LE MATCH qui a changé MA VIE

Treize figures-clés du football belge reviennent sur leur plus grand moment foot en tant que spectateur. Magnéto Serge.

Des bûches indigestes, un best-of de Richard Clayderman dans les enceintes et ces petites figurines improbables spécial Noël, tout ce beau monde vont bientôt s’inviter à nos tables. Cette période de fin d’année, c’est aussi l’occasion de faire vibrer la corde nostalgie. De se rappeler pourquoi on bouffe du foot souvent avec excès. Cette addiction est certes difficile à expliquer. Elle trouve souvent sa source dans l’enfance quand 90 minutes quasi mystiques nous transportent et se prolongent dans nos rêves. Sport/Foot Magazine s’est plongé dans les souvenirs de treize personnalités du football belge. Souvenirs, souvenirs.

Philippe Albert : Anderlecht-Fiorentina (6-2), 7 novembre 1984

 » Ce n’était que les 16es de finale et pourtant c’était du costaud qui débarquait au Parc Astrid. La Fiorentina des Socrates, Passarella, Gentile, une équipe avec des vraies stars. A cette époque, le Sporting était capable de prendre la mesure de ce qu’il y avait de mieux en Europe, il faisait partie de l’élite européenne. Et j’en ai eu l’illustration en live puisque j’avais reçu des places par des copains. On était posté en face de la tribune principale, dans l’ancienne tribune debout.

J’ai vu une démonstration d’Anderlecht ce soir-là, avec une dernière demi-heure où les Mauves ont empilé les buts. J’étais évidemment heureux d’assister à un tel spectacle, à une telle force de frappe, même si je ne me considérais pas comme supporter d’Anderlecht. En 1982, à Sclessin, j’avais aussi assisté avec ma même bande d’amis à la demi-finale de Coupe des Coupes entre le Standard et le Dynamo Tbilissi. On n’avait vraiment pas à se plaindre à cette époque… « 

Yassine El Ghanassy : France-Brésil 3-0, 12 juillet 1998

 » J’ai toujours grandi avec cette image d’un Brésil surpuissant, imbattable. En 1998, c’était aussi le Brésil de Ronaldo, le meilleur attaquant de la planète, peut-être même des vingt dernières années. Quand en finale, la France a tapé les quadruples champions du monde, j’ai été surpris et en même temps heureux. Et puis c’était la France de Zinédine Zidane, l’autre star de cette finale. Un joueur auquel beaucoup de jeunes comme moi, originaires de l’immigration, s’identifiaient très fort.

J’ai toujours admiré Zizou, je suis devenu fan du Real Madrid en grande partie à cause de lui. Quand il a planté ses deux têtes en première mi-temps, ce fut une surprise pour tout le monde. Personne n’imaginait qu’il fasse la différence de cette manière. Zizou fut le héros de la soirée, j’en garde un souvenir très précis.  »

Khalilou Fadiga : PSG-Real Madrid 4-1, 18 mars 1993

 » Le PSG, c’est mon club, celui de ma ville. J’ai toujours été PSG pur sang ! Quand j’étais ado, j’allais toutes les deux semaines au Parc, avec mes potes, c’était gratuit. Il suffisait qu’un adulte nous donne la main pour qu’on puisse entrer dans le stade. Et on finissait toujours par trouver quelqu’un pour nous faire passer les contrôles. Lors de la saison 1992-1993, on a vraiment vécu des moments incroyables. Avec comme point d’orgue, comme moment culte l’élimination du Real Madrid en quarts de finale de la Coupe de l’UEFA ( NDLR, Anderlecht avait été sorti en huitième sur une tête d’Antoine Kombouaré).

