Le paradoxe de l’affaire

Voici pourquoi l’international congolais a finalement failli payer très cher les insultes racistes du président Johan Vermeersch à son égard.

M atumona Zola aura été le dernier joueur du Brussels à quitter le terrain, samedi passé, face à Dender. Des dizaines de mains, au bas de la Tribune II, tenaient en effet à le féliciter pour sa prestation contre les Flandriens. Et le remercier aussi, au passage, d’être resté. En début de semaine, tout portait encore à croire que les ponts étaient définitivement rompus entre le milieu de terrain congolais et le club, suite aux déclarations racistes à son égard de Johan Vermeersch. En définitive, tout est rentré dans l’ordre entre les deux hommes et l’international s’est remis à la disposition du club. Chacune des parties peut s’estimer heureuse de pareil dénouement : l’entrepreneur de Ternat d’abord, bien près de trinquer pour des propos complètement déplacés, et le joueur lui-même qui a failli payer cher aussi son clash avec JV. La preuve par le récapitulatif des faits, assortis des documents qui sont entrés dans l’intervalle en notre possession.

Mardi 30 octobre : Sven Verdonck ébruite l’affaire

Suite à la défaite contre Charleroi, le week-end précédent, l’entraînement du matin, qui coïncide avec la reprise des activités, est remplacé par une réunion entre les joueurs et le staff technique d’un côté et le président de l’autre. Les membres du noyau qui le désirent peuvent ventiler leur point de vue, après quoi le big boss prend la parole à son tour. Ses propos acerbes s’adressent aux valeurs sûres des Coalisés, au rang desquelles on pointera essentiellement le gardien Patrick Nys, le défenseur Eric Deflandre ainsi que les milieux Julien Gorius, Flavien Le Postollec et Matumona Zola. L’international congolais n’en prend pas seulement pour son grade, il doit également composer avec une remarque raciste de l’homme fort local qui, excédé, lui dit à un moment donné : -Monte sur un arbre et va manger un régime de bananes. Une phrase qui touche le joueur de plein c£ur et qui lui arrache quelques larmes bien compréhensibles. Après le départ du chairman, plusieurs coéquipiers ne manquent d’ailleurs pas de le consoler. En principe, l’histoire, pour navrante qu’elle soit, aurait dû rester confinée au seul vestiaire.

A l’occasion d’une interview sur un tout autre thème que nous avons prévue de longue date avec Alan Haydock ce jour-là, le capitaine de l’équipe molenbeekoise nous parle d’un débat matinal animé où tout le monde s’était exprimé. Mais il se garde d’évoquer le dérapage verbal de JV. Idem pour les autres membres du groupe sauf un, Sven Verdonck, qui fait part au Het Laatste Nieuws, des propos tout à fait déplacés du président.

Mercredi 31 octobre : Johan Vermeersch dans l’£il du cyclone

Le quotidien néerlandophone s’épanche explicitement, ce jour même, sur le navrant sujet. D’autres embraient et relatent à leur tour les faits dans leur édition du 2 novembre. Les divers télétextes répercutent l’information eux aussi. Pressé de questions, le président du FC Brussels se borne à dire qu’il a effectivement parlé de  » bananes et d’arbres « .

Recontacté par nos soins, en raison d’une autre interview avec lui la veille (et parue dans notre édition de mercredi passé), il observe avoir dit au joueur :  » Tu es ici pour jouer au football et non pour cueillir des bananes dans un arbre « . Des propos toujours limites, certes, mais qui ne correspondent pas à ce qui s’est dit 24 heures plus tôt entre quatre murs.

Jeudi 1er novembre : les conseillers flairent le pognon

L’entraînement du matin se déroule dans une bonne ambiance, malgré la situation des plus précaires du club. Même Matumona Zola est d’humeur joyeuse et blague avec quelques-uns de ses partenaires. Rien ne laisse supposer à ce moment-là qu’il va rompre le même jour les ponts avec le club via une lettre expédiée par fax et recommandé au club.

Après la séance de préparation, PatriceAmougou, agent de joueurs camerounais avec lequel le Congolais s’est lié quelques semaines plus tôt, est tout simplement venu aux nouvelles concernant l’intervention raciste du président, qu’il a apprise par voie de presse. L’homme entend profiter de cette occasion unique pour se faire à la fois un nom et, surtout, de l’argent. Il s’adresse à l’avocat Laurent Denis, qui s’est fait discret entre-temps dans le monde du football belge suite à l’affaire- Ye. Denis, lui aussi, voit une manière de se rappeler au bon souvenir de tout le monde, tout en réalisant une opération financière juteuse.

Vendredi 2 novembre : Kia rompt son contrat avec le Brussels

C’est l’escalade : après Matumona Zola, c’est Kia, l’un des sponsors du club, qui rompt à son tour son engagement suite à l’affaire. Pour le FC Brussels et son président, voilà un bien sale coup car il en va là d’un contrat de 165.000 euros par an et de 20 véhicules mis à la disposition du club.

