Le maillon faible

L’arrière-garde constitue un problème récurrent au Sporting. C’est le prix à payer pour une équipe tournée naturellement, depuis toujours, vers l’offensive mais n’y a-t-il pas moyen de mieux faire ?

Curieusement, hormis l’acquisition du Saoudien Osama Hawsawi – qui a encore tout à prouver, manifestement -, le RSCA n’a encore rien entrepris, cet été, pour remédier aux carences de son arrière-garde. C’est d’autant plus étonnant que les Mauve et Blanc jouent leur survie, actuellement, en préliminaires de la Ligue des Champions, sans les présences conjuguées de Cheikhou Kouyaté, actif aux JO, et de Roland Juhasz, blessé. Un double handicap qui contraint le nouveau T1, John van den Brom, à devoir titulariser dans l’axe défensif deux de ses backs, Marcin Wasilewski et Olivier Deschacht. Une situation pas vraiment idéale à un moment-clé, déjà, de la saison.

Sur le strict plan des chiffres, il n’y a sans doute pas grand-chose à redire ou à reprocher au quatuor épaulant Silvio Proto. Avec 26 buts encaissés lors de la phase classique et 8 autres lors des play-offs 2011-2012, Anderlecht s’est appuyé sur la charnière la plus hermétique de l’élite. Un phénomène d’ailleurs classique sous la direction d’ Ariel Jacobs. Mais, pour y arriver, le Diegemois a toujours tablé sur deux pare-chocs devant la défense, Lucas Biglia et Sacha Kljestan, alors que son successeur n’en veut qu’un. De quoi légitimer la venue d’un joueur, au moins, capable de s’ériger en véritable patron derrière. Tout en soignant la relance, péché mignon au Sporting depuis pas mal de temps.

La faillite brésilienne

Il y a un an tout juste, la direction soucieuse du problème, se décide à prendre le taureau par les cornes. Et transfère pas moins de 4 arrières : les latéraux Dennis Odoi, Behrang Safari et Diogo, ainsi que le stopper Samuel. Si les 2 premiers peuvent être crédités d’une campagne honnête, sans plus, c’est le bide pour la paire brésilienne, qui n’achève d’ailleurs pas l’année. Au Parc Astrid, on joue décidément de malchance avec les défenseurs originaires de ce pays. Car le club n’a guère été plus heureux avec Felipe Renan Boufleur, acheté à Santos en 2009, ou Triguinho et Felipe qui l’ont précédé deux années plus tôt, le premier en provenance de Sao Caetano et l’autre des Corinthians Sao Paulo.

 » Pour un joueur venu en droite ligne du Brésil, la transition est trop abrupte « , dit Werner Deraeve, responsable de la prospection sur le marché sud-américain.  » On pensait avoir plus de chance avec Samuel, vu son passage au Werder Brême avant d’aboutir chez nous, mais il a été un fiasco complet. Pourtant, il ne manque pas de qualités, puisqu’il poursuit à présent sa carrière à Braga. Quant aux autres, retournés chez eux, ils sont toujours en lice dans des clubs de renom. C’est à croire qu’ils ne parviennent à donner le meilleur d’eux-mêmes que dans un entourage où la langue et la culture leur sont familiers « .

Nicolas Pareja, l’exception argentine

Le Sporting n’est guère plus heureux, à l’arrière, avec le voisin argentin, comme en témoigne la mésaventure de Pier Barros, acheté puis renvoyé à ses chères études en 2010. L’exception qui confirme la règle, c’est Nicolas Pareja. Un garde-chiourme acquis à Argentinos Junior en 2006 et qui excelle, l’espace de deux ans, avant de réaliser son rêve et d’aboutir en Liga, à l’Espanyol Barcelone, puis au Spartak Moscou. Une capitale de Russie où il a entre-temps été rejoint par son compatriote Juan Manuel Insaurralde. Un nom qui, en 2009, figure sur les tablettes du RSCA, au même titre que son coéquipier chez les Newell’s Old Boys, Nicolas Spolli. Un défenseur passé, dans l’intervalle, à Catane. Anderlecht n’a-t-il pas raté le coche avec ces deux-là ?

 » Parfois, tout s’emballe très vite « , observe Gérard Witters, £il du RSCA en Argentine.  » A l’époque, nous avions établi une short list où tous deux apparaissaient, à l’image de quelques autres. Insaurralde a subitement défrayé la chronique en défendant à la fois bien et en scorant aussi à l’une ou l’autre occasion. Au moment de rouvrir le dossier, Boca Juniors était sur la balle. Par la suite, Diego Maradona lui a donné le feu vert en sélection. Dans ces conditions, la chance du Sporting était passée. Pour acquérir un bon, il faut taper haut dans les prix et il n’est pas sûr que l’acclimatation se déroule sans hiatus. La preuve avec Barrios justement « .

