Le nouveau géant gantois

Gand attend impatiemment la livraison de sa nouvelle enceinte ultramoderne de 73 millions d’euros. Dans un an, ce sera chose faite.

Tous les Belges ont une brique dans le ventre… sauf en football. Les installations de D1 manquent souvent d’envergure et de fraîcheur. Et cela a un impact négatif sur les trésoreries. Les stades modernes attirent plus de spectateurs et de partenaires commerciaux. Le retard par rapport aux pays avoisinants (ou même à des contrées plus éloignées comme la Pologne, entre autres) est criant.

Gand l’a compris, lui qui se sent à l’étroit depuis des années dans le stade Jules Otten (un des fondateurs du club), inauguré en 1920 par le Prince Léopold, futur Roi Léopold III. Même si le stade a été modernisé à plusieurs reprises, il présente les handicaps d’une construction de l’après Première Guerre mondiale. Et il est planté dans un quartier résidentiel qui ne permet pas de grands projets.

 » Un déménagement s’impose depuis des années « , note Michel Louwagie, le manager des Buffalos en sortant des bottes du coffre de sa voiture.  » Je suis heureux chaque fois que je fais le tour des travaux : cela avance vite. Notre club vit avec un budget de 14 millions d’euros. En multipliant les initiatives, une étude prouve que le plafond se situerait à 17 millions au stade Otten. Mais ça ne permet pas de lutter à armes égales avec Anderlecht, Genk, le Standard ou le Club Bruges. Notre nouveau stade nous permettrait de flirter avec les 23 millions et de développer une politique sportive plus performante. Anderlecht tourne avec un budget de 30 millions pour 25 au Standard.  »

Louwagie a toutes les raisons du monde d’être fier. En quelques années, il a sorti les Buffalos du rouge et le nouveau stade sera la cerise sur son gâteau mais l’idée de départ vient de Daniel Termont, bourgmestre socialiste de Gand. Il y a quelques années, échevin des Sports de la cité baignée par l’Escaut et la Lys, Termont propose un site intéressant à Ivan De Witte, président des Buffalos.

 » Termont a sorti deux serviettes de sa poche « , raconte Patrick Lips, le directeur commercial de La Gantoise.  » Il a dit – La première serviette, c’est l’endroit auquel je pense. La deuxième, c’est le stade. C’est une combinaison parfaite, tout est complémentaire.  »

Termont espère assainir un vaste terrain où se situait l’ancien marché de gros (croisement des autoroutes E40 Bruxelles-Ostende et E17 Anvers-Courtrai) et ériger un stade qui assurera la pérennité des Buffalos.

 » En plus, c’est un endroit stratégique, au c£ur de la Flandre. Il est facilement accessible, ce qui n’est pas le cas des stades situés en ville « , souligne Louwagie.

 » Tout ce coin de Gand va revivre « 

Mais le chemin est long dans un pays où la machine administrative est lente. Et il faut monter un dossier financier qui tient la route. Les Buffalos le font avec la Ville de Gand et la société Optima. La première pierre est posée en 2008 mais la suite se fait attendre car certains dossiers prennent du retard. Optima demande à la société Ghelamco de se joindre au projet. Ce promoteur de la région d’Ypres a l’habitude des grands travaux. Fondé en 1985, il s’est internationalisé et est actif dans la construction de bâtiments et grands complexes industriels en Allemagne, France, Pologne, Ukraine, Russie, etc.

Au fil du temps, Optima s’est retiré et Ghelamco fait désormais office de locomotive. Il aurait refusé de se lancer dans la construction du stade s’il n’avait pas été inclus dans un projet beaucoup plus vaste. A côté du stade en construction, des ouvriers bâtissent donc un grand magasin (Brico Planet), des bureaux, un hôtel.

 » Tout ce coin de Gand va revivre « , affirme Louwagie.  » Le football participera à ce renouveau et sera plus que jamais un ambassadeur de sa ville et de sa région. Le stade coûtera 77 millions mais le club ne paye pas tout. Ghelamco prend 33 millions à sa charge et le reste est équitablement réparti entre le club et la ville. Ce stade coûtera 20 millions aux Buffalos. La capacité de départ est de 20.000 spectateurs pour 13.000 au stade Jules Otten. Nous sommes persuadés que notre équipe accueillera progressivement de plus en plus de monde. Dès lors, tout a été prévu pour que nous puissions agrandir progressivement le stade, jusqu’à un maximum de 40.000 spectateurs. Il se distinguera par sa sécurité, son élégance, son originalité et, j’y tiens beaucoup, par son accueil. « 