Le président contacte, dans la foulée, Alfred Raoul, administrateur délégué du groupe Arinvest, qui gère la carrière et le droit à l’image du joueur. Ce même Raoul, ainsi que le manager français Laurent Déchaux, étaient d’ailleurs les interlocuteurs du joueur lors de la signature de son contrat au Brussels, le 9 août 2006.

Samedi 3 novembre : Vermeersch présente ses excuses

Lors d’une conférence de presse organisée au stade EdmondMachtens, le président formule ses excuses envers tous ceux que ses propos ont choqué : non seulement le joueur mais aussi la grande famille africaine. Alfred Raoul, à l’étranger, ne peut malheureusement pas répondre présent mais à la faveur d’un fax, envoyé l’après-midi même, il fait part de son souhait de réunir toutes les parties (le chairman du FC Brussels et le joueur) afin d’aplanir le différend.

En soirée, par le biais de l’agence Belga, Matumona Zola fait diffuser un communiqué selon lequel la seule personne habilitée à le représenter est Maître Laurent Denis et non Alfred Raoul.

Lundi 5 novembre : Laurent Denis réclame 250.000 euros

Un nouveau fax est expédié par l’avocat Denis au secrétariat du club. Il reprend les différentes étapes de l’affaire, de même que la démarche du joueur par rapport à ces faits (rupture unilatérale du contrat dans le respect de l’article 35 de la Loi du 3 juillet 1978 relative au contrat de travail, distanciation par rapport à Alfred Raoul, gestion de l’affaire par Patrice Amougou et Laurent Denis…). Un élément nouveau est toutefois porté à la connaissance de la direction et du président en particulier : la réclamation d’une somme de 250.000 euros à titre de dommages et intérêts, à verser endéans la huitaine sur le compte CARPA de Laurent Denis.

Entre-temps, Alfred Raoul est arrivé en Belgique avec, sous le bras, le dossier afférent à Zola. A Ternat, dans les bureaux de VermeerschConstruct, l’homme se veut d’emblée rassurant et le démontre, preuves à l’appui : le contrat entre le joueur et le duo Laurent Déchaux (agent) et Alfred Raoul (gestion de carrière) a été signé le 15 mars 2006, après la phase finale de la Coupe d’Afrique des Nations, en Egypte, et porte sur une durée de 2 ans, soit jusqu’au 15 mars 2008. Durant cette période, le joueur est tenu à des obligations contractuelles, dûment stipulées dans l’engagement. On y lit, entre autres qu’il

s’engage à informer exclusivement et obligatoirement la sociétéArinvest de tout fait susceptible d’avoir une incidence sur son activité professionnelle,

s’engage à respecter scrupuleusement les contrats convenus par lui avec l’assistance de la société ;

– s’interdit de traiter aux mêmes fins avec un autre agent, sous peine de dommages et intérêts au profit de Monsieur Laurent Déchaux.

En confiant ses intérêts et sa défense à Amougou et Denis, Zola n’aurait donc pas respecté les clauses de son contrat. Cette donne est l’amorce de la contre-attaque menée par le clan-Vermeersch. Amougou a beau présenter un papier stipulant un accord entre Zola et lui, ce document ne vaut rien dans la mesure où, préalablement, le joueur a omis de signaler, par recommandé, son intention de rompre avec Déchaux et Raoul. Au moment des faits, il est donc toujours lié à ces personnes et non à Amougou-Denis. Ceux-ci sont bel et bien obligés de battre en retraite.

Mardi 6 novembre : contrat amélioré et 20.000 euros pour Matumona Zola

C’est la grande réconciliation, toujours à Ternat, entre le président Johan Vermeersch et son joueur, Matumona Zola. Celui-ci renonce à toutes les actions qu’il a voulu prendre à l’encontre de l’homme fort des Coalisés et se remet à la disposition du club, jusqu’au terme de son bail, en juin 2009. Vainqueur sur le papier, JV n’en reste pas là : pour se racheter envers le joueur, il lui offre à la fois une revalorisation de son contrat ainsi qu’une enveloppe de 20.000 euros, pour le préjudice moral subi.

C’est douze fois moins que la somme que lui réclamait Maître Laurent Denis, dont une partie aurait été ristournée au joueur. Ce dernier montant, toutefois, ne serait nullement allé totalement dans la poche de Zola, puisqu’il aurait servi à dédommager le duo Déchaux-Raoul en raison d’une rupture de contrat. Finalement, le joueur s’en sort bien. Malgré  » un entourage manipulateur et mal intentionné « , comme l’avait formulé Alfred Raoul dans son fax du 3 novembre ? Allô, Maître ?

par bruno govers- photos: belga

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