Pourtant, on était mal barré puisqu’on avait ramassé 3-1 à Santiago Bernabeu. Mais ce Paris-là avait quelque chose de magique avec George Weah, David Ginola et Valdo. De véritables stars qui avaient réussi à mettre le feu au Parc puisque le marquoir indiquait 3-0 à la 89e. C’était de la pure folie jusqu’à ce qu’ Ivan Zamorano nous envoie en prolongation à la 92e. C’est du moins ce que tout le monde pensait. Deux minutes plus tard, Antoine Casque d’or Kombouaré nous plongeait dans une hystérie collective grâce à une tête décroisée. PSG pur sang ! Y’a rien d’autre à dire.  »

Marouane Fellaini : Manchester-Bayern 2-1, 26 mai 1999

 » Manchester-Bayern, en finale de Ligue des Champions ! A 0-1 à quelques secondes de la fin, mon père m’avait dit – C’est fini, le Bayern va gagner. Va dormir. Mais je lui avais dit qu’un match, ce n’est jamais fini. Et boum, Manchester en marque deux dans le temps complémentaire. Je ne saurais plus dire qui a marqué pour les Anglais ( NDLR : Ole Gunnar Solskjaeret Teddy Sheringham) mais c’était incroyable, d’autant plus que je supportais Manchester.  »

Guillaume Gillet : Anderlecht-Liège 3-0, 14 août 1992

 » J’avais huit ou neuf ans, et je jouais en Pré-minimes au FC Liège. Anderlecht avait organisé un tournoi à Neerpede, auquel j’avais participé. Le soir après la finale, mon papa m’a emmené au stade Constant Vanden Stock, pour assister au match de l’équipe Première du Sporting contre Liège. Que demander de mieux puisque c’était mes deux clubs préférés.

Par la suite, j’ai encore régulièrement accompagné mon père à Anderlecht, notamment pour des matches contre le Standard ou contre Malines, qui était un rival coriace à l’époque. Mais, une première fois, cela ne s’oublie pas. C’était l’équipe de Marc Degryse, de Luis Oliveira ou de Filip De Wilde, qui est aujourd’hui notre entraîneur des gardiens. Mon amour pour Anderlecht est, en grande partie, un héritage familial. Et puis, quand on est Liégeois et Sang et Marine, on est généralement plus Mauve que Rouche. Ma passion pour le Bayern Munich et la Bundesliga en général, je la tiens aussi de mon père.  »

Milan Jovanovic : Yougoslavie-Espagne 2-1, 16 juin 1990

 » J’avais neuf ans et cette rencontre, qui était un huitième de finale de la Coupe du Monde en Italie, m’a fait rêver et reste, tant d’années plus tard, une source d’inspiration pour moi. Le talent d’un joueur exceptionnel a éclairé ce match : DraganStojkovic. La Yougoslavie s’était extraite du Groupe D (qui comprenait aussi la RFA, la Colombie et les Emirats Arabes Unis) avant de se mesurer à une magnifique équipe d’Espagne. Malgré l’importance de l’enjeu, ce fut évidemment un duel de haute technicité. Ivica Osim, notre coach, disposait d’une équipe bien balancée et de quelques éléments sur le banc qui allaient faire leur chemin style RobertProsinecki ou Dejan Savicevic. Stojkovic avait ouvert la marque et Julio Salinas égalisa à la 83e. La tension était à son comble au début de la première prolongation, sur le terrain, et dans les deux pays.

J’étais cloué devant la télé quand Stojkovic, surnommé Pixy, vit arriver vers lui un centre venu de la droite il me semble. Un joueur normal n’aurait pas pris de risques avant de tirer tout de suite au but. Pas Pixy : il se joua tranquillement du bloc défensif espagnol d’un geste technique parfait, maîtrisa le ballon avant de battre Andoni Zubizarreta. Ce jour-là, j’ai compris que la finesse et la technique étaient plus importantes que tout. Stojkovic est le meilleur joueur jamais vu en ex-Yougoslavie. Sans une série de blessures, ce milieu de terrain hors normes aurait laissé une trace dans l’histoire du foot mondial comparable à celle des plus grands comme Maradona, Messi ou Cristiano Ronaldo.  »

Vadis Odjidja : Liverpool-AC Milan 3-3 (t à b, 3-2), 25 mai 2005

 » C’est le match le plus fou de ces dernières années. Je l’avais maté devant ma télé avec quelques amis et on avait tous été scotchés par ce scénario incroyable. Milan avait dominé de la tête et des épaules les Reds en première mi-temps. C’était 3-0 à la pause et y avait rien à dire. Je me rappelle notamment de la pichenette de Hernan Crespo devant Jerzy Dudek suite à une passe géniale de Kaká. La deuxième mi-temps allait être tout autre. StevenGerrard sonna la charge et fut le grand bonhomme. Ce joueur m’a toujours inspiré d’autant que j’évolue plus en moins dans un même registre. Son jeu mais aussi sa mentalité sont à prendre en exemple.

