Le MENTOR

On ignore beaucoup de l’homme qui se cache derrière la réussite de Justine Henin. Un homme qui dissimule derrière son sourire angélique une volonté de fer ainsi qu’une vision très pointue du tennis.

Indissociablement lié à son élève, Carlos Rodriguez (41 ans) a beaucoup roulé sa bosse avant de lier sa destinée à celle de la numéro un belge. Il s’est occupé tour à tour de Dick Norman, d’ Olivier Malisse (le frère de Xavier), d’ Olivier et de Christophe Rochus, de Dominique Monami et de Vanessa Matthys avant de découvrir, un beau jour de l’hiver 1995 un petit bout de femme qui tapait la balle comme personne à son âge.

 » C’était lors d’un tournoi de sélection nationale. Justine battait des filles d’un voire deux ans plus âgées qu’elle. Comme beaucoup, j’ai tout de suite vu le talent et l’exceptionnelle force de caractère qu’elle possédait « .

Il intervient auprès d’ Eduardo Masso, ancien joueur argentin comme lui et alors directeur sportif du centre d’entraînement francophone, pour que la joueuse vienne parfaire ses gammes à Mons.  » Dès qu’elle est arrivée, le courant est tout de suite passé « , raconte encore Rodriguez, qui quitta son pays en janvier 1988 pour ne plus jamais y retourner.  » Son tennis était exceptionnel pour une gamine de 14 ans mais il lui manquait la discipline indispensable à son talent « .

Dès qu’il commence à travailler à plein temps avec elle, en juin 1996, Carlos apprend quelques règles de base à la petite Justine, comme arriver à l’heure aux entraînements ou regarder les gens dans les yeux lorsqu’elle leur parle.  » J’ai été très dur avec elle mais notre relation a toujours été basée sur le respect mutuel « , poursuit celui qui est devenu aujourd’hui beaucoup plus qu’un coach.

Lorsqu’elle gagne un tournoi, Henin ne manque jamais de remercier Carlos. A Paris, elle lui dédia même publiquement son trophée.  » Tu es l’un des seuls qui ne m’a jamais laissé tomber « , dit-elle devant 16.000 personnes ébahies.

Victime, comme sa pupille, d’une jeunesse tourmentée, Carlos fut aux premières loges lorsque Pierre-Yves Hardenne arriva dans la vie privée de la jeune fille. Peu de temps après la rencontre avec le garçon qui deviendrait vite son époux, Henin rompit tout lien avec son père, ses frères et même sa s£ur cadette.  » Ce fut une période très difficile pour Justine « , intervient Rodriguez.  » Je l’ai aidée sans condition parce qu’en dehors de Pierre-Yves et de moi-même, elle n’avait pas grand monde. Mais elle est devenue aujourd’hui une fille autonome, qui prend elle-même ses décisions et les assume « .

Marié en secondes noces à Elke, qu’il rencontra alors qu’il disputait un tournoi à Eeklo en septembre 1990, Carlos est père de deux enfants, Manuel et Matteo, le petit dernier dont Justine est la marraine.

Il fête les titres de Justine avec sa famille

 » Je n’aime pas l’euphorie qui suit les victoires « , avoue-t-il.  » Je n’ai pas été habitué à être heureux dans mon enfance, le bonheur me fait peur. Mon euphorie à moi dure en général pendant les deux minutes qui suivent la balle de match. La vie n’est qu’une succession de joies et de moments durs. Voilà pourquoi je fuis les mondanités et les festivités qui suivent les victoires. Pour fêter un titre, j’aime me retrouver avec ma femme et mes enfants. On peut boire un verre pour fêter ça mais mon vrai bonheur, c’est d’être avec eux « .

S’il a souvent tendance à minimiser son rôle ( » Avec Justine, je ne fais rien d’exceptionnel, rien que mon travail), Carlos est conscient que sans lui, le tennis de son élève serait resté timoré et qu’elle n’aurait jamais remporté quatre tournois et 24 matches consécutivement depuis son retour à Miami, en mars dernier.

Doté d’une énorme science du jeu, Rodriguez passa en revue tous les coups de sa joueuse. Il lui fit travailler son service, devenu une arme sur laquelle elle peut se reposer sur les points importants aussi. De superbe (combien de fois n’a-t-on pas entendu qu’il était le plus beau du monde ?), son revers s’est mué en coup à multiples variations qui lui permet de diriger l’échange. Quant à son coup droit, il est devenu lourd et profond et rapporte beaucoup de points.

Parce que Henin ne possède par un physique impressionnant, Rodriguez comprit très vite l’intérêt qu’il y avait à émigrer vers la Floride où travaille un certain Pat Etcheberry, véritable cador mondial du conditionnement physique des champions en tous genres.

Les succès futurs de la championne olympique passent aussi par le filet pour finir le point. Carlos :  » Justine a une superbe volée qu’elle n’exploite pas suffisamment et qui lui permettrait d’abréger les échanges et de s’économiser. Si son corps est capable de produire de très gros efforts, il a également besoin d’être ménagé « .

Florient Etienne

 » LE BONHEUR ME FAIT PEUR. Mon euphorie à moi dure en général pendant les deux minutes qui suivent la balle de match  »

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