Le nouveau Nicaise

Le médian français a retrouvé une place de titulaire et a été investi du rôle de capitaine. Depuis lors, il a retrouvé de l’envie et un très bon niveau. Et il parle d’or en télé…

Il y a quelques mois, c’était encore le pestiféré du groupe. Aujourd’hui, Benjamin Nicaise est devenu le symbole du renouveau montois et de la réussite d’ Enzo Scifo. Pourtant, le médian français ne savoure pas sa revanche. Sans doute en profite-t-il en privé. Mais en public, il fait preuve de beaucoup de retenue. Ainsi, lorsqu’on lui a demandé de revenir sur sa résurrection, il a préféré décliner. Trop accaparé par les médias, ses obligations à La Tribune, ses cours d’entraîneur et les travaux pratiques qu’il effectue dans le cadre de cours de management sportif qu’il prend par correspondance, il a fait une pause. Signe aussi d’une certaine humilité car le renouveau de Mons, il n’en est pas l’unique responsable.

Il faut bien admettre que depuis le limogeage de Dennis van Wijk, il a retrouvé ses jambes de gamin et le niveau qui était le sien lors de sa première saison montoise. Pourtant, quand le Néerlandais était encore là, il avait paru très découragé et s’en était ouvert en off à notre magazine. Aujourd’hui, il y a prescription mais c’était clair : dans ces conditions, le Français ne se voyait pas poursuivre sa carrière. La notion de plaisir foot avait complètement disparu de son paysage. Scifo a changé la donne.

Le rebelle assagi

Ce n’est un secret pour personne, le courant ne passait pas du tout entre Nicaise et Van Wijk.  » Les deux avaient des caractères bien différents « , explique l’entraîneur adjoint, Geert Broeckaert,  » Ils ne s’accordaient pas. Or, Nicaise, qui ne jouait pas, attendait des explications du coach et cela a conduit à des tensions. Nicaise est un joueur intelligent, qui réfléchit beaucoup. Quand il ne joue pas, il se pose plus de questions que d’autres. Il vaut mieux donc lui fournir une explication. Enzo est plus diplomate que Van Wijk. Sa grande qualité est de savoir gérer les cas difficiles et d’expliquer ses choix.  »

De cette brouille, Nicaise en est ressorti avec une image de rebelle. Image qu’il cultive d’ailleurs depuis son premier passage à Mons et sa bagarre au Lierse.  » Il joue parfois un rôle. Il a simplement besoin de confiance. Vous savez, il est plus fragile qu’on ne le pense « , explique le directeur sportif de Mons, Dimitri Mbuyu. Nicaise ne cadre tout simplement pas avec le milieu dans lequel il évolue. Il aime découvrir de nouvelles cultures (il fait un grand voyage par an), réfléchit sur les choses et s’intéresse au monde dans lequel il évolue (il a regardé le débat présidentiel français et a affiché ses préférences pour le candidat socialiste). Bien loin donc des préoccupations habituelles de ses coéquipiers.

 » C’est un homme entier. Soit tu l’aimes, soit tu le détestes « , ajoute Cédric Berthelin,  » Quand il a quelque chose à dire, il ne se gêne pas. Et parfois cela ne passe pas auprès de certaines personnes. Surtout auprès des entraîneurs d’ailleurs, qui n’aiment pas qu’un joueur dise certaines choses devant le groupe et pointe certaines déficiences qui ont tendance à le remettre à sa place. Le monde du foot n’accepte pas toujours les joueurs qui expriment certaines vérités. Du coup, un garçon comme Benja est parfois marginalisé. On l’a tout le temps fait passer pour quelqu’un qu’il n’est pas. Or, il s’agit simplement d’un joueur qui ne se cache pas quand il y a des problèmes et qui met le doigt où cela fait mal. Mais dire de lui que c’est une pomme pourrie, ce n’est pas correct.  »

Depuis que Scifo est arrivé, Nicaise a retrouvé le terrain. Il sent qu’il a la confiance de son coach et cela rejaillit naturellement sur son caractère.

Le capitaine exemplaire

Une des premières décisions de Scifo fut de redonner une place de titulaire à Nicaise et de le nommer capitaine.  » Il avait lieu de faire quelque chose puisque j’arrivais dans une équipe qui perdait depuis des mois « , se remémore Scifo.  » Il me fallait quelqu’un capable d’endosser le rôle de leader. Je connaissais les qualités et les défauts de Nicaise et pour moi, il s’agissait d’un gars qui pouvait avoir l’influence nécessaire sur le groupe. Je l’ai convoqué et je lui ai demandé s’il était prêt à prendre ses responsabilités et à respecter certaines règles. J’avais entendu beaucoup de choses à son propos, et notamment le fait qu’il en avait marre du foot pro et qu’il comptait arrêter sa carrière, mais j’ai fait abstraction de toutes ces choses. Dans un premier temps, je voulais me faire mon opinion personnelle, en observant. Son comportement ne reflétait pas ce qu’on m’avait dit. J’ai vu, aux entraînements, qu’il avait beaucoup d’envie. J’ai été surpris des réactions après notre première victoire au Beerschot. Tout le monde me demandait pourquoi j’avais décidé d’aligner Nicaise et de lui donner le brassard. Mais, pour moi, cela coulait de source. Comme le fait d’intégrer Tom Van Imschoot dans le onze. Je ne comprenais tout simplement pas comment deux joueurs aussi talentueux se retrouvaient sur le banc !  »

