Le Medved montois

L’arrière droit des Dragons et ses équipiers recevront le Standard avec ambition.

Son nom et son prénom viennent de loin, de Pologne, mais il est d’abord un Hennuyer et n’a jamais porté les couleurs d’un club d’une autre province: Hornu, Sporting de Charleroi, Francs Borains, Mons. A près de 26 ans, il découvre enfin l’élite mais garde la tête sur les épaules et un travail à mi-temps à l’Office central des achats de la Province du Hainaut.

Thaddée Gorniak construit sa vie avec la même patience nécessaire pour retaper une maison récemment acquise. Mons met aussi la main à la pâte. Pas seulement pour étayer son équipe. Les corps de métiers se multiplient au Stade Tondreau afin de rafraîchir le secrétariat, les corridors, les salles de réceptions avant la visite du Standard.

« C’est un match que toute la région attend avec impatience », dit Thaddée Gorniak. « Les anciens du groupe se souviennent tous de notre voyage en Coupe de Belgique à Sclessin. Mons y fut héroïque. Les Rouches sont toujours le porte-drapeau du football wallon… »

On imagine ce que ce choc représentera aussi pour le coach, Marc Grosjean, qui joua en équipe de jeunes, et des anciens de Sclessin: le capitaine Liviu Ciobotariu et Olivier Suray. Le Standard garde beaucoup de supporters à Mons et à travers tout le Borinage.

« Après trois matches de championnat, notre équipe sait désormais où elle en est »,affirme l’arrière droit de Mons. « Les débuts à Beveren furent difficiles mais nous savons désormais à quoi nous en tenir. Ce ne sera pas aisé mais ce groupe a suffisamment de qualité afin de se maintenir au plus haut niveau du football belge ».

Pourtant, Mons n’est pas un long fleuve tranquille. L’Albert a vécu ses crises de croissance à travers le départ de Thierry Pister, la mise à l’écart de Maurice Lafosse (ancien bourgmestre et président du RAEC), les tensions entre Michel Wintacq et Marc Grosjean, les coups de gueule du président Dominique Leone. L’expérience de Jean-Claude Verbist (directeur du club) et de Geo VanPyperzeele (directeur sportif) auront été nécessaires afin de garder la Maison du Peuple ( d’Elio Di Rupo, maire de Mons, président du PS) au milieu du village.

« Cela prouve aussi que ce club vit intensément sa nouvelle aventure et n’entend pas être un oiseau pour le chat », avance Thaddée Gorniak. « C’est important pour nous mais surtout pour la région. Le football lui a rendu le sourire et la certitude que tout est possible quand on le veut. Mons et le Borinage se montrent ainsi sous leurs meilleurs aspects. Il y a tant de belles choses à découvrir chez nous. Le foot nous permet de les mettre en vitrine… »

Travail à mi-temps

Un des plus gros problème semble être résolu: la sauce a pris entre les anciens et les nombreux nouveaux venus. Pas évident au départ car la vieille garde, celle qui força les portes de l’élite a cru, en été, qu’on ne la considérait pas à sa juste valeur. Le temps a déjà fait son oeuvre et face à Westerlo, par exemple, Marc Grosjean fit même appel à une large majorité d’éléments ayant participé aux batailles de D2.

« Ce débat n’est plus de mise car toutle monde a tout à gagner dans l’unité « , avance Thaddée Gorniak. « Les anciens veulent s’imposer en D1 et les renforts entendent y relancer leur carrière. Nous connaissons la mentalité montoise , ils nous apportent leur vécu parmi l’élite ».

Un exemple parmi d’autres: le duo Liviu Ciobotariu- Mustapha Douai. L’international roumain offre son métier aux jeunes, « Mous » est transfiguré par rapport au joueur réservé qu’il était à Charleroi. Dans la ligne médiane, Eric Joly fait du bien à tous ceux qui l’entourent. L’échange existe même si les trois coups firent mal à Beveren.

« Ce furent des débuts pénibles », confie l’arrière montois. « L’équipe n’était pas bien positionnée sur le terrain. Or, en D1, le réalisme prime et la moindre erreur se paye cash. J’ai eu droit à ma part de reproches. Ils étaient justifiés mais je trouvais exagéré qu’on m’indique du doigt. C’est cela, pourtant, la D1 avec une médiatisation qu’on ne connaissait pas en D2. Après cette première ratée parmi le gratin du foot belge, nous avons vécu une semaine difficile avant de bien réagir face à Westerlo ».

On vit alors le vrai Thaddée Gorniak, solide et entreprenant sur son flanc droit, mettant le nez à la fenêtre au bon moment, attentif à l’égard de son adversaire direct comme Marc Grosjean l’exigeait. Son style fait un peu penser à celui de Dirk Medved. La D1, il aime mais fait preuve de grande sagesse dans ses propos et ses émotions. Il ne lit pas cent fois ce qu’on écrit à son propos, ne regarde pas le foot à la télé jour et nuit.

« J’ai besoin de m’aérer et de penser parfois à autre chose qu’à mon sport », dit-il. « Cela me fait du bien et travailler à mi-temps est une bonne chose. C’était aussi une option financière. En ne mettant pas, ainsi, un peu de beurre dans les épinards, j’aurais moins bien gagné ma vie qu’en D2 où je combinais le foot et mon job à temps plein ».

Sa prudence s’explique aussi par les problèmes économiques de la région. Il vaut mieux ne pas mettre tous ses oeufs dans le même panier. Alors, quand on a du boulot, on le garde car après tout le football est parfois aussi incertain que la Bourse.

Venus de Pologne

Attaché à son terroir, Thaddée Gorniak n’entend pas le quitter. Ses grands-parents y plantèrent leur racines. Originaires de Pologne, ils furent déportés dans des camps de travail. Leur pays étant ensuite passé sous l’orbite communiste, ils se fixèrent en Belgique.

« Ils envisageaient de se rendre au Canada mais s’arrêtèrent au Grand Hornu », raconte Thaddée Gorniak. « Mon père y est né en 1946 ».

C’est un peu le même destin qu’une autre famille d’origine polonaise: les Czerniatynski. Thaddée ne parle pas polonais et le regrette un peu. Il ignorait que des soldats polonais intégrés à l’armée américaine avaient héroïquement participé à la libération de villes flamandes en 1944 avant de se diriger vers le Rhin. Ses yeux brillentet ne cachent pas une certaine fierté face à ces faits historiques.

« Les Polonais sont très connus et même réputés pour leur courage et leur ardeur au travail », souligne-t-il. Thaddée a deux frères, Romuald et Hugues, ainsi qu’une soeur, Dorothée. Romuald a joué aux Francs Borains et à Mons et milite depuis lors dans de petits clubs.

« J’ai encore joué avec lui aux Francs Borains en D3 », se souvient Thaddée. Hugues taquina également le ballon au coeur du Borinage avant de raccrocher ses godasses de football. Le ballon rond est le credo de la famille Gorniak, qui assistera certainement au grand complet à Mons-Standard…

Pierre Bilic

« Le football a rendu le sourire à notre région »

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