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 » Le meilleur entraîneur d’un joueur, c’est lui-même « 

L’EURO U17 débute le 3 mai en Irlande. La Belgique, entraînée par Bob Browaeys, y participe.  » La sérénité, c’est aussi important que le jeu.  »

Les journées de Bob Browaeys (49) sont chargées. L’entraîneur de l’équipe nationale U17 est dans la dernière ligne droite de la préparation d’une nouvelle phase finale. Malgré son emploi du temps chargé, il nous accueille devant un café afin d’évoquer les ambitions de la Belgique après la médaille de bronze au Mondial 2015 au Chili, de la fausse image qu’on peut se faire d’une génération dorée et de la vision à long terme. Browaeys croit fermement en les qualités d’un groupe de joueurs qui, espérons-le, surfe sur la vague du succès.

LA GÉNÉRATION ACTUELLE ET L’EURO

Bob Browaeys :  » Ce sera avant tout une expérience unique pour chaque joueur. C’est un championnat purement dédié à une année de naissance spécifique, les 2002. Tous les joueurs de cet âge veulent atteindre un tel objectif. Je les incite donc avant tout à profiter du moment présent. De plus, c’est une belle ligne sur leur CV et ils pourront profiter de cette expérience en U19, en U21, voire en équipe A. Ils ont beaucoup à apprendre en Irlande et il doivent être sainement ambitieux. C’est la partie visible de l’iceberg, du sport de haut niveau pour les jeunes à l’état pur.

Le rôle d’un entraîneur, c’est aussi de veiller à ce que les joueurs affichent le bon état d’esprit. Leur insuffler de la sérénité, c’est aussi important que le jeu en soi. Mais tout s’est très bien passé sur la route de l’Irlande. Nous avons fait deux fois neuf sur neuf et – très important – nous avons pris très peu, voire pas de cartes jaunes. Nous nous sommes dès lors retrouvés dans le pot A, ce qui nous a permis d’éviter les meilleures équipes au tirage. En théorie, nous avons donc des matches jouables, même si tout est relatif en équipe d’âge car les équipes se valent.

A l’EURO, nous repartons de zéro. C’est ce qu’ils apprennent ici : ne pas se sous-estimer ou se surestimer car il n’y a pas de match facile ni de match difficile. C’est la plus grosse erreur qu’un entraîneur puisse commettre : faire croire à ses joueurs qu’un match sera facile ou difficile. Le football est un jeu où tout est possible. Il faut toujours vouloir gagner. C’est crucial pour les jeunes.

Une telle expérience à l’étranger, ça inspire. Seize pays dans un hôtel où il y a tout ce qu’il faut et l’UEFA qui gère de A à Z. Après une telle expérience, les joueurs seront définitivement des gagneurs. Ils vont progresser, personne ne pourra leur enlever cela. Le noyau est resté relativement cool après la qualification. Je crois même que les membres du staff étaient plus euphoriques. Ils ont la tête bien sûr les épaules mais ils sont concernés.

La demi-finale et la médaille de bronze décrochée au Mondial 2015 au Chili nous motivent. Heureusement, quatre joueurs du noyau ont déjà participé à un EURO l’an dernier. Il s’agit de Tibo Persyn, Maarten Vandevoordt, Jeremy Doku et Killian Sardella. Ils sont arrivés en demi-finale ( la Belgique s’est inclinée devant l’Italie, qui a ensuite perdu la finale face aux Pays-Bas, ndlr) et ce sont eux qui apportent de la sérénité à leurs équipiers.  »

Sur le temps que nous formons un talent, l’Allemagne en sort dix.  » Bob Browaeys

LA RÈGLE DES 100 %

 » Nous y allons progressivement avec les joueurs. La fédération a un système de détection du talent depuis les U14 et il fonctionne bien. L’EURO U17 marque la fin d’un premier cycle en trois volets. Après, il y aura les U18-U19 puis les U20-U21. C’est un avantage car on ne doit pas chaque fois tout recommencer. Il faut juste mettre l’accent sur des points différents en fonction de l’âge, sur base de ce qui a été construit lors du cycle précédent.

C’est ainsi qu’en U16, on travaille surtout les principes de jeu, la création d’une identité. Par la suite, lors des matches et des tournois, nous apprenons aux joueurs à analyser leur adversaire, tant individuellement que collectivement. Mais sans rien leur imposer. On remarque qu’à leur âge, consciemment ou non, chacun prépare déjà son match à sa façon.

J’ai un leitmotiv : la règle des 100 %. Il faut faire tout ce qu’on entreprend avec attention et conviction : se reposer à 100 %, s’entraîner à 100 %, suivre la théorie à 100 %… Ce n’est que comme ça qu’on peut vraiment se préparer à un match. Cet état d’esprit se travaille chaque jour. Les joueurs doivent s’observer mutuellement. Il faut des leaders qui tirent le groupe ou quelques équipiers.