Louwagie a lâché le chiffre de 40.000 spectateurs pour un avenir lointain. Une façon d’inquiéter son grand rival flamand, le Club Bruges, qui entretient des rêves de nouvelles installations mais n’a pas encore trouvé de terrain. Il y a bien une partie de bras de fer entre les deux clubs. Le Club Bruges recrute des supporters dans tout le pays flamand, notamment à Gand. Un nouveau stade les inciterait sans doute à aller voir les Buffalos plutôt que de se rendre à des kilomètres de chez eux, au stade Jan Breydel.

 » Le potentiel populaire dépasse largement les 13.000 spectateurs de notre stade actuel « , précise Lips.  » En 2009-2010, nous avons disputé la finale de la Coupe contre le Cercle Bruges. Nous avons enregistré plus de 40.000 demandes de tickets. Il a été impossible d’obtenir autant de billets mais cela signifie que notre masse flottante est considérable. Un géant sommeille chez nous. Il faut le réveiller. Un stade dont Gand sera fier constituera un atout pour attirer et fidéliser ceux qui nous ont quittés. Un stade coquet et moderne peut attirer de 30 à 40 % de nouveaux spectateurs qui entendent être partie prenante d’une nouvelle aventure de leur club ou de leur ville. Le stade sera multifonctionnel : des sociétés pourront y organiser des réunions, des symposiums et autres conférences. La voirie sera aménagée et des sorties permettront aux usagers de la route d’accéder rapidement à notre site. La façade de la tribune principale sera reconnaissable entre mille. Trop de nouveaux stades se ressemblent et on voit les mêmes grandes caractéristiques un peu partout : ce ne sera pas le cas à Gand grâce à l’utilisation massive d’un verre bleu, la couleur préférée des sympathisants. « 

La promenade des Buffalos

Le stade Artevelde aura son lot de business seats (1.200), de sky boxes (20), un lounge pour 1.500 personnes, un restaurant business de 1.000 places et un autre, de grande classe, qui sera fréquenté par 50 grandes sociétés et leurs relations commerciales (250 couverts). En référence à Anderlecht, ce serait le Saint-Guidon de Gand, mais on ignore si le président Ivan De Witte serait d’accord de le nommer Saint-Ivan. Tous les spectateurs auront le loisir de suivre le match à l’air, ce qui est bien plus agréable que derrière une vitre. Mais il y a une autre innovation dont Louwagie est très fier : la promenade des Buffalos, un anneau qui fera le tour de tout le stade.

 » Je tenais beaucoup à cette idée assez révolutionnaire en Belgique « , explique Louwagie.  » Cette promenade sera pourvue de petits commerces où chacun pourra manger sur le pouce, boire tranquillement un verre, acheter des souvenirs. Dans beaucoup de stades, les gens n’ont pas la possibilité de retrouver des amis bloqués dans une autre tribune impossible à quitter. Chez nous, il en ira autrement. Il y aura des points de rencontres et chacun pourra circuler rapidement d’un coin à l’autre en respectant, bien sûr, toutes les consignes de sécurité. La fête d’avant et d’après match ne se déroulera pas à l’extérieur (comme au Standard ou à Anderlecht) mais dans le stade, derrière les avaloirs qui donnent sur le terrain. Notre promenade sera chauffée en hiver. Les spectateurs arrivent parfois à la dernière minute au stade et il est important que le plus anonyme de nos supporters soit reçu comme un VIP. Le stade sera son autre chez soi et les gens viendront au stade une heure et demie avant le coup d’envoi. Après chaque match, il y aura des animations et de la musique sur notre promenade. « 

En outre, le stade sera pourvu de l’outil le plus moderne pour les joueurs et les services administratifs. Et il sera écolo : des panneaux solaires photovoltaïques assureront la production d’eau chaude, l’eau de pluie sera recueillie et utilisée pour les sanitaires et l’arrosage de la pelouse.

En attendant, les ouvriers s’activent sur l’immense chantier et le manager des Flandriens a encore un peu de temps devant lui pour dénicher un sponsor qui donnera son nom au stade.

PAR PIERRE BILIC – PHOTOS : IMAGEGLOBE/HAMERS

 » Le nouveau stade nous permettra d’avoir un budget de 23 millions. « 

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire