Le Mandarin

Le rookie chinois de la NBA est déjà entré dans l’histoire

Un phénomène.. Le grand (2,26 m) et fort (134 kg) jeune homme en provenance directe de Shanghai a remué les foules. En Chine, on parle de lui comme l’incarnation du rêve et de la fierté de tout un peuple, comme le symbole de l’esprit patriotique. Depuis que Yao Ming domine les parquets de la NBA, 13 stations de télévision chinoise, dont la chaîne nationale CCTV, retransmettent les rencontres du championnat U.S. C’est une dizaine de plus que la saison dernière. Une trentaine des 120 retransmissions de matches ont eu pour cible les Houston Rockets.

25 millions de Chinois ont regardé régulièrement ses exploits. Preuve de l’impact, auprès de ses camarades, à Houston, le plancher du stade Compaq Center était bordé de publicités pour une bière chinoise qui n’est même pas commercialisée aux Etats-Unis!

57% des Chinois âgés de 15 à 64 ans, se prétendent des fans de basket et de la NBA en particulier. Spectaculaire dans ce pays immense et populeuxde 1,3 milliard d’âmes.

Aux Etats-Unis aussi, l’interminable Chinois n’a cessé de faire parler de lui, sans qu’il ne le recherche vraiment. Dans sa ville d’adoption, sa simple présence a fait exploser les guichets d’entrée qui ont enregistré une moyenne de 2.000 personnes de plus que la saison dernière. A 50 dollars la place, cela a représenté plus de 4 millions de dollars de rentrées supplémentaires sur l’ensemble de la saison. Et c’est sans compter les casquettes, les t-Shirts, les gobelets et les popcorns! En déplacement aussi, les Rockets font recette. Depuis son double titre national en 93-94 et 94-95, l’équipe n’avait jamais attiré autant de spectateurs. 18ème au rang de la popularité l’an dernier, elle est à présent la septième attraction du championnat. Mieux encore pour les statisticiens et les maîtres ès marketing, une partie non négligeable de ces fans est un public dit « de conquête », c’est-à-dire tout neuf.

L’an dernier, moins d’un % des supporters et des admirateurs des Rockets étaient d’origine asiatique. Cette année, ils constituent 11 à 12% du public. Pour les villes avec une forte concentration de résidants asiatiques et chinois en particulier telles Seattle et Los Angeles entre autres, les visites de Houston sont les bienvenues au niveau du box office. Bafouant la tradition très monolingue de la NBA, certaines équipes poussent même la cour jusqu’à présenter les joueurs en mandarin.

Un coolie travailleur

Produit par excellence de l’ouverture mondiale poursuivie par la NBA depuis quelques années, Yao Ming affiche une personnalité réservée, calme et respectueuse qui détonne dans le milieu plutôt démonstratif du basket professionnel. Cible de Shaquille O’Neal qui s’est risqué à imiter son fort accent asiatique, Yao s’est empressé de déclarer qu’il s’agissait d’humour et non pas d’aversion personnelle à son égard ou de racisme. Une réaction empreinte d’intelligence, de classe et de doigté. On dit d’ailleurs l’homme supérieur à la moyenne au niveau intellectuel. On le lui connaît pas d’autre hobby que la lecture. On le dit cultivé, spirituel et plein d’humour.

 » Je suis un coolie, je gagne ma vie avec a force de travail« , a-t-il déclaré en faisant au passage allusion aux premiers immigrants chinois aux Etats-Unis, traités de « porteurs » par les autochtones. Prudent et rusé, il ne parle que très peu et via ses deux interprètes de surcroît. On dit pourtant qu’il a étudié les langues et qu’il parle et comprend plutôt bien l’anglais.

« Je suis là pour apprendre », confia-t-il lors du week-end Allstar. « Le simple fait d’avoir été sélectionné dès ma première saison dans le cinq de base de la WesternConference est un grand honneur ».

