Le mystère des pyramides

Screening d’un club en plein renouveau qui bataille dans les barrages pour remonter en D1.

C’était il y a 10-12 ans, un siècle, une éternité. 1997 : le Lierse était champion de Belgique avec Eric Gerets aux commandes. 1999 : le Lierse écrasait le Standard en finale de la Coupe de Belgique avec un Jurgen Cavens extraterrestre. Depuis lors, on a surtout parlé de ce club pour ses problèmes sportifs et extra-sportifs : situation financière catastrophique, menaces de faillite, affaire Zheyun Ye, chute en D2.

La roue tourne. Après avoir joué la demi-finale de la Coupe, le Lierse dispute aujourd’hui, avec l’Antwerp, Roulers et Dender, le tour final qui enverra son vainqueur en D1. De ces quatre clubs, les Jaune et Noir semblent les mieux structurés. Pour différentes raisons. Analyse.

Un investisseur XXL

Maged Samy est un cadeau tombé du ciel. En novembre 2007, ce richissime homme d’affaires égyptien passe par Lierre avec une proposition inespérée : injecter une grosse somme d’argent et devenir propriétaire du Lierse. On croit d’abord à une mauvaise blague d’un fumiste. Quel est l’intérêt de mettre des millions dans un club souffrant qui se traîne dans un championnat de D2 malade et qui n’intéresse pas grand monde ? Les négociations sont vite bouclées et l’Egyptien injecte quelques millions qui servent à apurer les dettes. Il prend le contrôle du club.

Samy vient du Caire, emploie près de 4.000 personnes et pèse 150 millions d’euros. Il gère son empire depuis un quartier chic de la capitale égyptienne aux portes du désert. Avec son frère, il dirige la holding multinationale Wadi Degla, active notamment dans la construction, l’énergie et les télécommunications. Mais aussi dans le sport : Wadi Degla Sports Clubs, c’est un ensemble de complexes sportifs : terrains de foot, courts de tennis, pistes d’athlétisme, manèges, salles de fitness, piscines, cafés, restaurants. Groupe cible : l’élite. Les membres payent une cotisation de 7.000 euros qui donne accès à ces complexes, à vie, à toute leur famille. L’ancien Anderlechtois Ahmed Hassan est un des 16.000 inscrits – et 50 nouveaux membres arrivent chaque jour. Pour l’anecdote, le salaire mensuel moyen au Caire tourne autour des 100 euros ! Le groupe de Maged Samy possède aussi un club de foot : le Wadi Degla Sporting Club, qui est monté récemment en D2 égyptienne. Et une équipe de squash qui fait partie du top mondial.

Pour l’homme d’affaires qui prend l’avion presque chaque semaine pour assister aux matches du Lierse, rien n’est trop beau chez nous. Dès son arrivée, il avait par exemple proposé que les primes de victoires soient données aux joueurs une demi-heure après le coup de sifflet final des matches. On l’en a finalement dissuadé. Aujourd’hui, on estime qu’il a déjà injecté environ 10 millions dans le club. Son objectif de départ était de ramener le Lierse en D1 endéans les 5 ans.

La Justice et l’Union belge s’en mêlent

On s’est vite posé des questions sur de tels investissements dans un club comme le Lierse, qui avait déjà pas mal chipoté avec le Chinois. Il n’y a pas eu de plainte officielle mais le ministère de la Justice a ouvert une enquête. On craignait un blanchiment d’argent provenant d’activités criminelles, voire du terrorisme international. Les banques Dexia et Fortis ont vérifié la provenance des fonds qui arrivaient sur le compte du Lierse. Mais l’Egyptien fut rapidement blanchi. Le tribunal de Malines a rendu une conclusion claire : tout était limpide et légal.

A l’Union belge aussi, on a mis en marche la machine judiciaire. A cause de l’investissement de Maged Samy à Turnhout. En janvier 2008, il a offert 500.000 euros pour sauver cette équipe aux portes de la faillite. Et Turnhout vient d’arracher la montée de D3 en D2. Si le Lierse reste en Exqi League la saison prochaine, il y aura conflit d’intérêts. En effet, les règlements de la Fédération interdisent qu’un même homme/groupe soit propriétaire de deux clubs évoluant dans la même série. L’Egyptien s’est défendu timidement en expliquant qu’il était propriétaire du Lierse mais simplement sponsor de Turnhout. Mais il est quand même prêt à faire des concessions si le Lierse ne monte pas : Turnhout, décrit officiellement comme un satellite du Lierse, devrait alors rester en D3.

