Le Mr. Propre du Club

Le Club a opté pour une vision, une organisation et une culture nouvelles. Objectif : un rendement plus efficace et donc de meilleurs résultats sportifs.

Il y a un an et demi, Pol Jonckheere, succédant à Michel D’Hooghe à la présidence du Club Bruges, estimait que rien n’était plus grisant que de diriger le club de son c£ur. L’ingénieur architecte, membre du comité brugeois depuis les années 1980 et cheville ouvrière des diverses transformations effectuées au stade Jan Breydel, réalisait ainsi un rêve cher. Après avoir fait l’éloge des qualités de diplomate de son prédécesseur, il annonçait qu’il allait diriger à sa manière : de façon dure et ferme, en s’impliquant dans tous les domaines. Les structures devaient être renforcées et il consacrerait une attention toute particulière à l’aspect sportif. Davantage même que dans la fonction de président de la commission sportive qu’il occupait jusqu’alors et qui avait conduit entre autres aux arrivées de Mohamed Dahmane et d’ Adrie Koster.

Durant la première année de présidence de Jonckheere, Bruges accédait aux seizièmes de finale de l’Europa League, éliminé après prolongations par Valence, et terminait deuxième du championnat, à 12 points d’Anderlecht, dépassé cependant par Gand au cours des play-offs. Au printemps, le contrat de Koster est prolongé de deux ans. Jonckheere annonce ensuite l’arrivée de renforts et l’ambition prioritaire d’être champion la saison suivante. En mai 2010, Filips Dhondt, le manager général et ancien bras droit de D’Hooghe, est remplacé au sein d’une nouvelle structure par un comité de management composé de huit membres dont quatre émanent du conseil d’administration et dont Patrick Orlans devient le manager opérationnel et commercial.

Jonckheere s’affirme très actif sur tous les fronts. A Bruges, il assiste à des matches du Cercle voisin et à des soirées de supporters où il partage volontiers le verre de l’amitié. Ailleurs, en temps que membre du comité exécutif de l’Union belge et du comité de direction de la Ligue pro, il s’active pour le développement du football belge. A la demande de Koster, il fait appel à Stefan Vereycken comme team-manager.

L’été dernier, à la présentation de l’équipe, Jonckheere répète l’objectif majeur : le titre derrière lequel Bruges court vainement depuis 2005.  » Tout sera fait pour cela « . Mais à la suite de la défaite à Courtrai dès le premier match, Luc Devroe, le bras droit du président, sème le trouble. Dans une interview, il met en question le travail du staff et augmente la pression : un gain de 12 points sur 12 et une qualification en Europa League sont désormais un must ! Bruges n’atteint ni l’un ni l’autre et les conflits internes se multiplient. Jonckheere fait alors appel à Bart Verhaeghe, un homme d’affaires et consultant qui avait déjà conseillé d’Hooghe et D’Hondt en 2008 dans le fameux projet du nouveau stade.

Les pratiques occultes ne sont pas neuves au Club

Le résultat de la radioscopie impose une intervention radicale ! L’étude établit la nécessité d’une structure dans laquelle le conseil d’administration, y compris le président, ne s’occupe plus des affaires courantes mais dans laquelle celles-ci sont confiées à un comité de management constitué de professionnels. A l’unanimité, le conseil donne mandat à Jonckheere pour l’exécution de cette formule et le nomme dès lors CEO. Devroe disparaît de cette nouvelle structure : il est le type de dirigeant qui se plie difficilement à cette discipline collégiale et préfère opérer à son gré. Vincent Mannaert (36 ans), juriste, ancien footballeur et dirigeant en fonction à Zulte Waregem, est débauché et devient manager général le 1er mars. Henk Mariman (avec son assistant Sven Vermant), jusqu’alors responsable de la formation des jeunes Brugeois, devient manager sportif avec mission de développer ses méthodes de travail au sein de l’équipe fanion et d’établir un meilleur scouting et recrutement. Mariman doit guider et déterminer l’ensemble du processus sportif.

En interne, l’application de ces nouveaux plans se déroule dans une certaine sérénité. En revanche, leur publication provoque pas mal de remous dans la presse. Ainsi, le président Jonckheere se sentirait humilié et aspirerait à  » une revanche « . Quinze jours plus tard, il lui est signifié qu’il ferait bien de prendre un congé sabbatique de six mois, alors que dans le même temps Verhaeghe est élu président.