Mais le choc culturel est brutal: « C’est l’aspect le plus dur. J’ai débarqué dans un environnement entièrement différent et pour tout dire bizarre, avec une attention de tous les instants. Il y a beaucoup trop de journalistes! Et trop de matches: 82. Bien que tout soit nouveau pour moi, on attend beaucoup de ma part ».

Number one pick

La venue du géant chinois en qualité de premier choix du draft (marché des nouveaux joueurs) avait déclenché son lot d’interrogations, de réserves et de doutes. C’était la toute première fois des 57 ans d’histoire de la NBA qu’un joueur étranger était le plus convoité, le Number one pick. Il n’a cependant pas fallu longtemps avant qu’il ne séduise les scouts des 29 équipes. Lors d’un showcase à Chicago l’été dernier, Yao Ming en a étonné plus d’un. Qualifié de joueur athlétique et intelligent, on lui reconnut une grande agilité et une bonne rapidité (eu égard à sa taille), une bonne précision dans les tirs à distance, des réflexes rapides et un excellent timing sur les blocks. Un bilan plus que satisfaisant, on en convient!

A 22 ans seulement, il avait déjà officié durant cinq saisons dans l’équipe des Requins de Shangai avec, à la clé, une moyenne de 23,4 points par match. Culminant lui aussi à plus de deux mètres, papa Ming était totalement immergé dans le basket en qualité d’entraîneur. Ses premiers pas, Yao les a effectués un ballon à la main. Il a ensuite été formé à la dure par l’Académie chinoise des Sports.

C’est donc à Houston, lanterne rouge de la saison 2001-2002, qu’échut l’honneur d’engager le centre. La transaction ne fut pas un modèle de simplicité, principalement en raison des prétentions de la fédération chinoise . Les Houston Rockets ont déboursé 17 millions de dollars pour acquérir leur nouvelle recrue mais on ne connaît pas le pourcentage de cette somme tombé dans l’escarcelle de l’organisme officiel chinois! En plus, 5% du salaire annuel du joueur (18 millions de dollars) est ristourné à cette même fédération.

Homme-sandwich

Sportivement, la transition sino-américaine du joueur ne fut pas trop difficile. Au 15 avril, il avait déjà joué 81 matches pour les Rockets (soit 2347 minutes) et tourné à 13,5 points et 8,1 rebonds de moyenne. Des statistiques qui en disent long sur ses qualités.

Malgré ses belles prestations et son immense popularité, Yao garde ses distances par rapport aux événements en menant une vie simple: « C’est facile. Je m’entraîne, je joue, je mange et je me repose ».

Mis à part le fait qu’il ait une « petite! » amie en Chine, on n’en connaît pas beaucoup plus sur ses jardins secrets. Ce qui est du domaine public en revanche, ce sont ses contrats publicitaires. Avec quatre millions de dollars rien qu’aux Etats-Unis, il peut malgré tout se targuer de revenus confortables pour un nouveau venu. Dès la saison prochaine, il pourrait bien atteindre la dizaine de millions. Au tendre âge de 22 ans, le jeune Mandarin est un des rares athlètes dont les revenus commerciaux soient supérieurs aux revenus professionnels.

Selon Michael Denzel, le directeur du bureau de la NBA en Asie, il ne fait aucun doute que Ming va briser toutes les règles existantes: « Il va devenir une des plus grandes forces au niveau de la publicité et du marketing ». A ce stade déjà, la vedette chinoise est sous contrat pour Nike, Apple et Visa. Il a également signé un contrat de cinq millions de dollars avec l’opérateur en téléphonie mobile China Unicom. Mais la plus grande manne est encore à venir: celle des vêtements, parfums, chaussures et tutti quanti griffés à son nom et son effigie. Sa famille, qui a décidément très vite assimilé les règles du jeu capitaliste, a déjà déposé 22 brevets internationaux portant son patronyme.

Bernard Geenen

A 22 ans, ses revenus commerciaux sont déjà énormes

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