Le maximum

Bruno Govers

Les deux ex-Brugeois se retrouvent pour une place en finale.

Ce soir, au Kuipje, Westerlo et le Germinal Beerschot Anvers détermineront qui d’entre eux disputera la finale de la Coupe de Belgique. A l’occasion de la première manche au Kiel, les hommes de Jan Ceulemans réalisèrent une bonne opération en l’emportant par 1 but à 2 face à Marc Degryse et ses partenaires. Ceux-ci prirent leur revanche, dans la foulée, en s’imposant sur les mêmes chiffres en championnat. Les paris demeurent ouverts?

Jan Ceulemans : Après notre succès au GBA, j’ai affirmé que nous avions 60% de chances de qualification. Je maintiens cette opinion malgré la victoire des Kielmen glanée chez nous récemment. Pour le même prix, nous aurions fort bien pu arracher un point à cette occasion, puisque Marc Schaessens hérita d’un coup de réparation qui demeura sans suite. Ce contretemps n’a toutefois pas ébranlé la confiance du noyau qui croit en une issue favorable.

Pour la première fois depuis vos débuts dans la corporation des entraîneurs, en 1992, vous avez été confronté à un choix en ce qui concerne la suite à donner à votre carrière. Jan Ceulemans aurait-il pris une autre dimension cette saison?

Ceulemans : Je n’ai pas vraiment le sentiment d’être meilleur, aujourd’hui, qu’à l’époque où j’ai remporté tour à tour le titre, avec l’Eendracht Alost en D2 en 1994 d’abord, puis avec le SV Ingelmunster quatre années plus tard en D3. Mais il faut croire que le regard des gens a changé cette fois. Pourquoi? Sans doute parce que, suite aux départs conjugués de Benoît Thans, Toni Brogno, ou encore Dejan Mitrovic, beaucoup s’attendaient à une rentrée dans le rang du club. Moi, je ne le percevais pas du tout ainsi car, compte tenu des arrivées, je me faisais fort que les plus beaux espoirs nous étaient permis. Et je ne m’étais donc pas trompé.

Marc Degryse : Je me suis toujours douté que le Caje était un bon entraîneur. Il n’est quand même pas donné à n’importe qui de décrocher deux fois la palme, en D2 et D3 et de jouer la Coupe de l’UEFA avec les Noir et Blanc en 1995-96. Pour frapper les esprits, sans doute faut-il réaliser une prestation plus probante encore. Et, à cet égard, il y est parvenu cette saison. Bien sûr, son mérite n’est pas mince d’avoir trouvé la parade aux départs des trois footballeurs précités. Mais, il a réalisé une prouesse beaucoup plus grande encore. La hiérarchie footballistique belge, en effet, est à peu de choses près le reflet de la puissance financière de ses clubs. Il n’est guère étonnant d’y retrouver les mieux nantis aux premières loges, tels qu’Anderlecht, le Club Brugeois et le Standard. Avec un budget de 120 millions, Westerlo n’en est pas moins mieux classé que plusieurs entités aux moyens plus gros comme Charleroi, le Lierse ou le Racing Genk. Son prestige n’en est que plus grand. Car il est vraiment parvenu à tirer la quintessence de son effectif. Un jugement qui peut être étendu aussi à Franky Van der Elst. Mais au deuxième tour seulement car, au cours du premier volet, le GBA n’a pas tenu la distance. Les chiffres sont éloquents : nous comptabilisons déjà plus de points qu’au terme des matches aller, avec la prespective d’améliorer sensiblement ce total à la faveur des six rencontres qu’il nous reste à disputer.

Le Germinal Ekeren avait la réputation d’être un « slow-starter ». Perpétuerait-il cette mauvaise habitude au stade olympique?

Degryse : Le contexte est différent. Autrefois, les Sang et Or faisaient invariablement la part belle à des joueurs routinés. Il leur fallait un certain temps avant d’atteindre leur rythme de croisière. Cette année, suite aux départs de valeurs sûres comme Wesley Sonck, Jan Moons, Rudi Smidts, Gunther Hofmans et Geert Brusselers, pour ne citer que ces quelques joueurs, Franky Van der Elst a dû repartir quasiment de zéro. Tout au long de ce round initial, il a multiplié les essais, sans trouver la panacée. Le déclic, en définitive, ce fut notre belle victoire en coupe contre Anderlecht. A partir de ce moment-là, l’entraîneur a vraiment trouvé le mix idéal entre la jeune classe, représentée par Luciano, Bart Van Zundert, Samir Beloufa et autres Moumouni Dagano, et les chevronnés comme Tony Herreman, Filip Haagdoren, Bert Dhont et moi-même. Depuis lors, nous avons repris du poil de la bête.

La bonne forme s’est longuement fait attendre chez vous. A tel point qu’à la trêve, vous envisagiez même de mettre un terme à vos activités de footballeur en fin de saison. Etes-vous toujours de cet avis aujourd’hui, alors que vous avez retrouvé votre meilleur niveau?

Degryse : Compte tenu de mon retour au premier plan, j’ai changé mon fusil d’épaule. J’ai soumis au club une proposition visant à la reconduction de mon contrat jusqu’en 2002. Si la direction l’accepte, je mettrai un point final à ma carrière à ce moment-là. Dans le cas contraire, je raccrocherai les crampons au mois de juin. Quoi qu’il arrive, le GBA sera mon dernier club.

Ceulemans : J’ose espérer que les dirigeants et Marc trouveront un terrain d’entente. Auquel cas, je tenterais de le persuader de tenter sa chance chez nous… A condition, bien sûr, qu’il mette de l’eau dans son vin au niveau financier (il rit).

