Le passé, c’est le passé

Pierre Bilic

A 50 ans, depuis le 18 avril, le coach liégeois aborde la saison avec la foi d’un jeunot.

Avant de se rendre de l’autre côte de la Wallonie, à Mouscron, le Standard a cueilli le dernier fruit qui lui permettra peut-être de réussir ses confitures à la fin de l’été : Roberto Bisconti.

A 30 ans, revenu d’Ecosse et de Roumanie, le médian défensif liégeois est heureux de retrouver le club de son c£ur. Ses qualités et son expérience combleront le seul vide qui était apparu sur la carte rouge. Avec Godwin Okpara et Laurent Gomez, la garde de Dominique D’Onofrio n’était pas assez relevée. Il lui manquait un aspirateur devant sa ligne arrière : le problème est réglé et Roberto sera bientôt sur le pont.

Pour le reste, malgré beaucoup de mouvements, le Standard a fait ses gammes dans le calme.

 » Des joueurs décidés, motivés, et qui comprennent vite  »

Après les tours de chauffe, que retenez-vous de votre première représentation de la saison sur la nouvelle piste de Georges Leekens ?

Dominique D’Onofrio : Nous avons bien entamé le match et après 25 minutes. Le Standard était la meilleure équipe sur le terrain. Quand on mène 0-2 à la marque, il faut gérer. Nous avons cru que le match était fini alors qu’il ne faisait que commencer. Nous avons permis à Mouscron de revenir dans le parcours. Il a méritoirement réduit son retard avant le repos et le score final est logique. Mbo Mpenza a mobilisé toute notre défense à lui tout seul.

Vous ne voulez plus rien comparer par rapport au championnat précédent…

Oui. Le passé, c’est le passé et on ne peut rien y changer. Notre champ de travail, ce n’est pas hier mais bien aujourd’hui et demain. Chaque saison est un chapitre différent et, après une campagne mitigée, nous repartons sur de nouvelles bases. Tout le staff technique est animé par le même désir : bien travailler pour ne rien avoir à se reprocher à l’heure des comptes. Il y a des bases sur le plan tactique. Ce sont les mêmes et c’est une continuité qui facilite les choses. Nous avons une vision quant à l’occupation du terrain. C’est un label, une marque de maison. Le concept existe et il est plus facile, par exemple, de chercher un joueur quand les choses sont claires pour tout le monde. Avant le retour de Bisconti, nous avions noté l’arrivée de trois nouveaux joueurs (Habran, Cavens et El Yamany connaissaient déjà lamaison), Kaklamanos, Kimoto et Bangoura, et leur intégration a été plus rapide que je ne l’espérais. Je garderai, en gros, les mêmes géométries que la saison passée sur le terrain avec mon 4-3-1-2. Il m’était arrivé de renverser le triangle offensif car je n’avais pas un deuxième homme de rectangle après le départ d’Ali Lukunku. Dès lors, je plaçais parfois deux infiltreursderrière Ole-Martin Aarst.

Même si le système ne change pas, le travail d’intégration n’est-il forcément pas important quand on change toute la division offensive ?

Je travaille avec des joueurs décidés, motivés, et qui comprennent vite. Le désir d’apprendre, et de tout mettre en pratique, est grand. Le vestiaire est positif, uni, alors qu’il y avait des clans la saison passée. Mentalement, c’est fort mais il faut que les résultats suivent. La volonté d’arriver ensemble à quelque chose de beau saute aux yeux : c’est un plaisir. En tenant compte des départs, nous avons opté pour des éléments performants. Avec Papy Kimoto, par exemple, j’ai des échanges intéressants car il voulait décortiquer notre système qui n’est pas celui de Lokeren. A gauche, il me comble mais je l’ai essayé aussi au back droit…

Pas du tout pour mettre la pression sur Onder Turaci mais pour voir s’il pouvait me rendre aussi des services dans ce secteur. C’est le cas. D’ailleurs, au départ, Kimoto avait été acquis pour jouer sur la droite. A l’attaque, Bangoura et Kaklamanos sont très complémentaires. Ils s’entendent à merveille. Sambegou garde bien le ballon. Il a une détente verticale assez impressionnante et réagit vite. Alexandros est un homme des rectangles où il déménage, il pèse, est présent dans le trafic aérien et frappe des deux pieds. Bangoura tourne autour de lui. Kaklamanos est plus un finisseur que Bangoura qui est revenu plus tard que prévu d’Afrique où il était bloqué par les besoins de son équipe nationale. Embêtant mais pas de sa faute : il lui a suffi de trois jours pour faire partie des meubles. Il a gommé ses fatigues dues aux voyages en Afrique.

Le groupe a remarquablement accueilli les nouveaux qui savent ce qu’on attend d’eux. Bangoura m’a dit unjour que c’était plus facile au Standard car il jouait seul en pointe à Lokeren. Kaklamanos a affirmé la même chose dans la presse. Dans leur positionnement, il y a de bons équilibres entre le décrochage et la rupture. Ils ne jouent jamais tous les deux dans la même zone. Quand l’un se pointe au premier poteau, l’autre va au deuxième. Je n’oublie pas Jurgen Cavens qui pourrait se révéler plus en décrochage, à gauche, où la pureté de ses centres pourrait faire merveille. Il doit se faire violence. Cavens a un énorme potentiel mais a raté une partie de la préparation à cause d’une blessure : dommage. Mohamed El Yamani revient fort aussi et doit être plus régulier.

 » Kaklamanos est un leader naturel  »

Quels sont les grandes différences entre Kaklamanos et Aarst ?

