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Le panda zébré

Parti se relancer à Eupen, David Pollet<bold />n’aura jamais véritablement lancé sa deuxième vie au Mambour.

Le temps était à l’optimisme. Qu’importe, finalement, si une saison sur le banc gantois avait succédé à six mois pâles en mauve et blanc. Un an et demi après son départ pour l’autre Sporting, David Pollet était de retour dans le Pays Noir. Sur ces terres qui l’avaient vu marquer à 11 reprises depuis le coup d’envoi de la saison 2013-2014, l’attaquant revient avec les honneurs du numéro 10, qu’il baptise dès ses premiers pas sur la scène européenne. En plein coeur du mois de juillet, Charleroi accueille le Beitar Jerusalem en Europa League, et Pollet n’a besoin que de 68 minutes pour inscrire deux buts et offrir une passe décisive à Neeskens Kebano.

La saison dernière, le cauchemar de Pollet s’appellait Kaveh Rezaei.

Dans le secteur offensif zébré, la concurrence est alors plutôt faible. Concurrents en pointe lors de la saison précédente, Cédric Fauré et Kalifa Coulibaly ne sont plus là, et seuls Florent Stevance et Roman Ferber, venus des divisions inférieures, convoitent la place du Lensois au sommet du système de Felice Mazzù. Conscients du fait que Pollet a besoin de confiance pour briller, les dirigeants lui laissent l’été pour replonger dans le grand bain.

Mais au bout d’une saison gantoise au temps de jeu famélique, David ne retrouve pas le rythme, une fois l’euphorie européenne passée. Au bout du mois d’août, son compteur est toujours bloqué à zéro en championnat, et les Zèbres restent sur quatre matches sans marquer. C’est alors un autre ancien buteur du Mambour qui fait son retour en noir et blanc. Jérémy Perbet débarque en force. Son mois de septembre se conclut avec trois matches joués, et autant de buts marqués. Pollet est sonné.

En compagnie de Clément Tainmont, duquel il est devenu très proche dès son retour à Charleroi, Pollet ronge son frein. Les trajets, qu’ils font ensemble entre leur domicile et le terrain d’entraînement, se vivent dans la morosité. Il faut dire que sur la pelouse, le gaucher a payé sa blessure de début de saison et souffre de la concurrence d’ Amara Baby.

Pourtant, comme Pollet, il a besoin de se sentir important pour briller. David, lui, a été sacrifié sur l’autel d’un rééquilibrage tactique, après une défaite 3-0 au Standard. Fini le 4-4-2, dans lequel Perbet confesse qu’il a plus de mal à briller à cause d’un manque de complémentarité avec Pollet. Charleroi passe à un seul attaquant, et Mazzù conserve évidemment celui qui marque.

DE JÉRÉMY À HAMDI

Reboosté par l’aide d’un coach mental et la lecture d’ouvrages consacrés à la psychologie, David Pollet entame la saison suivante avec le costume du titulaire. Perbet parti, Stevance et Ferber prêtés, la seule concurrence est représentée par un colosse aux airs enfantins. Chris Bédia, arrivé pour apprendre, se montre pourtant ambitieux, et saisit sa chance des deux pieds quand Pollet, frappé par les blessures pendant la préparation, passe du temps à l’infirmerie. De retour sur les terrains, le Français gagne pourtant son combat face à l’Ivoirien, grâce à des buts marqués contre Saint-Trond et Courtrai qui lui permettent de conclure le mois de novembre avec six buts au compteur.

Touché par les  » Pollet va marquer « , chant ironique né dans les tribunes carolos à force de voir passer les matches du numéro 10 sans but à la clé, David prend un nouveau coup au début du mois de janvier, quand Mehdi Bayat fait un effort financier important pour attirer Hamdi Harbaoui dans le Pays Noir. Charleroi a besoin de buts pour finir la phase classique dans le top 6, et Pollet semble incapable de les lui offrir. Le Tunisien, qui profite de chaque interview pour confesser son admiration pour le travail dans l’ombre de Pollet, s’installe pourtant dans le onze et marque quelques buts importants sur la route des play-offs 1.

Conscient du besoin de son attaquant d’être rassuré sur ses prestations, Mazzù ne passe pas une séance vidéo sans insister sur l’abnégation de son numéro 10. Les courses défensives de Pollet, capable de venir tacler aux abords de son rectangle à cinq minutes du terme, sont toujours applaudies, pendant que la nonchalance de Bédia ou de Cristian Benavente est pointée du doigt. La saison se termine avec huit buts et, une nouvelle fois, Pollet démarre la suivante au sommet de la hiérarchie, puisque le prêt d’Harbaoui prend fin en même temps que les play-offs 1.