On raconte que l’exclusion de Jonckheere aurait été manigancée en été au Mondial en Afrique du Sud où D’Hooghe avait invité plusieurs membres du conseil brugeois avec tous les égards garantis par la FIFA. Et que dès le mois de décembre 2010, la commission sportive avait déjà décidé du départ de Peter Van der Heyden, Geert De Vlieger et Carl Hoefkens.

Ces pratiques occultes ne sont pas neuves au Club : Jacky Mathijsen a récemment rapporté comment son départ avait été secrètement décidé en cours de saison avec Michel D’Hooghe mais devait être tu car il restait un ticket européen à conquérir… jusqu’au moment où il apprenait que Koster avait d’ores et déjà été engagé par Jonckheere et que son travail devenait dès lors pratiquement impossible. Le Club Bruges pouvait également se sentir visé de mauvaise gérance lorsque Francky Dury déclarait dans ces colonnes que beaucoup de bons entraîneurs sont les victimes de structures branlantes ou d’un manque de politique de continuité au sein de certains clubs. A Bruges, on parle volontiers de grande famille, d’ouverture et de franchise. Ce n’est pas toujours le cas. Dès lors, le nouveau président pourra-t-il tenir sa promesse de subordonner toutes les émotions et intérêts personnels au seul intérêt majeur du club ?

L’heure du grand chambardement

Depuis, le va-et-vient de responsables s’est accéléré à Bruges, notamment en com’.. Raymond Mommens, l’ancien Diable Rouge, actif dans le recrutement à Charleroi et Anderlecht, quitte Courtrai pour diriger la cellule de scouting, qui travaillera sous la direction du duo Mariman-Vermant. Cette cellule vient également de se développer en recrutant plusieurs anciens du club, ainsi Paul Okon (actif en Asie et en Océanie), Mario Stanic (Europe) et Rune Lange (Scandinavie).

Bruges devient également le premier club belge à engager plusieurs entraîneurs pour des tâches bien spécifiques. Aux côtés de Danny Verlinden, l’entraîneur des gardiens, d’autres anciens assisteront prochainement le T1 dans un travail spécifique. Philippe Clément, qui termine sa carrière au Germinal Beerschot, s’occupera des défenseurs. Stephane Van der Heyden, actuellement l’assistant de Peter Maes à Lokeren, héritera des médians. Kenneth Brylle, l’ex-pointe d’Anderlecht et de Bruges, se chargera des attaquants. Cette politique de rappel d’anciennes gloires du club n’est pas innocente. Elle a aussi pour mission de transmettre les vertus légendaires de la culture d’un club à la recherche de son âme.

Avec l’établissement d’une structure révolutionnaire, Verhaeghe opère un grand chambardement. Son discours est cohérent et semble être un homme de parole et d’action. C’est sans aucun doute la raison essentielle pour laquelle le conseil d’administration sous la présidence d’honneur de D’Hooghe l’a désigné. On peut néanmoins se poser des questions sur la véritable durabilité de la fonction. Verhaeghe est le président du conseil d’administration d’une association sans but lucratif et non pas l’actionnaire majoritaire d’une société anonyme. Dans ce cas, on sait comme le vent peut tourner vite. En 2009, Jonckheere était également aux yeux de D’Hooghe la meilleure solution à sa succession et avait été désigné à l’unanimité. Et quelle est l’endurance de Verhaeghe ? Lui, le consultant qui a mis ce grand chambardement en marche, dit n’avoir pas voulu cela et affirme que ce n’est pas son ego qui le guide…

Entre-temps, l’équipe brugeoise vise toujours une place dans les play-offs 1 et donc une qualification en Europa League. Mais au-delà du résultat final, on observera surtout comment les joueurs et dirigeants brugeois, frustrés et déçus de leur campagne, réagiront en fonction de la prochaine saison. Pour établir qui fera partie de la prochaine aventure.

PAR CHRISTIAN VANDENABEELE

A Bruges, on parlait volontiers de grande famille mais ce n’était plus le cas.

Comment Bart Verhaeghe, le nouveau président, pourra-t-il subordonner tous les intérêts personnels au seul intérêt du club ?

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