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LE MÉCÈNE ET LES ARBRES

Le paysage du football national belge a cette particularité d’être composé de clubs basés dans des tout petits villages. Deuxième volet de cette balade à Givry, plus petite entité à posséder un club en D2 amateurs.

La région de Bertogne a des allures de Canton de l’est canadien. Rouges, oranges, jaunes ou verts, les arbres de cette petite commune luxembourgeoise sont absolument fantastiques en cette fin octobre. Surplombant ces étendues de verdure, Givry abrite paisiblement 372 âmes. Sur le dessus du village, une petite ruelle anodine est gardée avec circonspection par un duo chien-chat. Chassés après quelques instants par la maîtresse des lieux, ils retournent vaquer à leurs occupations dans la ferme qui les abrite. Cette même exploitation doit vivre au rythme du calendrier des voisins pour éviter que la besogne soit perturbée par l’arrivée de quelques dizaines de voitures se rendant au foot. Car à quelques mètres de là se dressent les installations du club de l’US Givry. Et le premier élément constitutif de cette implantation n’est autre… qu’un abribus. Placardé dessus, un panneau annonce « Entrée : 8 euros. »  » C’est la commune qui nous l’a donné pour que les bénévoles aux entrées soient quand même protégés, mais il n’y a évidemment pas de bus qui passe ici.  » Sa rudesse communiquée à travers sa poignée de main et ses premières paroles, le secrétaire Francis accueille dans la buvette de son club accompagné d’une légende vivante de l’US : Antoine.

VACHE ET CUVETTE

À 86 ans, Antoine est le président d’honneur du club. Il a bien entendu tout connu ici même si, aussi improbable que cela puisse paraître, il n’a joué que deux petits matchs sous les couleurs des Piétris.  » Après, ils ont eu besoin d’un délégué et je le suis resté jusqu’en 2010.  » De son passé en tant que commissaire au terrain, Antoine n’a plus de souvenirs très clairs, mais il affirme que les arbitres se battaient pour venir officier à Givry.  » Ils ont toujours été parfaitement accueillis ici ! Et puis bon, ça a parfois terminé à des 3-4 h du matin, hein…  » C’est en 1959 que l’US Givry a vu le jour grâce à la volonté des habitants du coin de lancer une activité sportive.  » L’initiative vient de Givry, mais pas uniquement « , affirme Francis.  » Ça aurait été impossible avec le petit 200 habitants de l’époque… Les autres villages ont donc aussi donné leurs forces vives.  » À sa création, le club n’a pas de terrain fixe et doit régulièrement chasser les vaches pour pouvoir jouer sur des pâtures différentes.  » Puis quand on s’est fixé sur un lieu, le terrain était tellement en cuvette que les deux défenses étaient à chaque fois avantagées « , rigole Antoine, qui a connu l’époque – longue de dix ans – où l’équipe tenait bon sans entraîneur, le 11 étant alors composé par le comité qui y plaçait bien sûr ses enfants.

RÉGIONAUX ET PROFITEURS

Au fur et à mesure des années, l’US a néanmoins vu les locaux disparaître en raison de l’âge ou… à cause de la progression du club.  » Beaucoup de jeunes du village nous ont quittés … parce qu’ils n’avaient pas le niveau « , assure ainsi Francis.  » On ne pourrait pas tenir la route uniquement avec les gens du coin, mais on essaie de rester fort régional : on va surtout chercher des gars qui viennent de la province de Luxembourg.  » Et les supporters ? Alors qu’il travaille dans un champ en dehors du village, René, ancien joueur du club, descend quelques instants de son tracteur pour expliquer qu’ils sont peu nombreux.  » Givry a grandi, il y a eu de plus en plus ‘d’extérieurs’ qui sont arrivés et je pense qu’ils ne sont pas habitués au club donc ils ne viennent pas au stade.  » Au printemps 2009, quand le club a officialisé sa montée en Promotion, les chiffres ont toutefois explosé.  » On a atteint les 2000 personnes « , se souvient Francis.  » On a bien sûr vu des gens du village, des curieux, mais aussi des ‘profiteurs’ qui venaient tirer des bières gratuites…  »

MÉCÈNE DU COIN

La réussite de Givry, qui évolue en national pour la huitième saison de suite, est en bonne partie due à l’incroyable implication du comité qui a construit et possède tous les bâtiments, mais également à Philippe Huberty. Ancien joueur du club, il a intégré le staff quand l’US était en P2 et y a directement joué un rôle important.  » J’ai la chance de posséder deux carrosseries et de connaître pas mal de monde, ce qui m’a permis de regarder à droite à gauche pour faire venir différents joueurs.  » Alors que Givry grandissait, Philippe a toujours pris soin de ne pas brûler les étapes.  » Il y a eu des gens avant moi qui ont fait un boulot énorme pour le club donc je suis toujours resté à leur écoute tout en ayant de l’ambition.  » De l’aveu d’Antoine et de Francis, le jour où Philippe s’en ira, c’est tout le club de Givry qui en prendra un coup…  » Avec la récente scission du foot belge, sans mécène, le foot amateur va mourir progressivement « , reprend l’homme fort des Canaris.  » La saison dernière, notre budget n’était par exemple pas suffisant pour payer tous nos joueurs, on a donc dû organiser des soupers, vendre des lasagnes, trouver d’autres sponsors… Mais on ne termine jamais un exercice sans avoir respecté toutes les conventions de A à Z.  »

 » ON RESTE ATTACHÉ À L’US  »

 » On est peut-être déjà une division trop haut, mais ça nous fait plaisir d’être là « , pose Antoine.  » On est fier de voir qu’un club de village peut en arriver là.  » Pourtant, encore plus que le niveau de l’équipe, c’est peut-être l’esprit du club qui séduit. Il suffit de se promener un peu dans le village pour trouver rapidement quelqu’un qui est lié à l’US. Cédric est en train de nettoyer les marches de l’église quand il se décide à raconter son parcours. Trop court pour l’équipe première, il est allé faire carrière ailleurs avant de revenir en équipe réserve.  » J’ai toujours aimé le côté festif de Givry donc une fois plus âgé, je suis revenu y jouer avec des amis. Quoi qu’on fasse, on reste attaché à l’US.  » Cédric ne croit pas si bien dire, lui qui fut probablement un des invités du club lors de la soirée dite de L’Équipe du siècle durant laquelle environ 200 anciens joueurs se sont retrouvés pour évoquer ‘le bon vieux temps’. Ce fut notamment l’occasion pour eux de revoir la femme de Francis, qui ne quitterait pour rien au monde sa place derrière le bar.  » Elle s’y plaît tellement qu’elle sympathise avec des adversaires qu’elle est toute contente de revoir lors des matchs retour « , explique son mari. Désormais en D2 amateurs après une fantastique saison 2015-2016 en Promotion D, Givry ne se donne pas vraiment d’objectif sportif.  » La suite, c’est peut-être un terrain synthétique « , s’avance Francis, à qui Antoine répond du tac-au-tac :  » Moi je n’aime pas ça, ce n’est pas assez nature !  » Imparable, surtout quand on vit entouré de si belles forêts…

PAR ÉMILIEN HOFMAN – PHOTO BELGAIMAGE

 » On est peut-être déjà une division trop haut, mais ça nous fait plaisir d’être là.  » – ANTOINE, PRÉSIDENT D’HONNEUR DE L’US GIVRY

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