REZAEI, UN POLLET AMÉLIORÉ

Le cauchemar de Pollet s’appelle Kaveh Rezaei. L’Iranien débarque dans l’anonymat, mais offre rapidement un cocktail dont Felice Mazzù ne pourra pas se passer. Non seulement, la trouvaille du père de Mehdi Bayat abat un travail considérable dans le jeu sans ballon mais en plus, il marque. Beaucoup. Bien plus que Pollet, qui reste longtemps bloqué à deux unités, plantées sur penalty lors des deux premiers matches de la saison.

Quand Cristian Benavente, de plus en plus performant en sortant du banc, prouve son efficacité et sa complémentarité avec Rezaei, c’est une nouvelle fois Pollet qui en fait les frais. La confiance rechute, encore. Trop sensible pour composer avec la concurrence parfois impitoyable du football professionnel, Pollet a du mal à remonter la pente. Sorti à la mi-temps d’un match insipide des Carolos sur la pelouse de Lokeren, il s’emporte, considérant être systématiquement le bouc émissaire des mauvaises prestations des Zèbres.

Consciente de la souffrance psychologique de son attaquant, Charleroi lui ouvre la porte d’un départ au mercato d’hiver. Contrairement aux périodes de mercato précédentes, Angers ne revient plus à la charge. Stéphane Moulin, qui tient Pollet en haute estime depuis des années, a enfin trouvé son attaquant en la personne de Karl Toko-Ekambi, auteur d’une saison canon chez les Angevins.

Par contre, le Cercle, engagé dans la lutte pour le titre en D1B, vient aux nouvelles. Mehdi Bayat évoque la possibilité d’un départ à Bruges avec Pollet, lors du stage hivernal. Tout comme Enes Saglik, également en manque de temps de jeu, le Français décline, souhaitant rester au Mambour pour y vivre le dénouement d’une saison historique, au terme d’un premier tour bouclé sur le podium.

La fin de saison des Zèbres est aussi difficile que celle de Pollet. Les montées au jeu sont rares, le temps de jeu presque insignifiant. Titulaire pour le 3-3 accroché à Bruges, dans un duo offensif en compagnie de Bédia, Pollet cède sa place à Rezaei après 56 minutes, et n’est même pas sur la feuille de match le week-end suivant.

260 JOURS

La fracture est nette et Pollet, de plus en plus isolé dans un vestiaire où il a récemment perdu deux de ses plus proches alliés, Tainmont et Damien Marcq, pense ouvertement à un départ en fin de saison. Son seul sursaut viendra après un match avec l’équipe réserve, coachée par Samba Diawara, qui demande à ses hommes de jouer pour faire marquer quatre buts à David, comme il l’avait fait pour redonner confiance à Chris Bédia quelques semaines plus tôt. Pollet rate d’abord quelques occasions, mais finit par mener sa mission à bien.

Le chant du cygne a lieu quelques jours plus tard, sur la pelouse du Mambour. Mal embarqué dans ses play-offs 1 avec quatre matches sans victoire, Charleroi prend le meilleur sur les Gantois d’ Yves Vanderhaeghe grâce, notamment, à un but plein de sang-froid de Pollet, parti à la rencontre de Lovre Kalinic au bout d’une passe sensationnelle de Marco Ilaimaharitra.

Les  » Pollet a marqué  » enflamment la T4, et sont repris par la majorité du stade. L’ironie est mélangée à la tendresse, pour un joueur qui a fini par incarner la lose à la carolo. Ce but face aux Buffalos met un terme à une disette de 260 jours. Et restera sans doute comme le dernier de l’histoire zébrée de David Pollet.

Le panda zébré
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L’appel d’Eupen

Malgré une saison maigre en buts, les sollicitations étaient présentes pour s’offrir les services de David Pollet à l’aube de cette nouvelle saison. Dans l’antichambre de l’élite française, où il a laissé de bons souvenirs, l’attaquant des Zèbres était notamment convoité par Brest ou Le Havre, tous deux candidats à la montée lors de la saison à venir. C’est finalement Eupen qui a décroché la timbale.

Tout comme il avait été séduit par les mots d’ Hein Vanhaezebrouck au moment de quitter Anderlecht pour rejoindre Gand, Pollet a pris sa décision après une rencontre avec Claude Makelele, décidé à se rabattre sur l’attaquant français après avoir essuyé le refus d’un autre compatriote, Jérémy Perbet.

Charmé par le discours de son nouveau coach, et la possibilité de briller grâce aux passes de Luis Garcia ou de Danijel Milicevic, David a donc décidé de s’installer pour une saison au sein de la communauté germanophone. Sa compagne et lui avaient pourtant souffert de l’installation en Flandre, un dépaysement qui avait pesé sur son moral lors de la période gantoise.

Avant de le prêter, Charleroi a prolongé son contrat. Consciente que le buteur endormi depuis son premier passage au Mambour pourrait se réveiller dans les Cantons de l’Est, la direction carolo mise sur une saison canon qui augmenterait la valeur de son attaquant, et permettrait de réaliser une plus-value grâce à un joueur qui n’a jamais vraiment commencé sa deuxième histoire d’amour avec les Zèbres.

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