« Le Lierse vise les playoffs 1 »

Le propriétaire du club anversois revient sur les quatre nouveaux Radzinski promis, Ahmed Hassan et parle d’un futur prometteur. Entretien.

Il y a trois ans, l’homme d’affaires égyptien Maged Samy, président d’un club de D3 dans son pays, a fait figure de deus ex machina au Lierse, alors en D2. Son club est désormais remonté parmi l’élite et Samy s’est aussi payé Turnhout, en D2. Samy, qui effectue la navette entre la Belgique et l’Egypte, où est implantée sa société Wadi Degla, spécialisée dans l’immobilier, les clubs sportifs et la télécommunication, veut à terme aligner un mélange de joueurs du cru, formés au Lierse ou à l’Académie de Tongerlo, qui suit les principes de Jean-Marc Guillou mais en recrutant des Belges – et des talents du monde entier. Ces joueurs doivent être mis en vitrine pour être vendus à de grands clubs belges et étrangers. Investir en Belgique est le moyen le moins cher et le plus rapide pour jouer la Ligue des Champions, selon lui :  » Acheter un club anglais et le qualifier pour l’Europe aurait été bien plus onéreux. Le champion et le vice-champion de Belgique participent aussi aux poules de la Ligue des Champions, s’ils passent les tours préliminaires.  »

Avez-vous vraiment dit aux joueurs que si Saint-Trond avait été quatrième, le Lierse devait être troisième cette année ?

Maged Samy : Nous visons les playoffs 1.

N’est-ce pas trop pour un nouveau venu en D1 ?

Eupen est nouveau, pas nous. Le Lierse, comme Saint-Trond, est un club de D1 qui a connu un passage à vide. Roland Duchâtelet a effectué un excellent travail la saison passée. J’ai dit aux joueurs que s’ils voulaient prouver que j’étais un aussi bon président que Duchâtelet, ils devaient faire aussi bien, voire mieux que Saint-Trond. Le succès est la somme de plusieurs facteurs : joueurs, direction, entraîneur, argent, tradition, supporters. Le Lierse est plus avancé que Saint-Trond sur de nombreux aspects. Celui-ci n’a pas neuf internationaux, dont trois qui ont joué un Mondial.

Serez-vous déçu si le Lierse termine huitième ?

De moi-même.

Que répondez-vous à ceux qui estiment que le Lierse pourra être content s’il se maintient ?

Je ne peux répondre sans être grossier. Je ne pense même pas aux deux dernières places.

Le Lierse est-il prêt ?

L’équipe est bonne mais c’est comme un examen : on répond aux questions et en se relisant, on réalise qu’on peut mieux formuler certaines choses. Nous en sommes là. Je ne redoute pas le championnat avec cette équipe. Un ou deux joueurs de plus nous mettront à l’abri de tout contrecoup.

 » Tout club belge rêve d’Edgar Davids « 

Le nom d’Edgar Davids a circulé. Peut-il être un de ces joueurs ?

N’importe quel club belge rêve de lui, même à 37 ans. Un manager m’a dit qu’il souhaitait effectuer son come-back et qu’un club belge l’intéresserait. Je dois bientôt rencontrer son manager.

Hormis les départs d’Eric Deflandre et Tim Matthys, le onze de base n’a pas beaucoup changé alors que vous aviez promis quatre Radzinski et peut-être six autres joueurs, soit dix nouveaux. Avez-vous changé d’avis ?

J’ai cinq nouveaux, parmi lesquels je compte Job et Douala, depuis peu au Lierse. Mohamed El Gabbas est aussi un nouveau : il est arrivé l’année dernière mais n’a plus joué après une blessure dans un match international. Il va devenir une des stars de la D1. Si je fais le compte, nous sommes à huit transferts. Fin août, nous en aurons peut-être dix.

Où sont les quatre Radzinski ?

Je voulais dire quatre joueurs aptes à faire la différence, comme Sekour, Kawashima, Davids et Dequevy.

Comment le Lierse a-t-il réussi le transfert de Kawashima ?

Nous étions presque d’accord avec un gardien égyptien de 37 ans mais la FIFA l’a suspendu quatre mois et Aimé Anthuenis m’a parlé de Kawashima. Nous avons conclu un accord verbal avec son manager avant le Mondial. Nous avons craint que ses performances ne fassent capoter le transfert mais il a été très correct. Le Japon |est un marché important, un des pays les plus riches, avec 120 millions de consommateurs et des multinationales. Embaucher un Japonais peut être commercialement intéressant. Le Lierse a procuré une grande visibilité à Wadi Degla. Pourquoi un autre nom, japonais, ne figurerait-il pas sur nos maillots ?

Vladan Kujovic a disputé une bonne saison l’an dernier pourtant…

Le meilleur jouera. Anthuenis décide.

Le transfert du Sud-Africain Lance Davids est-il aussi une opportunité commerciale ?

Le manager d’El Gabbas m’en a parlé et nous l’avons engagé après le premier match du Mondial. Nous avons des joueurs de douze nationalités et de quatre continents. Je veux que le Lierse devienne une marque internationale.

A part Dequevy et Kris De Wree, vous n’avez pas enrôlé de Belges…

Nous en voulions davantage mais pour diverses raisons, ça ne s’est pas fait.

Pourquoi un joueur aussi populaire et prometteur que Thomas Wils est-il à Turnhout ?

Plusieurs joueurs ont plus de chance de jouer à son poste et il a besoin de temps de jeu. Idem Nathan Goris, qui sera le prochain portier du Lierse, voire de l’équipe nationale.

 » Ahmed Hassan ? J’avais peur de perdre un ami « 

On a cité Ahmed Hassan.

Hassan est un footballeur fantastique, membre de Wadi Degla, et il est aussi un ami. C’est pour ça que j’ai renoncé à l’embaucher. Il était prêt à venir mais je n’avais pas envie de jouer les intermédiaires entre mon coach et un joueur qui est mon ami. J’aurais perdu un ami.

Vous craigniez qu’il ne convienne pas à la vision d’Anthuenis ?

Oui. Ahmed déteste être sur le banc et Aimé y placerait Ronaldo sans broncher s’il ne suivait pas ses instructions.

Pourquoi avez-vous tardé à confirmer Anthuenis à son poste ?

J’attendais la fin de la saison en Egypte. J’ai ensuite proposé à Aimé d’entraîner Wadi Degla, qui dispute sa première saison parmi l’élite et a besoin d’un entraîneur chevronné, auquel je puisse faire une confiance aveugle. Aimé n’en avait pas envie et j’ai reconduit son contrat au Lierse.

Pourquoi trouvez-vous qu’il est un bon coach ?

J’apprécie la discipline qu’il impose et ses interventions en cours de match. Il lit bien le jeu et non seulement il reconnaît ses erreurs mais il les corrige de suite.

Pourquoi optez-vous pour une équipe assez âgée ?

Nous sommes dans une période de transition. Nous allons intégrer des jeunes, progressivement. Kawashima est plus jeune que Kujovic, Dequevy est le cadet de Matthys. La moyenne va baisser dès que les jeunes de l’Académie vont percer, d’ici cinq ans.

Vous êtes garant des finances du club, qui possède une dette importante, ce qui a inquiété la commission des licences car si vous partez demain, c’en est fini du Lierse.

Nous n’avons pas attendu la commission pour agir. Endéans l’année, nous allons muer l’ASBL en SA et convertir les investissements de Wadi Degla en actions. Je l’ai promis à la commission : la prochaine fois, elle n’aura plus de remarque à formuler.

Vous avez investi beaucoup d’argent. C’est toujours le cas ?

La perte diminue. L’année dernière, nous offrions déjà des contrats dignes de la D1. La promotion ne nous coûte donc pas plus alors que les rentrées augmentent. La saison passée, nous n’avions pas de droits de retransmission, de sponsoring. En plus, la billetterie va doubler.

Comment ? Le stade était déjà comble l’an dernier ?

