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Le parfum du succès

Une recette à étudier pour les clubs belges et néerlandais : le succès du FC Bâle. Pour la troisième fois en dix ans, le club suisse passe l’hiver en Ligue des Champions. Avec un budget comparable à ceux en vigueur dans les plats pays.

R oger Federer est un grand supporter. Lorsqu’il est au pays, il y a de fortes chances qu’on puisse le trouver dans la tribune du FC Bâle lors des grands matches. Comme ceux de la Ligue des Champions. Et c’est la troisième fois en dix ans, précisément, que le club suisse passe l’hiver dans la compétition européenne la plus prestigieuse. Certes, début 2012 et 2015, le FC Bâle a été éliminé au stade des huitièmes de finale, et ce sera sans doute encore le cas cette année, car City est un solide client. Mais Bâle n’en est pas à son coup d’essai : en 2013, il avait aussi atteint les demi-finales de l’Europa League. Alors que, chaque saison, on lui pique ses meilleurs joueurs.

Le défenseur Manuel Akanji, parti fin janvier au Borussia Dortmund pour 25 millions d’euros, est le dernier sur la liste. Avant cela, Breel Embolo (parti en 2016 à Schalke 04 pour 20 millions d’euros), Mohamed Elneny (2015, Arsenal, 12,5 millions d’euros), Yann Sommer (2014, Borussia Mönchengladbach, 9 millions d’euros) et Mohamed Salah (2013, Chelsea, 16,5 millions d’euros, et désormais à Liverpool) avaient déjà suivi la même voie.

Et on ne cite que les joueurs les plus chers. Le succès, au niveau national, ne s’est jamais ressenti de ces départs. Le FC Bâle est champion de façon ininterrompue depuis 2010. On ne peut qu’en conclure que le club est très bien géré.

En septembre 2017, lorsque le journal britannique The Guardian a présenté la nouvelle Ligue des Champions en donnant la parole à un supporter de chaque club participant, celui du FC Bâle avait peu d’espoir. Il avait expliqué que le club se trouvait dans une  » phase de transition  » et avait loupé son départ dans le championnat national. D’où son pessimisme.

Pendant des années, le tandem Bernhard Heusler (président) – Georg Heitz (directeur technique) a accompli un boulot remarquable. Le président, un avocat, était très apprécié. Il se souciait aussi de la ville et de son héritage culturel. L’équipe de football en faisait partie, selon lui. Grâce à la Coupe du Monde et au Championnat d’Europe que la Suisse a déjà organisés, un stade a pu être construit puis modernisé. Lorsque Heusler a voulu céder le club, il a refusé les 100 millions d’euros qu’on lui proposait sur le marché asiatique, mais il se serait largement satisfait de la moitié, à condition que le club garde un ancrage local.

Le duo Heusler-Heitz avait une politique claire. Ce ne sont pas les jeunes qui procurent le succès, selon eux. Il faut les encadrer par des joueurs plus expérimentés, parfois même des trentenaires. Ceci explique pourquoi un défenseur comme Walter Samuel a encore joué quelques années au FC Bâle après avoir fait carrière à l’AS Rome, au Real Madrid et à l’Inter Milan.

Ou pourquoi un joueur comme Matías Delgado (quatre années à Besiktas) a été acquis à Al-Jazira en 2013, alors qu’il avait déjà 31 ans, pour servir de guide au groupe. Le milieu de terrain avait affirmé qu’il était au bout du rouleau, tant sur le plan physique que mental. Aujourd’hui, Delgado a intégré le staff d’entraîneurs. Mais le vide qu’il a laissé a aussi contribué au pessimisme du supporter.

Bayern suisse

Lorsque le club était à vendre sur le marché, quelques candidats se sont présentés. Mais on s’est rapidement aperçu que Bernhard Burgener deviendrait le nouveau patron. Un géant de la presse, qui a commencé avec des vidéos et qui était déjà millionnaire à 28 ans. Il a aussi travaillé pour TEAM et a vendu les droits de la Ligue des Champions. Après cela, il est arrivé à la tête de la société qui possède Constantin Film dans son portefeuille : une société allemande qui produit et distribue des films.