Le couac Victor Bernardez

Le tableau latino-américain n’est pas complet sans évoquer le Hondurien VictorBernardez. A la Coupe du Monde 2010, le garçon est réserviste de l’équipe nationale la plus faible de la compétition, ce qui veut tout dire. Au Sporting, il ne fait pas long feu car un an à peine après son arrivée, il est cédé aux Mexicains de Ciudad Juarez. Ce n’est pas le seul couac mauve en la matière. Parmi les autres navets, comment ne pas citer Arnold Kruiswijk, acquis aux Pays-Bas, au FC Groningue puis expédié stante pede à Heerenveen. Ou encore Nemanja Rnic, acheté puis revendu au Partizan Belgrade. Idem pour Jan Lecjaks, débarqué il y a deux ans et transféré l’été passé aux Young Boys Berne.

 » Dénicher un bon défenseur est la tâche la plus compliquée pour un scout « , souligne Albert Martens, prospecteur pour le compte du RSCA en Europe et en Afrique.  » Un gardien peut être coté sur un ensemble de paramètres, comme le travail sur la ligne ou les sorties. Pour les milieux et les attaquants, il y a moyen de se baser sur une échelle aussi. Mais à l’arrière, c’est beaucoup plus compliqué. Le propre d’un bon stopper, c’est la discrétion. S’il s’expose trop aux regards, cela signifie que sa couverture laisse à désirer. Pour bien faire, il doit être le gars le moins voyant sur le terrain. Dans ce registre-là, on a eu Hannu Tihinen, par exemple, ou Ondrej Mazuch et, à présent, Roland Juhasz. Mais je me souviens qu’il a fallu s’y reprendre souvent avant d’être sûr de bien le scouter. Un dégagement de la tête par-ci, un tackle par-là : il est toujours difficile de pouvoir établir un rapport circonstancié sur base de peu d’interventions. D’autres, qui passent parfois un screening positif, deviennent tout à fait méconnaissables parmi nous. La preuve par le Suédois Max Von Schlebrügge ou encore le Sénégalais Ablaye Seck « .

Les Belges, un placement sûr

Indépendamment du stopper finlandais et de son compère hongrois, Anderlecht a sans doute eu le plus de satisfactions avec ses achats belges à l’arrière. Car tous connaissent la musique à leur arrivée au stade ConstantVandenStock. Parmi eux, actifs entre 2000 et 2012, on peut mentionner Olivier Doll, Glen De Boeck voire Lorenzo Staelens. Sans oublier les éléments d’origine étrangère, actifs en Belgique, et qui savent eux aussi de quoi il retourne quand ils enfilent la casaque du Sporting. Il y a là, entre autres, Aleksandar Ilic du Club Bruges, ou le Mouscronnois Michal Zewlakow. Sans oublier ceux qui ont été formés par le club même, Belges ou non, tels Bertrand Crasson, Olivier Deschacht, Junior, Lamine Traoré, Mark De Man, Vincent Kompany et Anthony Vanden Borre. Des noms auxquels s’ajoutent à présent les nouvelles têtes Jordan Lukaku, Bryan Verboom, Jonathan Vervoort et Bruno Godeau.

 » Il y a eu des erreurs de casting évidentes suite aux venues de Victor Bernardez ou d’Arnold Kruiswijk « , avoue Herman Van Holsbeeck, le directeur général des Mauves.  » Anderlecht doit être capable de former des joueurs supérieurs à ce calibre. Mais on s’expose souvent à deux difficultés : le rôle de défenseur est généralement considéré comme peu sexy par les joueurs. A choisir, la plupart optent pour le 10 ou un rôle offensif. D’autre part, le 3-4-3 instauré chez les jeunes développe à l’arrière un joueur hybride, qui n’est ni un stopper ni un back. On essaie d’y remédier en faisant coulisser un demi défensif derrière et en permettant aux deux joueurs les plus excentrés d’occuper les couloirs. Une innovation qu’on applaudit aussi, au Sporting, c’est la création par l’UEFA d’une Ligue des Champions pour U21 où nos meilleurs jeunes vont pouvoir se frotter à leurs homologues à l’étranger. Cette saison, ils sont appelés à se frotter à Barcelone, Tottenham et Wolfsburg, ce qui peut compter. De la sorte, les arrières vont en sortir plus forts. Nous voulons aussi encourager ceux à qui il manque un petit fifrelin pour faire carrière devant, d’envisager une reconversion en défense. Car il est bien connu que les braconniers font les meilleurs garde-chasse. Certains, qui évoluent en Première actuellement, sont d’ailleurs passés par là. Je songe à Dennis Odoi, qui était ailier droit à ses débuts ou à Roland Juhasz qui occupait la place de centre-avant au MTK Budapest. En remontant dans le temps, il y a eu également les exemples de Bertrand Crasson ou de Georges Grün « .