Un budget taille D1

Le Lierse avait cette saison un budget compris entre 4 et 5 millions, soit plus que Courtrai ou Tubize, et autant que Malines. En hiver, les joueurs sont partis en stage dans un palace du Caire appartenant à Samy. Avant le tour final D1/D2, ils sont allés se ressourcer dans les Ardennes. Et les investissements suivent depuis l’arrivée du patron : centre de rééducation totalement relooké, terrain synthétique, pelouses d’entraînement parfaites, entraîneurs spécifiques, une équipe médicale qui vaut celle d’un bon club de D1, etc. En cas de montée, le budget sera directement gonflé : entre 7 et 10 millions. Et Samy envisage la construction en Flandre d’un complexe sportif semblable à ceux qu’il possède au Caire.

Un public de D1

Le Lierse a la meilleure moyenne de spectateurs de D2 : près de 7.000 personnes – une augmentation de 1.500 visiteurs par rapport à la saison 2007-2008. On compte 5.000 abonnés. Ces chiffres valent les assistances des clubs de milieu de classement en D1. Pour le match à domicile contre l’Antwerp, il y avait 10.600 spectateurs. La rénovation du stade, pour le rapprocher de la qualité des enceintes des clubs du subtop de la première division, est dans les cartons de l’Egyptien.

Des stars sur le terrain : Radzinski, Cavens, Wahed

Le noyau est très international mais dès son arrivée, Samy a signalé qu’il ne ferait pas du Lierse un nouveau Beveren avec une équipe composée en grande majorité de joueurs égyptiens – au lieu des Ivoiriens de Beveren. Il y a seulement quatre Egyptiens cette saison dans le groupe. En tout, on dénombre neuf nationalités : Belgique, Egypte, Canada, Serbie, Macédoine, Monténégro, Ghana, Burundi et Thaïlande. Le Thaïlandais, Teerathep Winothai, est un international, star dans son pays, ancien animateur d’un programme TV hyper populaire là-bas. Chez les jeunes, il est passé par Crystal Palace et Everton. L’autre vedette exotique est un des Egyptiens : Mo Wahed est international et a joué pour le Zamalek. Médian, il est la plaque tournante du Lierse.

Il y a aussi l’international canadien Tomasz Radzinski : ex-Anderlecht (meilleur buteur de D1 en 2001), Everton, Fulham, Xanthi. Quinze ans après ses débuts belges au Germinal Ekeren (avec Herman Helleputte, l’actuel entraîneur du Lierse), il est revenu chez nous pour permettre à sa compagne belge d’accoucher au pays. A 35 ans, cet intello du noyau (il parle anglais, polonais, néerlandais, français, allemand et un peu de russe) vient de réussir une saison de fou. Il marque encore comme il respire. Idem pour Jurgen Cavens qui s’est planté un peu partout (Standard, Marseille, Twente, La Gantoise) mais a retrouvé le niveau qu’il avait au début de sa carrière, à la fin des années 90 – au Lierse déjà.

Guillou est dans le coup

Le club égyptien de D2 de Maged Samy collabore avec l’académie d’Arsenal. Et le groupe Wadi Degla a des écoles de foot un peu partout. Le patron affirme que dans cinq ou six ans, le Lierse devrait être capable d’aligner une équipe presque exclusivement composée de joueurs formés dans ces centres – qu’il revendrait ensuite au prix fort à de grands clubs européens. Il collabore aussi avec les académies de Jean-Marc Guillou (au Ghana, en Egypte, en Thaïlande, etc). Samy subsidie directement l’académie JMG implantée chez nous, à Tongerlo. A ce niveau-là aussi, il a eu quelques petits soucis avec la Justice belge. On a reproché à Samy et Guillou de faire de la traite d’enfants.

L’Egyptien s’est défendu :  » On fait tout un foin parce qu’il s’agit de jeunes joueurs belges. Mais personne ne dit rien quand ce sont des Africains qui évoluent dans de telles académies. Nous valons donc moins que les Européens ? Les Belges seraient d’une race supérieure ? Qu’on arrête ! « 

par pierre danvoye

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire