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Le Messie de Rotterdam

Après un départ catastrophique, Feyenoord est arrivé en finale de la Coupe et restait même en lice pour le titre, avant l’interruption de l’Eredivisie. Avec les salutations d’un septuagénaire en forme : Dick Advocaat.

Au début de l’année passée, nul au Kuip ne pensait à Dick Advocaat. C’était fin janvier et en fin d’exercice, après quatre ans, Giovanni van Bronckhorst allait quitter le club. Son mandat avait été excellent. Un titre, deux Coupes, ainsi que deux Supercoupes. L’enfant de la ville a pourtant vécu des premiers mois difficiles. Après sept défaites d’affilée au début de sa première saison, il a été à deux doigts d’un renvoi, mais le directeur technique Martin van Geel a eu une idée : Dick Advocaat allait conseiller Van Bronckhorst, avec lequel il avait travaillé aux Glasgow Rangers et en équipe nationale pendant la carrière de joueur de celui-ci.

Je n’explique pas. J’annonce.  » Dick Advocaat

Dès qu’Advocaat l’a épaulé, Feyenoord n’a plus perdu de match.  » Pouvoir discuter métier avec quelqu’un pendant cette période a été positif. Dick a vraiment bien appliqué le principe de caisse de résonance et je lui en suis toujours reconnaissant « , a déclaré Gio lors de ses adieux. Cependant, quand Advocaat semble être le premier candidat à sa succession durant l’été 2019, les réseaux sociaux et les programmes TV tirent à boulets rouges : il est trop vieux, dépassé.

Advocaat est effrayé par ces réactions et repousse les offres. Mais même après l’embauche étonnante de Jaap Stam, il laisse la porte entrouverte. Il est accro au football et au métier d’entraîneur. En novembre 2004, il a signé au Borussia Mönchengladbach pour deux ans et demi. Il a annoncé que ce serait sa dernière mission. Il était temps de prendre sa retraite.

Après avoir quitté Die Fohlen, il a pourtant enchaîné les mandats : Émirats arabes unis, Corée du Sud, Zenit Saint-Pétersbourg, Diables Rouges, Russie, PSV, AZ, Serbie, Sunderland, Feyenoord (conseiller), Pays-Bas (adjoint), Fenerbahçe, Pays-Bas, Sparta Rotterdam et Utrecht. Quinze équipes en quinze saisons après avoir annoncé ses adieux.

En octobre dernier, quand Stam a jeté l’éponge à Feyenoord, il a entamé un nouveau chapitre, à 72 ans, en précisant comment il comptait réanimer Feyenoord :  » Je n’explique pas, j’annonce.  » Les Rotterdamois s’embourbaient en Eredivisie, à la douzième place, sans espoir d’amélioration.

PAS DE COMPROMIS

Dès le premier jour, Advocaat a refusé tout compromis. Eric Botteghin en a fait l’expérience. Avant le premier match sous la direction d’Advocaat, au VVV Venlo, il s’est légèrement blessé aux ischiojambiers. Le Brésilien a voulu attendre l’échauffement avant de prendre une décision mais l’entraîneur a refusé :  » Ceux qui ne sont pas à 100% ne jouent pas.  »

Feyenoord s’est imposé 0-3 à Venlo. C’était la 176e victoire d’Advocaat au poste d’entraîneur en Eredivisie, une de plus que Rinus Michels, son mentor, qui l’avait enrôlé comme adjoint en équipe nationale en 1984. Un maître qu’il a toujours admiré et qu’il a toujours appelé  » Monsieur Michels « , jusqu’au décès de celui-ci en 2005. Un entraîneur qui, comme lui, était un maniaque de la discipline et de l’organisation. Le Général mesurait 1m86. Dick, qui ne mesure que 1m71, a donc été surnommé le Petit Général.

Les longues séances, souvent organisées deux fois par jour, ont été remplacées par un entraînement court mais intense, avec des petits matches et de nombreux duels. Ceux qui ne pouvaient pas suivre ont été écartés. Sans pitié. Ça a renforcé l’image d’un entraîneur distant mais Advocaat contre la critique.  » Je parle beaucoup à mes joueurs, mais de la façon dont ils doivent jouer. Pas sur la manière dont ils ont passé les fêtes de Noël.  »

Il ne manque toutefois pas de coeur. Juste avant le match à Porto, il a eu les larmes aux yeux en annonçant au groupe que le responsable du matériel, Carlo De Leeuw, était en train de perdre son combat contre le cancer. Quelques mois plus tard, après avoir appris son décès, les joueurs se sont battus pour chaque mètre dans le match de Coupe à Heerenveen (0-1).  » Nous ne pouvions pas perdre « , a déclaré Steven Berghuis.  » C’est ça, Feyenoord. Un groupe extrêmement soudé qui peut surmonter un contrecoup.  » Un club qui se relève quand il le faut.

DES JEUNES TALENTS

Le nouveau T1 a misé sur plus de sécurité en défense, car Feyenoord encaissait trop de buts. Advocaat voulait jouer de manière moins dominante et a opéré un pressing plus bas, réduisant ainsi les espaces dans le dos de ses défenseurs et permettant à Feyenoord d’être plus tranchant à la reconversion.

Marco Senesi, un international argentin qualifié  » d’achat raté de six millions  » en début de saison, s’avère tout d’un coup fiable au centre de la défense. Désormais en forme, Rick Karsdorp, prêté par l’AS Rome, montre désormais chaque semaine pourquoi le club italien a versé seize millions pour l’arrière droit à Feyenoord, à l’époque.

Orkun Kökcü, âgé de 19 ans, est resté au centre de l’entrejeu. C’est un des plus grands talents issus de l’académie du club et il détient les clés de l’avenir. Selon le Daily Mail, Rotterdam a dit à Arsenal que le jeune médian, qui n’a encore que trente matches au compteur, coûterait 26 millions. Le jeune international turc est sous contrat jusqu’en 2023 et préférerait rester un an encore à Rotterdam mais résistera-t-il au jackpot ? Et son club ?

Advocaat a en fait consolidé les fondations qui étaient déjà en place à son arrivée. Ozguhan Özyakup n’a pas hésité un instant quand Advocaat a souhaité l’attirer au Kuip en janvier.  » J’ai fait une croix sur beaucoup d’argent mais ce n’était pas l’essentiel. J’ai suivi mon instinct « , a expliqué le médian de 27 ans (43 caps pour la Turquie), ancien capitaine du Besiktas.

 » Feyenoord est en train de corriger ses erreurs et ça prend du temps mais il recèle des talents. Ce club doit lutter pour le titre chaque saison. L’Ajax s’est envolé, comme l’AZ. Mais ça ne peut plus se produire « , a déclaré Advocaat pendant la trêve hivernale, alors qu’il était cinquième avec treize points de retard. Moins de deux mois plus tard, après une série de quatorze matches sans défaite, il n’accusait plus que six unités de retard sur les clubs d’Amsterdam et d’Alkmaar.

Avec les salutations d’Advocaat, l’homme des extrêmes, qui a été reçu en audience par Vladimir Poutine, qui mesure un centimètre de moins, et a fait à cette occasion une remarque devenue légendaire :  » Vous voyez bien que les hommes de petite taille peuvent aussi avoir du succès… « 

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