» Le Mondial POUR MOI « 

Prêt pour l’hiver.

Le cyclocross reprend bientôt ses droits. Dans sa villa à Baal, Sven Nys boite bas :  » Une douleur au genou gauche m’a contraint à l’abandon au Tour de Hesse. Les examens n’ont rien révélé mais je travaille avec un kiné « . Nys a presque tout gagné mais l’année dernière, son moteur s’est enrayé, après deux victoires en Superprestige. Au Mondial, il a abandonné à mi-parcours, victime de crampes.

Que s’est-il passé ?

Sven Nys : J’étais en pleine forme le 1er janvier. Un jour après, à St-Nicolas, j’ai couru mon dernier cross avant le championnat de Belgique. Plus rien n’allait. Ma forme s’est dégradée et j’ai touché le fond au Mondial. Après deux tours, ma cuisse gauche s’est contractée. Le kiné s’est rendu compte que j’étais un peu de travers sur mon vélo, sans doute à cause d’une chute à Coxyde. Une fois le muscle assoupli, j’ai encore gagné un Superprestige. Je ne voulais pas achever la saison sur une fausse note.

Vous avez dominé votre discipline mais l’an dernier, Bart Wellens, qui a modifié ses méthodes, a pris la relève. Cela doit faire mal.

Cela m’encourage aussi à repousser mes limites, à travailler mes points faibles. On verra bientôt ce que mon travail estival m’a apporté. Bart Wellens a été meilleur que moi, parfois de loin, mais dans certaines courses, je l’ai dominé. Je suis sûr de pouvoir encore prester mieux que lui.

Quelles faiblesses avez-vous travaillées ?

J’ai beaucoup couru : deux fois dix kilomètres par semaine, des intervalles avec des côtes et des accélérations. Je suis prêt à affronter des parcours où il faut souvent descendre de vélo alors qu’avant, je faisais tout pour rester dessus.

Selon Erwin Vervecken, votre technique de virage est phénoménale.

Parce que je suis en confiance sur mon vélo. J’ose rouler derrière un autre dans un bois comme derrière un vélomoteur sur route : à quelques centimètres de la roue. Je peux me lancer les yeux fermés dans un virage, sans freiner : si je dérape, je sais que je me redresserai. Je m’entraîne beaucoup dans les bois : à chaque passage, je prends les virages plus vite. De cinq à 15 ans, j’ai fait plein d’acrobaties avec mon vélo BMX.

Paul Ponnet a dit que cette période BMX vous avait valu un retard de condition.

En effet, car on pique sans arrêt des sprints : j’ai donc travaillé la résistance avant l’endurance, alors qu’on doit faire le contraire pour abaisser sa fréquence cardiaque. Maintenant, le moteur est bon. Depuis l’âge de 16 ans, celui de mes débuts en cyclocross, j’ai travaillé l’endurance. Paul Ponnet et un oncle m’ont appris à pédaler longtemps à un rythme cardiaque lent. J’avais 17 ans quand nous sommes allés en stage en altitude avec Eric de Vlaeminck. Parfois, j’arrivais en haut 20 minutes après le groupe. Eric, qui devait rester derrière moi, me trouvait très mauvais mais je conservais en fait un rythme cardiaque précis. Ce n’était pas facile : j’avais envie de suivre les autres, mais je savais ce que je faisais. Cette année-là, j’ai été champion du monde en Espoirs.

Quelle fréquence atteignez-vous en cross ?

Je suis constamment au-dessus de 180. Je suis dans le rouge à 183, donc durant toute la course. Si je suis vraiment bien, je passe les 190 pendant 20 minutes. Un coureur de cyclocross doit tenir une heure alors que sur route, il y a des périodes de récupération. Quand je prends le départ, je sais que je vais souffrir une heure. Si j’ai de l’avance sur les autres, je peux me gréer quelques moments de récupération mais quand on est deuxième ou troisième, on souffre vraiment beaucoup pendant une heure.