Le Grec est beaucoup plus puissant que le Norvégien. Alexandros émerge plus de la tête, sait faire jouer ses partenaires, ne commet pas de gestes gratuits. C’est un buteur qui sait anticiper et, important, Kaklamanos est un leader naturel. Il n’a pas besoin d’être expressif pour qu’on le respecte. Rien qu’à le voir dans son comportement et sa façon d’être, on voit que c’est un patron. La saison passée, le Standard n’avait pas assez de personnalités dans chaque ligne. Alexandros est plus complet qu’Ole-Martin. Aarst était l’homme du dernier geste en zone de vérité. Il fallait le servir. Kaklamanos peut y aller seul, au sol ou dans les airs, mais il sert aussi les autres. En mer, les bateaux ont besoin de phares. Kaklamanos est un phare, un point de repère et d’appui, un levier. Quand il fonce, cela pèse. Dans le jeu aérien et à la finition, on peut comparer Kaklamanos à Lukunku.

Moreira doit-il changer son fusil d’épaule avec de tels attaquants ?

Non, mais pour lui c’est même mieux car il a désormais plus de solutions. Avec ses qualités, il devrait mettre régulièrement sur orbite deux attaquants comme Kaklamanos et Bangoura. C’est un amoureux du ballon, c’est bien, mais je lui demande de se manifester d’abord dans l’axe, d’être l’homme de la dernière passe et celui qui émerge de la deuxième ligne. Ses gestes doivent être, par moment, plus efficaces pour les partenaires. Je le pousse à dribbler au bénéfice du collectif.

Pour Walasiak, c’est l’heure de la confirmation…

Il franchit des paliers et peut être la révélation de la saison au niveau de toute la D1. Je ne connais aucun médian ayant cette force de perforation au bon moment.

La recherche du médian défensif vient de se terminer par l’engagement de Roberto Bisconti. Godwin Okpara ne sera plus seul : ouf ?

J »avais d’abord songé à Laurent Gomez qui manque encore un peu de métier et de présence mais il a encore du temps devant lui. Godwin a joué à cette place à Alost, à Strasbourg et au PSG. Il a donc toutes les qualités pour prendre la place de Söderström qui, je le rappelle, était venu chez nous en tant que flanc gauche avant de nous signaler qu’il pouvaitmiliter dans l’axe. Okpara peut être très utile au service des éléments offensifs à condition d’être plus constant. Le retour de Roberto Bisconti est intéressant. C’est un récupérateur qui fut un des meilleurs médians défensifs de Belgique.

 » Onder progressera encore beaucoup  »

Soulagé par la décision d’Onder Turaci qui a décidé de prolonger son contrat au Standard ?

Il a tranché dans le bon sens. Onder progressera encore beaucoup, surtout à la relance et les infiltrations offensives. Derrière, Dragutinovic dirige la manoeuvre. Pour moi, on ne fait pas mieux que lui en Belgique à l’arrière central. Drago a tout : vista, frappe, présence, technique, roublardise, intelligence, geste défensif, placement, organisation, etc. Il dirige et je suis heureux de l’avoir installé à cette place. Dans l’axe, il a stabilisé la défense qui est devenue une des meilleures de la D1. Drago a tout pour devenir, à cette place d’arrière central, un des meilleurs d’Europe. A gauche, Gonzague Van Dooren s’est bien installé et il travaille pour être plus performant. Onder et Gonzague, c’est du solide, peut-être les plus robustes du groupe. Leur exemple doit inspirer Dimvula, Gomez, Riise, Oussalah, Olondo et tous les jeunes.

Mais ma plus grosse satisfaction derrière, pour le moment, c’est Enakharire. Joseph est revenu transfiguré, sûr de lui, impeccable au centre de la défense avec Drago à côté de lui, très fort homme contre homme, concentré. J’ai deux paires : deux droitiers (Onder-Joseph), deux gauchers (Gonzague-Drago) et c’est complémentaire devant Fabian Carini. Etre gardien au Standard, c’est pas rien : il devait faire oublier Vedran Runje mais n’était physiquement pas prêt. Cet introverti a commis une bourdeà La Louvière mais à part cela, même si c’était important, il a effectué peu d’erreurs : bon dégagement, excellent jeu au pied. Il doit progresser dans ses sorties aériennes mais, on l’oublie, il n’a que 23 ans. Avec Dimitri Habran, revenu de Malines, et Fabian, nous sommes parés.

La phase finale de la CAN ne vous jouera-t-elle pas un vilain tour ?

Peut-être. Enakharire, Bangoura, Kimoto, El Yamani, peut-être Okpara, seront réquisitionnés durant des semaines par leur équipe nationale. Enakharire ne jouera pas contre Lokeren car le Nigeria a un match international au programme. Il faudra faire avec même si ne sera pas facile.

L’objectif ?

Terminer le plus près possible d’Anderlecht et de Bruges. On verra au fil des matches où tout cela peut nous mener.

Pourquoi avez-vous choisi un adjoint de la région ?

Adjoint, c’est un job magnifique et important. J’ai choisi, et moi seul, José Riga car il réunissait les critères indiqués : vécu dans d’autres séries, compétences, loyauté, connaissance de la mentalité liégeoise et passionné. Je suis heureux de ce choix. On n’a pas besoin de beaucoup parler pour être sur la même longueur d’onde. A trois, avec Guy Namurois, Christian Piot et moi, il y avait trop de travail. José s’occupera aussi de la mise de toutes les données sur ordinateur et m’aidera à encore mieux décortiquer la vidéo. Tout le monde a du pain sur la planche.

 » Je garderai, en gros, les mêmes géométries que la saison passée  »

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