Plus complets aujourd’hui

On peut y ajouter aussi le cas de notre collaborateur, Georges Heylens, passé de l’extérieur au back dès les années 60. Une situation vécue de manière analogue par son compagnon d’âge, Jean Cornelis, à gauche. Le tout à une époque où la défense anderlechtoise se fait déjà montrer du doigt aussi.

 » J’observe quand même une différence « , souligne Tonton.  » Avec Ariel Jacobs, 6 joueurs sur 10 pensaient défensivement la saison passée. Normal, avec une occupation du terrain en 4-2-3-1. De mon temps, le 4-2-4 était à l’honneur. La proportion était de 4 éléments derrière et 6 à vocation offensive. En Belgique, cette manière de procéder ne portait pas vraiment à conséquence. Elle nous a même permis d’être champions 5 fois d’affilée de 1964 à 1968. Mais sur la scène européenne, on a pris des claques : 1-4 contre Dundee, 4-1 contre Dukla Prague, 4-2 contre le Real Madrid. On était peut-être champions des matches amicaux mais dans les rencontres à enjeu, nous ne tenions pas la route. Notre bloc défensif volait en éclats face à la concurrence « .

 » Les générations suivantes ont peut-être rectifié le tir en compétition européenne. Ce qui a permis au club d’engranger quelques succès en Coupe des Coupes et en Coupe de l’UEFA. Mais il ne faut pas pavoiser non plus. Le prétendu grand Anderlect du début de ce millénaire a quand même pris 5-1 à Manchester United et 4-0 au Dynamo Kiev. Et la paire formée de Vincent Kompany et Hannu Tihinen , peut être bien la meilleure de la dernière décennie, a ramassé un 3 points sur 36 lors des phases de groupe de la Ligue des Champions en 2003-2004 face à Valence, l’Inter et Brême et devant Chelsea, Liverpool et le Betis l’année suivante. Comme quoi, rien n’a jamais fondamentalement changé derrière. C’est le prix à payer pour une équipe qui a toujours été à vocation offensive. La seule différence, c’est qu’il faut être plus polyvalent aujourd’hui. A mon époque, un défenseur était avant toute chose un défenseur. Aujourd’hui, il doit être un relanceur aussi et faire mouche de temps à autre « .

Une grande pointure

 » Ce qui manque au Sporting actuel par rapport au passé, c’est une grosse personnalité au c£ur de la défense « , poursuit Heylens.  » Durant les années 60, il y avait Laurent Verbiest. Lors des premiers succès européens, c’était Erwin Vandendaele. Plus tard, c’est Morten Olsen qui a pris le relais. Tous ces éléments ont permis à d’autres, moins doués, de se sublimer. Je songe à un Jean Plaskie, un Hugo Broos ou un Luka Peruzovic. Si un gars d’envergure se pointe aujourd’hui, je suis sûr que l’ensemble se bonifiera « .

 » Ce qui m’interpelle un peu, ce sont les différents patronymes qui ont été cités jusqu’ici. Je ne pense pas qu’un Steve Colpaert, un ErvinZukanovic ou un Jérémy Taravel soient les joueurs les plus indiqués. Il faut une autre dimension. J’ai cru comprendre que Joao Carlos fait partie lui aussi des profils suivis. Désolé, mais ce n’est pas aujourd’hui, alors qu’il joue à Anzhi Makhachkala, qu’il doit être pisté. C’est au moment où il a joué à Lokeren qu’il aurait éventuellement fait l’affaire. Bien que je nourrisse des doutes car il n’a pas l’air des plus rapides. Je ne comprends pas non plus pourquoi la direction s’active si tard alors qu’elle sait depuis pas mal de temps qu’elle doit faire l’impasse sur Cheikhou Kouyaté et Roland Juhasz. Dans la mesure où le club l’emporte sur toute autre considération, je suis d’avis qu’elle a pris un très gros risque en permettant au Sénégalais d’aller aux Jeux Olympiques alors que le club aborde un mois décisif. C’est jouer avec le feu. Franchir le premier écueil avec un axe constitué de Marcin Wasilewski et Olivier Deschacht, c’est faisable. Mais le deuxième est déjà beaucoup plus périlleux. Et cette paire-là ne tient pas la route en cas de qualification pour la phase des poules de la Ligue des Champions. Si Kompany-Tihinen, c’était déjà limite, somme toute, à ce niveau, il y a de quoi se faire du souci avec ce que le Sporting présente dans ce secteur aujourd’hui « .

PAR BRUNO GOVERS

 » La direction a pris un très gros risque en permettant à Kouyaté d’aller aux JO  »  » Il y a un an, Anderlecht transfère pas moins de 4 arrières. Il en reste deux ! « 

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