La saison dure cinq mois, sans répit. Comment vous y préparez-vous ?

La plupart se préparent en fonction de certaines courses ou périodes. Seuls Bart Wellens et moi restons toute la saison au top, parce qu’on nous y attend. J’abats beaucoup de kilomètres en été û 20.000 û et me soigne bien en hiver. J’essaie de prendre un peu de repos aux environs de la Noël car après, il y a une fameuse volée de cross durs. C’est pour ça que je n’ai jamais gagné à Overijse. En plus, nous ne sommes pas payés comme des routiers : je gagne ma vie grâce aux primes de départ et de classement. Je reçois tellement d’offres que je pourrais courir deux fois par week-end et dix jours d’affilée pendant les fêtes mais j’ai mes principes. Si un organisateur me veut, il me paie et je le lui rends. Je ne voudrais pas me livrer à 60 % alors que trois ou quatre mille personnes se déplacent pour me voir.

Pourquoi courez-vous sur route au printemps ?

Je ne l’ai pas fait cette année pour reprendre ma préparation le 1er avril, six semaines plus tôt que d’habitude. J’ai appris à lever le pied quand il le faut. Avant, j’étais naïf : je roulais cinq heures si mon programme le prévoyait, même si je me sentais mal. Le lendemain d’une course, je roulais trois heures, par plaisir. Paul Vandenbosch m’a fait comprendre qu’une heure et demie suffisait. J’ai besoin d’avoir le sentiment de tout faire pour mon sport, sinon je perds confiance. L’entraînement passe avant tout. Samedi dernier, j’étais le chauffeur d’un supporter qui se mariait. Avant, j’ai roulé 100 km. Quand je reviens d’un cross, à 11 heures du soir, je passe une demi-heure sur les rouleaux. Et je surveille mon alimentation. J’ai besoin d’être maigre.

Vous regardez souvent les vidéos de vos courses. Pourquoi ?

J’observe mes concurrents. Un regard, une attitude, en disent long sur leur état. Ainsi, en course, je reconnais les symptômes et juge leur condition. Evidemment, j’aime me voir gagner, surtout quand le dernier tour est passionnant. Le plus beau souvenir, c’est d’ailleurs le dernier tour du Mondial 2002 de Zolder : c’était tout ou rien. J’ai échoué en terminant deuxième mais je n’ai jamais eu de kick pareil. J’ai pu me sublimer.

Vous avez achevé la saison sur une fausse note, puisque Richard Groenendaal a gagné la Coupe du Monde le dernier jour, vos coéquipiers belges ne vous ayant pas gréé de place dans le top cinq. Vous avez dit :  » Plus jamais je ne ferai quelque chose pour l’équipe nationale « . Les plaies sont-elles cicatrisées ?

Je le sentais venir. Je n’ai pu suivre Groenendaal. Dans le dernier tour, j’ai pris la roue de Wellens. J’ai dû tout donner puis on a ralenti et cinq ou six hommes nous ont passés. J’ai crié : – Je dois être dans les cinq premiers ! Nul n’a réagi, ils roulaient pour me battre. Quand je revois les images, sur lesquelles ils regardent en arrière, pour être sûrs que je ne suis pas dans les cinq premiers, ça me fait mal.

Vous ne roulez plus avec l’équipe nationale dans les séries de la Coupe du Monde mais bien au Mondial. Serez-vous au service de la Belgique ?

Je roule le Mondial pour moi. Je veux encore être champion du monde une fois. Je n’offrirai ce titre à personne.

Vous avez été champion du monde en amateurs. Le titre chez les pros ne devient-il pas une obsession ?

Ce titre compléterait mon palmarès. Je peux encore gagner 15 fois le Superprestige, sans titre mondial, il restera toujours un manque. Evidemment, l’attente renforce le plaisir.

Loes Geuens

 » J’ai besoin d’être MAIGRE POUR PRESTER « 

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