Y a-t-il de la place pour Zelenka et Degryse dans la même équipe?

Degryse : Ce serait exactement le même cas de figure qu’avec Enzo Scifo et moi, par le passé. Cette association, soi-disant boiteuse, ne nous avait pas moins permis de disputer tous deux, côte à côte, une cinquantaine de rencontres avec les Diables Rouges.

Ceulemans : En Belgique, on pose souvent les questions à l’envers. Au nom de son talent, Marc est une véritable aubaine pour un entraîneur. Je n’en veux pour preuve qu’une petite anecdote remontant au match-aller en Coupe. Pour les besoins de cette joute, j’avais bien sûr pris soin de commettre un de mes joueurs à la garde de Marc. Quand Sadio Ba a appris que j’avais songé à lui pour cette mission, il est devenu blême. C’est dire s’il mesurait l’ampleur de la mission qui lui était demandée. Cette reconnaissance-là, peu de joueurs peuvent s’en gausser chez nous.

A ce propos, quelle importance revêt l’épreuve de coupe nationale pour Westerlo et pour le GBA?

Ceulemans : La Coupe, c’est le maximum auquel un club de la dimension du nôtre puisse prétendre. Westerlo n’a pas les moyens de concurrencer les ténors en Belgique dans une épreuve de longue haleine comme le championnat. En coupe, pour peu que le tirage soit favorable, il est permis de rêver. Pour nous, c’est le cas cette saison. Une victoire serait le summum, évidemment. Mais nous ne serions pas anéantis, non plus, en cas de revers. Car nous avons d’ores et déjà réussi au-delà des espérances cette saison.

Degryse : Chez nous, l’attente est plus grande. Beaucoup s’accordent à dire, effectivement, que le GBA, club récent s’il en est, aurait besoin d’une impulsion pour prendre résolument son envol. Et il va de soi qu’un trophée majeur, comme la Coupe, pourrait y contribuer. Mais il faut se garder d’en faire une obsession. Je reste persuadé que cette pression-là nous aura joué un tour pendable au match-aller. Trop de nos joueurs furent méconnaissables à cette occasion.

Comme le gardien Luciano, notamment?

Degryse : A l’instar de quelques autres, il est passé à côté de son match, c’est l’évidence-même. Au gré des diverses rencontres livrées jusqu’ici, le Brésilien a cependant prouvé qu’il a l’étoffe d’un bon gardien. Il en a même fait la démonstration lors de la revanche contre Westerlo, récemment, en championnat. Et je suis sûr qu’il aura à coeur de se racheter à nouveau ce soir. Même si Westerlo fait figure de léger favori.

Un détail plaide tout de même un peu en faveur du GBA : au vu de son average, Westerlo est beaucoup plus à l’aise en dehors de ses installations qu’à domicile…

Ceulemans : La saison passée, c’était l’inverse : nous étions souverains au Kuipje mais perdions invariablement une grande partie de nos moyens en déplacement. La différence, d’une saison à l’autre, est liée au profil des joueurs. Toni Brogno n’avait pas son pareil pour mettre le feu aux poudres at home. Les chiffres l’attestent puisque, sur les trente buts qu’il a inscrit l’année passée, une bonne vingtaine furent réalisés devant notre public. Cette saison, Westerlo ne possède plus pareil renard des surfaces. Mais avec Vedran Pelic et Jean-Paul Boeka-Lisasi, il compte deux spécialistes de la contre-attaque. Ce tandem-là est des plus déroutants lorsqu’il bénéficie d’espaces, mais se révèle hélas moins performant quand les lignes sont resserrées. Or, il en va souvent ainsi dans nos installations.

Qu’attendez-vous de la fin du championnat?

Ceulemans : La lutte sera serrée jusqu’au bout avec une orientation décisive en mai à la faveur du choc entre Bruges et Anderlecht. Pour le football belge, il serait peut-être souhaitable que les Bleu et Noir remportent le sacre. Car si le Sporting a la chance de participer une fois encore à la lucrative Ligue des Champions la saison prochaine, j’ai bien peur qu’il ne soit définitivement hors d’atteinte.

Degryse : Je me demande quand même dans quelle mesure il ne faudra pas composer avec le Standard la saison prochaine. Vu le potentiel là-bas, à tous niveaux, j’ai le sentiment que Michel Preud’homme pourrait tenir parole et faire des Rouches un candidat au titre. Il est arrivé à Liège au bon moment.

Une autre de vos vieilles connaissances est nettement moins heureuse : Enzo Scifo.

Ceulemans : Je m’insurge contre ceux qui le clouent d’ores et déjà au pilori. Preud’homme dispose d’un effectif de premier choix dans son ancien club. S’il s’était planté à Sclessin jusqu’ici, il y aurait vraisemblablement eu de quoi se poser des questions, mais ce jugement ne tient pas dans le cas d’Enzo. A cet échelon-là, il faut deux ou trois ans pour juger convenablement un coach.

Marc Degryse sera-t-il un jour entraîneur?

Degryse : J’ai juré qu’il n’en serait jamais ainsi…, comme Preud’homme autrefois. Si Mich s’est ravisé, qui sait si je ne changerai pas d’avis un jour, moi aussi? A choisir, le management me tente toutefois davantage actuellement. Dans un passé récent, j’ai eu des contacts en ce sens avec le bureau Sports and Management de Dirk Degraen et avec Stars Factory International, représenté en Belgique par Didier Frenay. Mon avenir se situera peut-être dans ce créneau.

Bruno Govers

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