Le paradoxe belge

L’image était étrange, presque hallucinante : alors que des trombes d’eau s’abattaient sur le stade Marakana de Belgrade, Marc Wilmots a dirigé l’équipe en manches de chemise, pendant vingt minutes. Il a été surpris par la tactique offensive de la Serbie, opérant depuis les flancs avec finesse et force mouvements pour perturber complètement les Diables Rouges en début de match. Wilmots n’a enfilé sa veste qu’une fois l’organisation au point.

Une heure et demie plus tard, l’euphorie ne connaissait pas de bornes. Les Diables Rouges semblaient vraiment avoir entamé une nouvelle ère dans le stade de l’Etoile Rouge de Belgrade. Et ce, au terme d’un match plein de contrastes, comme il sied à un pays aux extrêmes criants.

Jusqu’à présent, le jeu de l’équipe nationale a aussi été marqué par des extrêmes. C’est à juste titre qu’à Belgrade, Marc Wilmots a relevé que l’équipe n’était encore nulle part. Quel que soit le verdict du match d’hier contre l’Ecosse, il est clair que les Diables Rouges ont progressé en tant qu’équipe sur les rives du Danube. Le noyau regarde vraiment dans la même direction, il a faim de succès et il s’appuie sur une discipline que l’adjoint, Vital Borkelmans, juge plus importante que la solidarité qui régnait lorsqu’il était lui-même international.

Marc Wilmots s’est intégré de manière très naturelle au poste de sélectionneur de cet ensemble. Même Philippe Collin a reconnu, dans une interview accordée la semaine dernière, que Wilmots était plus fin tacticien qu’il ne le pensait. Indépendamment du fait que le président de la Commission Technique puisse en juger ou non, il n’était pas vraiment un partisan de Wilmots, au départ.

Il est difficile de juger dans quelle mesure Wilmots a déterminé cette nouvelle direction. Il a filtré ses expériences, sans modifier sa personnalité, il tente d’employer au mieux le peu de temps dont il dispose pour développer des automatismes. Humainement, Wilmots est bien dans sa peau et le groupe le remarque. Il est authentique avec la presse et il accorde de la valeur à chacun. A Belgrade, le Hesbignon a opéré les bons choix tactiques, notamment en jouant à fond la carte de Kevin De Bruyne et en postant Christian Benteke en attaque. Wilmots se garde de se couvrir de louanges, ce que le groupe apprécie. De même, le fait d’avoir remplacé un Eden Hazard en perdition a accru le respect que lui portent ses joueurs.

Plus que jamais, l’équipe nationale semble s’être muée en un produit auquel chacun peut s’identifier. Sans faire de bruit, un vent nouveau souffle avenue Houba de Strooper. L’URBSFA, trop longtemps figée dans ses structures, sorte de ministère obsolète, se transforme en une société moderne. Le temps où l’économe, voire pingre trésorier, Germain Landsheere, décidait de ce qu’on pouvait ou non dépenser est révolu. Le CEO S teven Martens élabore d’autres structures. Il a ainsi revu la puissance du Comité Exécutif, la juridiction est rapide et le traitement de bon nombre de tâches administratives a été automatisé. Chaque département fonctionne à présent avec une large part d’autonomie.

Les bons résultats sportifs doivent servir de catalyseur. Ils n’ont en fait aucune influence sur les réformes mais on les remarque. Pendant le voyage de trois jours des sponsors dans le sillage des joueurs, à Belgrade, le calme de Steven Martens a été frappant. L’ancien tennisman ne vend pas de mirages, il n’est pas émotionnel. C’est un pilote intelligent et expérimenté, qui s’entoure de spécialistes autant que faire se peut.

C’est ainsi qu’un nouveau produit émerge, sur le terrain et en dehors, un produit derrière lequel le pays peut se rassembler. C’est remarquable alors même que les élections de dimanche dernier ont signifié une nouvelle progression du nationalisme flamand. Longtemps, les divergences communautaires ont semblé faire partie du quotidien de l’équipe nationale et c’est précisément maintenant qu’elles ont fait place à l’unité.

PAR JACQUES SYS

L’URBSFA est devenue une société moderne.

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