Le staff y contribue également par le biais des entretiens individuels. C’est une sorte de titre de propriété que chaque joueur doit porter avec lui, comme les pros. Car finalement, le meilleur entraîneur, c’est le joueur lui-même. Il doit se lancer des défis et être encouragé par son entourage. C’est pourquoi je leur répète constamment qu’ils doivent se coacher mutuellement, se motiver positivement.

Ce qui me dérange, ce sont les joueurs qui, en raison de facteurs externes, n’exploitent pas tout leur potentiel. L’impact des agents, des entraîneurs qui n’y croient pas, etc. Je me dis qu’il faut toujours leur laisser une chance mais ce n’est pas à moi de faire l’équipe des clubs, évidemment. Dans une telle situation, il peut être intéressant de reculer pour mieux sauter. A 20 ans, mieux vaut jouer chaque semaine à Dender que se retrouver sur le banc n’importe où ailleurs. Avec un peu de chance, on se fait repérer par un scout ou on devient directement professionnel.  »

LA VISION 2000 ET CRUIJFF

 » La détection et le développement du talent sont mes chevaux de bataille. Contrairement à ce qui se passe en Allemagne, en France, en Espagne ou en Angleterre, il est crucial pour la Belgique d’identifier le potentiel des joueurs. Aux Pays-Bas aussi et, en ce qui concerne le rapport qualité/quantité, le Portugal est pratiquement à notre niveau. Car pour le dire platement : sur le temps que nous formons un talent, l’Allemagne en sort dix.

Nous ne pouvons donc pas nous permettre de gaspiller le moindre joueur doué. C’est pourquoi, depuis la fin des années ’90, nous insistons sur un bon fonctionnement, basé sur une nouvelle idée : la vision 2000, au sein de laquelle les clubs et la fédération collaborent étroitement.

Tout dépend donc de la vision et de la structure. L’idée a surgi au moment de la Coupe du monde 1998 et de l’EURO 2000. A l’époque, l’équipe belge manquait de créativité. Nous avions bien Luc Nilis et Marc Degryse, mais c’était trop peu pour rivaliser avec les meilleurs. Il fallait se ressourcer. C’est alors que nous avons jeté les bases de la pyramide.

Les Pays-Bas et la France pratiquaient un football dominant, nous sommes donc allés voir ce qu’ils faisaient. Nous avons fait table rase du passé et nous avons créé un ADN belge, dont les Diables Rouges sont aujourd’hui le porte-drapeau. Nous avons remis l’accent sur l’amour du ballon : beaucoup de touches de balle, beaucoup de dribbles. Il fallait que les joueurs se sentent à l’aise en possession de balle.

Quand on fonctionne bien, on sort de bons joueurs. Les ambitions font partie du lot. C’est pourquoi vous ne m’entendrez jamais dire que je veux que nous soyons à nouveau en tête du classement FIFA dans quinze ans. Quand on est un petit pays, la politique est plus importance que l’excellence sportive. Même si, en principe, l’un entraîne l’autre. J’aime qu’on pense collectivement.

L’URBSFA, Voetbal Vlaanderen, l’ACFF, la Pro League et les clubs amateurs sont tous sur la même longueur d’ondes. C’est une vision à très long terme. Au Moyen-Age, l’architecte qui dessinait une cathédrale mettait la structure sur papier mais il ne voyait jamais le résultat final. Le plan à long terme primait sur les intérêts personnels.

D’un point de vue footballistique, nous nous sommes basés sur l’école Cruijff. Construire de l’arrière et presser haut en 4-3-3 plutôt qu’un système fermé et un rôle crucial pour les petits clubs. Car ce sont eux qui recrutent les gamins à six ans. Et on ne peut pas nier qu’à cet âge, les enfants sont égocentriques. Ils veulent dribbler. C’est pour cela que nous avons lancé le 2 contre 2 puis le 3 contre 3, le 5 contre 5, le 8 contre 8 et, enfin, le 11 contre 11 avec les losanges, qui permet les passes en diagonale et les duels directs. Ce n’est pas en jouant le contre qu’on forme des joueurs.

Depuis, les Pays-Bas ont repris notre idée. Nous pouvons en être fiers mais il ne faut pas non plus s’en vanter. Même si on ne sait pas à quoi ressemblera le football dans dix ans, on peut déjà commencer à penser à 2025, voire à 2030. La fédération a un double rôle à remplir à ce niveau. D’une part, elle doit inspirer les clubs. De l’autre, elle doit être à l’écoute des nouvelles tendances. Elle doit aussi collaborer avec les écoles de sport de haut niveau. C’est l’esprit collectif dont je parlais.  »

LE RETOUR DES PETITS

 » Si on veut que tout le monde tire à la même corde, il faut une certaine équité. Chacun mérite une chance d’évoluer dans le football, qu’il soit très talentueux ou pas. Ça fait partie de l’éthique de base. Le football, avant d’être une question de victoire, c’est avant tout du plaisir. C’est pourquoi des initiatives comme le handifoot et le foot féminin apportent une plus-value aux fédérations.