De ce match, je retiendrai également le sauvetage incroyable de Dudek devant AndriyShevchenko dans les prolongations. Le gardien polonais était l’autre grand bonhomme. Certains ont parlé de la plus grande finale européenne de tous les temps. Je peux comprendre.  »

Jérémy Perbet : Marseille-Milan 1-0, 26 mai 1993

 » J’avais neuf ans lors de cette finale de la Ligue des Champions, la seule remportée par un club français. Je n’en garde pas un souvenir très précis, je ne me souviens pas des circonstances du direct… je devais le regarder en famille. Mais en tant que fan de l’OM, j’ai évidemment vu la tête victorieuse de Basile Boli des dizaines de fois et les scènes de liesse qui ont suivi.

Le club olympien a toujours été le plus populaire de France, et malgré le fait que j’ai grandi près de Saint-Etienne, j’ai toujours été un fada de l’Ohème. J’ai grandi avec la cassette VHS des plus beaux buts de Jean-Pierre Papin qui retraçait son parcours de Valenciennes à Bruges avant de connaître la gloire à Marseille. Cette vidéo, j’ai dû me la repasser des dizaines de fois. Les Papinades n’ont plus aucun secret pour moi. L’OM, ça reste mon club, et une victoire comme la dernière face au PSG (3-0) me fait toujours autant de plaisir.  »

Sébastien Pocognoli : Standard-Bruges 2-0, 20 mai 1995

 » C’était le dernier match de la saison 94-95. Le Standard accueillait Bruges et pouvait encore être champion. Il dépendait toutefois du résultat d’Anderlecht, qui se déplaçait à Gand. J’avais 7 ans et je me suis rendu à Sclessin avec mon père. Le Standard a gagné 2-0, deux buts d’ Aurelio Vidmar. Dans l’équipe, il y avait des joueurs comme Gilbert Bodart, Régis Genaux, Mircea Rednic, Dinga et Philippe Léonard, ainsi que Marc Wilmots devant. Je m’étais mis à espérer, car Anderlecht était confronté à une tâche difficile, mais il s’est imposé sur le même score, avec des buts de Philippe Haagdoren et Bruno Versavel.

Le Standard n’a donc pas remporté le titre, mais c’est sans doute ce jour-là que la fibre rouche s’est emparée de moi. L’ambiance était extraordinaire à Sclessin et cela m’a pris aux tripes. Auparavant, j’étais plutôt supporter de Seraing, où j’ai commencé ma carrière. Je me suis affilié au Standard à dix ans. Je me souviens aussi d’un match au Pairay entre mes deux clubs de c£ur, lorsque Seraing a battu le Standard 2-0 avec deux buts d’ Isaias.  »

Olivier Renard : Belgique-URSS 4-3, 15 juin 1986

 » Jusqu’à sept ans, mon frère et moi, on préférait jouer à la guerre plutôt que regarder un match de foot. Mon père essayait de nous le faire aimer mais cela ne marchait pas. Jusqu’à ce match de Coupe du Monde 1986 face à l’URSS. Cela a vraiment constitué un tournant. Je me souviens de ce duel de gardien entre les pitreries de Jean-Marie Pfaff et le sérieux de Rinat Dassaev. Je me souviens également de la volée d’ Enzo Scifo.

A partir de cette rencontre, on n’a plus raté une minute du tournoi des Belges. On nous permettait de rester éveillés ou de nous réveiller pour les matches qui se disputaient la nuit. Même celui pour la troisième place contre la France nous a passionnés. Après la Coupe du Monde, j’ai commencé à jouer. Dans la rue puis au club de Gouy-lez-Piéton pour lequel mon père entraînait les jeunes. Un an et demi plus tard, lors d’un match contre Charleroi, lors duquel j’avais dépanné dans les buts, le Sporting me transférait pour occuper le poste de gardien.  »

José Riga : Brésil-Italie 4-1, 21 juin 1970

 » La finale de la Coupe du Monde 1970. J’étais tout jeune et cette maîtrise du jeu m’avait marqué. C’était le Brésil de Rivelino, Jairzinho et bien sûr Pelé. Je me rappelle d’ailleurs très bien le but de Carlos Alberto sur un décalage de Pelé. Ce but est sans doute un des plus beaux mouvements collectifs de la Coupe du Monde. Ce qui m’avait marqué, outre la qualité technique, c’était la manière dont les Brésiliens avaient gardé le ballon. Il y avait quelque chose de magique. Et ce Brésil-là avait un caractère mystérieux car on n’avait l’occasion de le voir à l’£uvre que lors de la Coupe du Monde. Il fallait donc en profiter.