Nous voulons passer de 8.000 à 11.000 spectateurs, le prix des billets a augmenté de 30 % et sera adapté si nous jouons les playoffs 1. Notre budget actuel est de dix millions, dont sept sont consacrés au sport. Nous adaptons le stade pour générer des rentrées : LED-boarding, espaces de restauration, doublement des places réservées aux visiteurs.

Sans nouveau stade, pouvez-vous gagner de l’argent ?

Oui car nous misons davantage sur la vente de joueurs que sur la billetterie. Le Lierse n’attirera jamais 50.000 personnes, puisqu’Anderlecht n’y parvient pas. Mais à terme, on peut en avoir 20 à 25.000.

 » Le Lierse est un meilleur investissement qu’un club anglais « 

Combien d’argent avez-vous injecté en trois ans ?

Entre 20 et 25 millions. Pour ce prix-là, on ne transfère pas un grand joueur en PremierLeague. Le Lierse est un meilleur investissement qu’un club anglais. Là, on obtient plus de droits TV mais les salaires sont plus élevés aussi.

Votre société n’est-elle pas nerveuse ?

Au contraire. Grâce au Lierse, nous obtenons de grands projets. Nous nous imposons face à des entreprises plus riches car nous avons l’expérience du marché européen, grâce au Lierse. Le football est magique, il touche les gens. En tant que président d’un club européen, j’ai un accès plus facile à un chef d’Etat africain qu’un prix Nobel. Je gagne plus d’argent que je n’en perds grâce au Lierse.

Vous n’êtes donc pas mû par le virus du football ?

C’est du business : le football accroît mes revenus. Le nombre d’affiliés de mes clubs sportifs a augmenté depuis la montée de Wagi Degla en D1. Le jour où un jeune de Wagi Degla s’imposera au Lierse, tous les parents rêveront d’inscrire leur fils chez nous car ce sera la meilleure filière pour réussir une carrière en Europe.

Vous n’avez encore investi qu’en joueurs mais sans encore réaliser de vente bénéficiaire ?

Les grands clubs ne transfèrent pas de joueurs de D2 belge. Il faut du temps pour vendre les joueurs avec bénéfice. Mon projet deviendra une machine à sous endéans les dix ans. Trois années se sont écoulées. Dans sept ans, je veux avoir récupéré mon investissement et avoir mis au point un projet rentable.

Pourquoi collaborez-vous avec Turnhout ?

Pour avoir une équipe où nos jeunes talents puissent se préparer à la D1. Quand je sponsorisais Turnhout, il était un cran en dessous. Après sa promotion, ce n’était plus possible. Je n’allais pas sponsoriser un club qui aurait rivalisé avec le mien ! En le quittant, je risquais de perdre de l’argent mais je sauvais mon principal investissement, le Lierse. Nous avons discuté avec le Lyra mais il était en Promotion. La montée du Lierse m’a incité à me retourner vers Turnhout, plus comme sponsor mais comme propriétaire, à condition que les gens qui m’avaient rendu la vie difficile pendant deux ans quittent le club.

Que ferez-vous si le Lierse est rétrogradé et que Turnhout se maintient ?

Je devrai vendre un des deux clubs ou les fusionner. Un propriétaire en a le pouvoir, pas un sponsor.

Quel rôle joue votre club égyptien, Wadi Degla, pour vous ?

Wadi Degla est mon meilleur produit de marketing en Egypte. L’année dernière, notre société a dépensé deux millions d’euros en publicité. Depuis que Wadi Degla est en D1, nous paraissons tous les jours dans les journaux, gratuitement. J’économise déjà deux millions. S’il se maintient, je serai content. L’année dernière, nous n’avions pas plus de 2.000 spectateurs. J’espère en accueillir davantage à l’avenir. 25.000 familles sont membres de mes clubs sportifs, ce qui représente 100.000 personnes. Il doit être possible d’en attirer 5 % à nos matches d’ici quelques années.

Par Geert Foutré – Photos: Jelle Vermeersch

J’ai injecté entre 20 et 25 millions en trois ans au Lierse. Mon projet deviendra une machine à sous endéans les dix ans.

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