle, je me replie sur la droite mais sans devenir un homme de ligne. Si c’était le cas, Fredrik Söderström serait en danger car il est notre seul véritable pare-chocs. Autrement dit, nous devons resserrer les mailles du filet autour de lui. Il faut que je progresse mais c’est intéressant et Dominique D’Onofrio me demande de surgir de la deuxième ligne. Je dois le faire au bon moment pour surprendre l’adversaire ».

Jonathan Walasiak ne met pas la charrue devant les boeufs. Chaque chose en son temps. Mais il mesure la chance d’avoir déjà eu une magnifique collection de coaches depuis ses débuts en D1: Tomislav Ivic, Michel Preud’homme, Robert Waseige, Dominique D’Onofrio. « Ils m’ont tous apporté quelque chose », note Jonathan Walasiak. « Ivic était une pile électrique. Son enthousiasme restait énorme malgré un parcours immense. Il m’a parlé simplement lors de mon premier match en D1. Michel Preud’homme était animé par la rage de redonner le goût de la gagne au Standard et était proche du groupe. Robert Waseige dégageait une impression de calme et de sérénité. Dominique D’Onofrio ressemble plus à Michel Preud’homme qu’à Robert Waseige ».

Sa sagesse saute aux yeux pour un gars de 21 ans, comme s’il connaissait déjà la phrase de Victor Hugo: « Le patient est le fort ».

Pierre Bilic

Il a refusé une offre de Chievo Verone

Sera-t-il le grand médian droit que le Standard attend depuis Vandersmissen?

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