Depuis, le médian français fait preuve de beaucoup de retenue et prend sa mission avec c£ur.  » Quand on l’a nommé capitaine, personne ne s’en est plaint dans le vestiaire « , reconnaît Berthelin.  » Je pense que Scifo n’aurait pas pu lui rendre meilleur service. Depuis qu’il a le brassard, il est beaucoup plus calme. Le connaissant, j’ai déjà vu plusieurs phases sur lesquelles il aurait pété un câble auparavant. Là, je le vois discuter posément avec les arbitres. Naturellement, Scifo va récolter les fruits de cette décision. « 

 » Pour le moment, c’est un véritable exemple « , renchérit Broeckaert.  » On lui a demandé de s’investir et il le fait. On le dit grande gueule mais sur le terrain, c’est positif. Il joue à l’influence et cela fait beaucoup de bien à l’équipe. « 

 » Il apporte une brutalité positive « , dit Mbuyu.  » Il secoue l’équipe et provoque. Tout cela dans les règles. D’ailleurs, il n’a pas pris un carton jaune depuis l’arrivée d’Enzo ( NDLR : soit neuf matches).  »

Scifo a donc réussi son coup.  » Pour moi, un capitaine, ce n’est pas quelqu’un qui porte le brassard par figuration, ni parce qu’il est le plus âgé du groupe. Cela doit être un symbole, un relais auprès de ses coéquipiers et un exemple car j’insiste beaucoup sur la sportivité. Je savais que le défi était compliqué car Nicaise prenait beaucoup de cartons mais pour le moment, il joue parfaitement son rôle. « 

Un inspirateur

On l’avait un peu oublié, sans doute aussi parce qu’on l’avait confiné au rôle d’aboyeur devant la défense, mais Nicaise possède de vraies qualités de régulateur.  » Footballistiquement, il arrive à s’exprimer comme j’en avais envie « , dit Scifo.  » C’est un joueur qui pense à construire et quand il est bien, il est indispensable à l’équipe. Il est intelligent, a une position naturelle sur le terrain, sait garder le ballon, temporiser, dicter le rythme. « 

Dans le vestiaire aussi, on reconnaît son utilité.  » On voit la différence quand il ne joue pas « , affirme Berthelin.  » Avec lui présent, on a une qualité de passe et une grinta qui nous font défaut quand il n’est pas là. « 

 » Au niveau qualités, tout le monde est d’accord pour dire qu’il apporte un plus à Mons « , analyse Mbuyu.  » Et grâce à l’arrivée de Scifo, on peut dire que sa saison s’équilibre entre échec et réussite. Il a commencé à vraiment se montrer utile à l’équipe. La saison prochaine, il doit prouver qu’il peut prester à ce niveau durant toute une saison. Ce sera son challenge personnel. « 

C’est dans cette optique que la direction montoise a tenu ses promesses en prolongeant automatiquement son contrat d’un an, une fois le maintien assuré.

Un homme médiatique

Seul désaccord entre Nicaise et Scifo : sa présence sur le plateau de La Tribune. Scifo :  » Pour moi, ce n’est pas cohérent avec son statut de joueur. Il ne doit pas analyser ses adversaires, ni se disperser.  »

Après une semaine de battement, le coach montois a pourtant accepté de libérer son joueur pour l’émission du lundi.  » Son entraîneur estimait qu’il était juge et partie mais comme on lui a garanti qu’il ne s’exprimerait que sur les play-offs 1, il a accepté qu’il finisse la saison « , explique Michel Lecomte, chef du service des sports de la RTBF.

Mais qu’est-ce qui a poussé Lecomte à faire appel à Nicaise ?  » C’est Benjamin Deceuninck qui a eu l’idée. Nicaise a une personnalité, un point de vue et une expérience puisqu’il a dépassé la trentaine.  »

Pourtant, vu sa situation actuelle, Nicaise a clairement exprimé le fait qu’il ne voulait pas critiquer un joueur. Un consultant peut-il rester neutre ?  » Il ne vise pas l’homme et ce n’est pas plus mal car on vient d’un modèle où la critique était bien plus présente et cela nous avait valu pas mal de problèmes « , assure Lecomte.

En attendant, Nicaise a déjà posé sa griffe sur l’émission. La RTBF lui a d’ailleurs proposé de servir de consultant pendant l’Euro. Par contre, rien ne dit qu’il fera partie de la grille de la rentrée.  » Scifo s’est montré fair-play en lui permettant de finir la saison mais en septembre, il faudra sans doute trouver d’autres solutions « , reconnaît Lecomte.  » La saison prochaine, c’est fini et Benjamin l’a très bien compris « , ajoute d’ailleurs Scifo. La RTBF ne compte pourtant pas faire une croix sur lui. Il ne fera plus partie de l’émission du lundi mais il intégrera un panel de consultants dans lequel le service des sports pourra puiser pour des événements bien précis.

En attendant, ses coéquipiers pourront continuer à le chambrer à l’entraînement.  » Quand il passe à la télévision, on le bombarde de SMS « , raconte Berthelin.  » Il n’a peur de personne mais il connaît son sujet ! S’il était juste là pour remplacer Stéphane Pauwels et faire le clown, on n’aurait pas très bien compris sa démarche, mais là, il est crédible.  »

PAR STÉPHANE VANDE VELDE – PHOTO: IMAGEGLOBE

Sous Van Wijk, Benja était tellement dégoûté qu’il pensait arrêter sa carrière.

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