LE MÉTÉORE

Le Russe est un joueur atypique qui préfère les discothèques aux salles de musculation.

Le jour où il avait humilié PeteSampras lors de la finale de l’US Open 2000, certains observateurs l’avaient sacré nouveau patron du tennis mondial. MaratSafin (26 ans aujourd’hui) avait tout pour rester au sommet : force, talent, physique, personnalité. Mais pour y parvenir, il aurait dû brider ses vices. Trop compliqué pour un garçon qui a fait plus de fermetures de discothèques que n’importe quel jeune de son âge, qui a gagné des tournois en sortant toutes les nuits jusqu’à quatre heures du matin et cassé plus de 40 raquettes lors de son année de grâce…

A ceux qui pensent qu’il doit son échec à son inlassable quête de conquêtes féminines, il répond qu’il a toujours eu plus de mal à leur faire quitter sa chambre qu’à les y faire entrer. Toujours est-il qu’au lieu de la première place du classement mondial conquise le 20 novembre 2000, il occupe la veille du début des Internationaux de Grande-Bretagne une fort anonyme 87e place.

Est-on en présence d’un talent gâché ? Après son énième défaite, il accepte l’interview et donne le ton en lançant :  » Pensez-vous que nous réussirons à avoir un entretien complet sans que vous me demandiez si je suis le seul capable de battre RogerFederer et RafaelNadal ? ».

Pari difficile à prendre à partir du moment où tous les techniciens le prétendent.  » Et bien moi, cela me fatigue. Qu’est-ce que cela veut dire que je suis le seul à pouvoir les battre ? Tout d’abord, d’autres y sont parvenus et je n’ai jamais joué contre Nadal. Je n’en ai rien à cirer de battre Federer et Nadal. Si le tirage au sort me met face à eux, j’essaierai mais je ne me lèverai pas en me disant que le but de ma vie est de les battre. Pour le moment, je pense avant tout à retrouver une bonne condition physique « .

Jusqu’ici, Safin a empoché 12 millions de dollars en prize-money. L’année dernière, une méchante blessure au genou l’a obligé à renoncer à la seconde partie de la saison. Cette année, son meilleur résultat est la demi-finale du tournoi de Valence mi-avril. Une telle blessure demande une longue période de revalidation. L’homme ne s’en cache pas, il trouve le travail en salle de gym plutôt ennuyeux. Dès qu’il a pu bouger, il a d’abord pensé à s’amuser :  » J’allais à la pêche, je me relaxais, je réfléchissais et je sortais comme n’importe quel garçon de 26 ans « .

 » Qui aime travailler gratuitement ? »

Ses résultats depuis le début de la saison ne sont pas terribles (il a été battu par Olivier Rochus à Dubaï et Halle). Safin ne semble pas plus affligé que cela. Il a beau prétendre que le tennis est son métier, que sans lui il serait sans le sou, que c’est ce qu’il fait de mieux et qu’on le paye pour le faire, on se demande si le tennis constitue encore une priorité dans sa vie. A moins que seul l’appât du gain ne parvienne à le motiver un peu.  » Qui aime travailler pour rien ? Gagner Wimbledon est fantastique, le trophée, les titres dans les journaux, la foule qui t’acclame, mais je crois que Nadal et Federer sont aussi contents d’amener à la maison un million d’euros en deux semaines. Faire quelque chose que tu adores et être payé pour le faire est une grande chance. Ce que je n’aime pas, c’est d’être jugé sur la qualité de mon entraînement, sur ce que je devrais faire ou devrais être. Et puis, le tennis est un sport honnête, tu empoches sur la base de ce que tu gagnes, bref on ne vole rien « .

La lutte pour la première place mondiale semble manifestement de l’histoire ancienne :

 » C’est facile de dire que je suis prêt à gagner un tournoi du Grand Chelem et de mettre Federer de côté pour dominer le tennis mondial. Mais au décompte final, on ne t’offre pas un point pour avoir sorti de belles paroles. Cela n’a aucun sens de déclarer certaines choses et puis de se faire sortir au premier tour. Les techniciens pensent que je peux redevenir numéro un mais qu’est-ce que cela leur coûte ? »

Esprit critique ou pas, Safin ne forge pas les résultats que l’on a le droit d’attendre d’un garçon doué comme lui. Il n’aime pas perdre mais à peine termine-t-il un match, qu’il se déconnecte du monde du tennis, pense à ceux qu’il aime et se rappelle qu’il a une autre vie :  » J’ai 26 ans et les huit derniers je les ai passés sur le circuit. J’ai été le numéro un mondial et je sais ce qu’il faut faire pour rester au sommet et surmonter les moments négatifs. Mais je ne suis pas frustré après avoir perdu un match. Je suis plus mûr. Je vois les choses d’une autre manière : tant mieux si je gagne. Si je perds, je ne m’enferme pas dans ma chambre d’hôtel pour y pleurer. Je me dis que la semaine prochaine j’aurai une nouvelle chance « .

LORENZO CAZZANIGA, ESM

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