Le lancement du projet d’équipes Tard Mature cadre avec ce principe d’égalité des chances. Nous avons pris Dries Mertens pour exemple. C’est le prototype même du joueur qui a mûri sur le tard. Pendant sa formation à l’école de sport de haut niveau, on a vu qu’il était courageux. On n’a donc pas été surpris de le voir éclore. Mais pendant très longtemps, il est resté petit. Nous avons constaté que les joueurs de ce genre n’étaient pas bien encadrés et nous avons lancé les équipes Tard Mature, où des joueurs comme Maarten Martens et Yannick Carrasco ont reçu leur chance.

Cela s’est avéré être l’étape suivante dans la formation de joueurs plus créatifs. La FIFA a appelé ça Le retour des petits. Des joueurs comme Lionel Messi, Xavi et Andrés Iniesta. Les joueurs qui mûrissent lentement sont, par nature, plus créatifs. C’est un peu une lutte pour la survie. Ils se heurtent souvent à des joueurs plus costauds, ils doivent donc trouver des solutions, être plus malins. Ils forment la base de la nouvelle évolution du football. Ils sont doués techniquement, jouent au sol, monopolisent le ballon.

Après une telle expérience, les joueurs seront définitivement des gagneurs.  » Bob Browaeys

Aujourd’hui, il existe un tournoi pour U16 Tards Matures, avec un colloque auquel prennent part différents pays. Il est difficile de tirer un bilan car on ne sait pas si ces joueurs n’auraient pas de toute façon percé sans ce soutien. Mais bon, le Danemark, la République tchèque et les Pays-Bas nous suivent désormais, ce qui veut dire que ça interpelle. L’Irlande n’a pas bien compris : elle est venue avec une équipe B.

Dans 90 % des cas, les joueurs qui ont le plus grand potentiel sont découverts très tôt. Thomas Meunier constitue peut-être une exception mais il a tout de même été formé en grande partie au Standard. Quand un joueur redescend de niveau par la suite, il disparaît momentanément du radar. Le système n’est donc certainement pas infaillible mais nous faisons de notre mieux pour ne pas perdre de vue des joueurs comme Meunier.  »

Programme

3 mai, 13h

République tchèque – Belgique

Tolka Park, Dublin

6 mai, 18h

Belgique – Grèce

City Calling Stadium, Longford

9 mai, 20h

Belgique – Irlande

Tallaght Stadium, Dublin

Tibo Persyn
Tibo Persyn© PHOTONEWS

sélection

Gardiens

Maarten Vandevoordt (KRC Genk)

Senne Lammens (Club Bruges)

Défenseurs

Yunus Bahadir (KRC Genk)

Killian Sardella (Anderlecht)

Ibe Hautekiet (Club Bruges)

Hugo Siquet (Standard)

Rob Nizet (Anderlecht)

Médians

Marco Kana (Anderlecht)

Tibo Persyn (Inter)

Wouter George (Gand)

Killian Sardella
Killian Sardella© PHOTONEWS

François Xavier Engolo (Standard)

Mathias De Wolf (Club Bruges)

Ameen Al-Dakhil (Standard)

Samuel Asoma (Club Bruges)

Anouar Ait El Hadj (Anderlecht)

Jérémy Landu (Standard)

Attaquants

Jeremy Doku (Anderlecht)

Chris Kalulika (Anderlecht)

Franck Idumbo-Muzambo (Gand)

Thibo Baeten (Club Bruges)

 » Parler de génération dorée, c’est réducteur  »

Bob Browaeys :  » Ce que les Diables Rouges ont fait est phénoménal mais c’est une longue histoire. Honnêtement, je trouve que parler de génération dorée, c’est réducteur. C’est un peu diminuer le mérite de notre formation car le succès n’est pas seulement dû au hasard. Nous travaillons de façon spécifique suivant un plan en trois volets. Le premier objectif est purement sportif et les Diables Rouges 2019 constituent évidemment un bel exemple pour les jeunes. Un joueur qui veut y arriver doit avant tout rêver d’aller le plus loin possible. Il ne peut être véritablement content que s’il a tiré le maximum de sa carrière.

Pour inspirer les joueurs, je leur montre parfois des photos des Diables Rouges. Ils ont acquis une certaine réputation mais je tiendrais le même discours si la Belgique n’avait pas terminé troisième de la Coupe du monde. Indépendamment de l’occupation de terrain ou du système de jeu, un supporter neutre doit pouvoir voir immédiatement que c’est la Belgique qui joue. Il faut monter sur le terrain avec un ADN déterminé et le répandre en dehors.  »

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