Constantin a, entre autres, porté Parfum, le livre de Patrick Süskind, sur le grand écran. Burgener est originaire de Bâle et il a une vision. Il veut que l’équipe poursuive sur la voie qu’elle s’était tracée, en portant un peu plus d’attention aux jeunes et en produisant, si possible, un football un peu plus attractif.

Burgener s’est entouré de connaisseurs. Le CEO qu’il a nommé, Jean-Paul Brigger, est un ancien joueur professionnel qui a travaillé ensuite pour la FIFA et qui s’est lié d’amitié avec Sepp Blatter, avant de devenir très proche de Gianni Infantino aujourd’hui. Marco Streller (directeur technique), Alex Frei (stratégie) et Massimo Ceccaroni (jeunes) – tous des noms connus dans le football suisse – sont chargés de la direction sportive. Un peu à l’image du Bayern Munich, où d’anciens joueurs occupent aussi des fonctions importantes.

Streller a directement engagé un nouvel entraîneur. Il n’a pas opté pour un nom connu, mais pour le coach des U21 : Raphaël Wicky (40 ans). Une vieille connaissance de Streller, car ils ont travaillé ensemble en équipe nationale. Les atouts de Wicky : il est polyglotte, très ouvert (après une longue carrière à Hambourg, il est parti aux Etats-Unis) et respecte certaines valeurs (pour cette raison, il a eu des altercations avec Felix Magath, qui se comportait parfois de façon inhumaine à Hambourg). En outre, il a l’expérience des jeunes : il a commencé à Bâle en 2013 avec les U18, est passé en 2016 chez les U21 et prend l’équipe A en charge depuis 2017.

Ses débuts ont pourtant été difficiles, car à un moment donné, Bâle était relégué à sept points des Young Boys de Berne, où les frères Rihs (que l’on connaît pour les vélos BMC) ont pris les choses en mains. Leur investissement de longue durée aux Young Boys (déjà plus de 50 millions d’euros) devrait conduire, à terme, le club de Berne au titre de champion.

Mais c’était sans compter sur Wicky. Son travail et sa patience ont été récompensés. La dernière défaite du FC Bâle remonte au mois d’octobre, et lorsque le championnat de Suisse a repris il y a peu avec un match contre Lugano, le retard sur les Young Boys n’était plus que d’un point. La qualification pour les huitièmes de finale de la Ligue des Champions a été acquise, entre autres, grâce à une superbe victoire 1-0 contre Manchester United et un impressionnant 5-0 contre Benfica. Bâle a, par ailleurs, gagné quatre de ses six matches de poule. Et ces quatre victoires ont été obtenues avec une clean sheet.

Plein gaz

Wicky offre-t-il une chance aux jeunes ? Certainement. Il a fait du défenseur Akanji une valeur sûre. Pour compenser son départ, Bâle est allé chercher l’international Léo Lacroix à Saint-Étienne. La proximité de la Coupe du Monde l’a incité à rentrer au pays. C’est aussi le cas de Valentin Stocker (28 ans), qui n’a jamais réussi à atteindre à Berlin le même statut qu’il avait en Suisse à son départ. Il avait donc perdu sa place dans la Nati. Wicky a encore permis l’éclosion d’autres jeunes : c’est désormais Raoul Petretta (arrière gauche) qui est mis en vitrine, tout comme Dimitri Oberlin (attaquant, mais qui n’est que loué à Salzbourg).

Le football est-il devenu plus attractif pour autant ? Les avis divergent à ce sujet. Wicky joue un 3-1-4-2 (et un 5-3-2 en compétition européenne) très compact et spécule sur des transitions rapides. Il aimerait exercer un pressing haut, et jouer de façon dominante, mais il se rend compte que le beau jeu n’offre pas toujours une garantie de points. Le football attractif, affirme-t-il régulièrement lors d’interviews, est perçu de manière différente par chacun. Ce qu’il veut, c’est de l’engagement. Toujours plein gaz. On croirait entendre Ivan Leko

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