J’ai aussi été marqué par le grand Johan Cruijff mais si je ne dois retenir que des matches, je placerais cette finale, juste devant la démonstration de Barcelone face au Real (5-0) la saison dernière et le Belgique-URSS du Mondial 1986, match qui m’a sans doute fait le plus vibrer.  »

Enzo Scifo : Italie-Brésil 3-2, 5 juillet 1982

 » Je garde un souvenir poignant de la victoire de l’Italie lors de la Coupe du Monde de 1982 en Espagne. Mais au-delà de la finale face à l’Allemagne (3-1) et ce but de MarcoTardelli suivi de sa course folle qui resta dans la légende, c’est davantage ce match face au Brésil qui marquera les vacances de mes 16 ans en Sicile, entouré de ma famille, de mes amis. J’ai vibré comme jamais, et j’en vibre encore rien que par le fait d’évoquer cette rencontre. En face c’était la Seleçao de Socrates, de Zico ou Falcao, une équipe qui jouait un foot de rêve, le foot brésilien comme on se l’imagine. Personne ne s’attendait à ce que l’Italie passe, cette génération n’était vraiment pas la plus douée que l’Italie ait connue. Les fuoriclasse n’étaient pas nombreux.

Mais en cette fin d’après-midi au stade Sarria de Barcelone, la Squadra a pu compter sur un formidable Paolo Rossi qui a inscrit un hat-trick alors qu’il avait été plutôt discret lors des rencontres précédentes. L’attaquant de la Juventus n’était pas ma star numéro un. Je m’identifiais davantage au pied gauche exceptionnel du joueur de la Roma, Bruno Conti. Il avait quelque chose de magique.  »

Robert Waseige : FC Liège- Anderlecht 4-1, 19 septembre 1948

 » A l’époque, j’accompagnais régulièrement mon père au stade et comme je n’avais pas dix ans, je ne pouvais pas jouer. Mais j’étais parvenu à convaincre mes parents de m’affilier au FC Liège alors que je n’avais que huit ans et de pouvoir m’entraîner une fois par semaine avec quelques garçons qui se trouvaient dans la même situation que moi. A cet âge-là, on a les yeux grands ouverts et bien ronds. C’était la fameuse équipe du FC Liège avec son attaque mitraillette composée de Cyrille Massart et Paul Deschamps, auteur de deux buts ce jour-là, le quatrième ayant été marqué par Henri Govard. On jouait en WM avec des intérieurs brillants comme Pol Anoul sans oublier Louis Carré à l’arrière.

Au-delà du résultat, cette équipe assurait toujours le spectacle, c’était le show offensif avant l’heure. Même la formation, qui plus tard a remporté les deux titres d’affilée n’a jamais été aussi étincelante. Comme tous les enfants j’étais impressionnable et la passion du foot ne pouvait que m’envahir. J’étais d’autant plus content d’avoir eu gain de cause à la maison, espérant faire aussi bien que mes favoris. Cette passion m’abrite toujours et je ne compte plus les matches qui m’ont fait vibrer. Comme j’ai toujours été anglophile que ce soit sur le plan du jeu ou en terme d’état d’esprit, je citerai la finale jouée au Camp Nou entre le Bayern et Manchester United. Ce soir-là, à la 90e, le marquoir indiquait 1-0 pour les Bavarois. A la 92e, il était passé à 1-2. Manchester soulevait quelques minutes plus tard sa première Coupe des Champions depuis 1968 grâce à 120 secondes complètement folles. Ce soir-là, j’ai reçu une injection de positivisme, seul dans mon canapé, vivant l’instant comme un enfant. J’ai toujours préféré regarder un match en solitaire. Afin de le déguster, de l’analyser, sereinement. « 

THOMAS BRICMONT AVEC LA RÉDACTION – PHOTOS: IMAGEGLOBE

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