Le ketje et la photographe

Bruno Govers

Dans quelle mesure vos deux années passées à Naples ont-elles influé sur votre vie au quotidien?

Bertrand Crasson (30 ans): Cet impact est effectivement perceptible dans un certain nombre de domaines. Au niveau des rapports humains, j’ai indéniablement appris à m’ouvrir davantage aux autres là-bas. La générosité et, surtout, la volubilité, ne sont sûrement pas des vains mots chez les Transalpins. Sur le plan culinaire, Mireille et moi nous en tenons toujours, aujourd’hui, à l’huile d’olive, aux antipasti et aux salades légères. En matière d’ameublement, nous avons eu la chance de faire connaissance du patron de la firme Horas. Il nous a conseillé lors du choix du mobilier et de l’éclairage dans notre maison. D’un point de vue plus personnel, ma garde-robe s’est étoffée elle aussi au contact des couturiers italiens. Les belles fringues, c’est une institution du nord jusqu’au fin fond de la Botte!

Dans l’éducation que vous donnez à vos enfants, Barbara et Sacha, reproduisez-vous des schémas que vous ont inculqués vos parents?

Autrefois, il m’est arrivé de pester contre mon père car j’avais le sentiment qu’il nous menait réellement trop à la dure, mon frère Olivier et moi. Avec le recul, je lui suis reconnaissant d’avoir été aussi exigeant. Si je suis plurilingue et si je possède des bases en musique, par exemple, c’est essentiellement à lui que je le dois. Aujourd’hui, je veille quand même, dans une large mesure, à transposer cette éducation. J’aimerais que la maxime Mens sana in corpore sano soit d’application à mes deux enfants. C’est pourquoi, outre les études, j’ai à coeur qu’ils développent une sensibilité dans un autre domaine. Pour l’heure l’aînée, Barbara, qui va sur ses 6 ans, fait du théâtre, de la danse classique et du tennis. Sacha, 3 ans, devrait, en principe, imiter son exemple. A cette nuance près que c’est avant tout le piano et le football qui l’intéressent.

Barbara et Sacha sont des prénoms russes. Les avez-vous choisis afin d’éviter certaines susceptibilités linguistiques comme Eddy Merckx l’avait fait jadis avec son fils Axel et sa fille Sabrina?

Ce critère-là n’a pas du tout dicté nos choix. Nous voulions tout simplement éviter, Mireille et moi, les phénomènes de mode. Au moment où Barbara est née, la tendance était aux Julie et Virginie. Pour nous, Barbara était à la fois plus beau et plus international, puisque ce prénom est en vigueur aussi bien chez nous qu’en Italie, en Angleterre ou dans les pays de l’Est. Idem pour ce qui est de Sacha. Si nous avions sacrifié à la mode du moment, nous aurions dû l’appeler Maxime, Antoine ou Mathieu.

Votre piano constitue un magnifique héritage du passé. En jouez-vous souvent?

Au gré de mes envies, je passe du classique au moderne de façon épisodique. En matière de goûts musicaux, je suis très éclectique. D’un côté, j’apprécie Mozart ou Sibelius. Mais dans un autre registre, j’aime tout autant Charles Aznavour, Henri Salvador ou encore Buddha-Bar. Sans oublier mon ami Marka.

Vous avez de véritables amis dans le monde du football également?

Oui. J’ai conservé beaucoup d’affinités avec Pär Zetterberg et Enzo Scifo. Et parmi la génération actuelle, je suis très proche d’Olivier Doll, Walter Baseggio et, aussi bizarre que cela puisse paraître, peut-être, de mon concurrent direct au poste de back droit, Manu Pirard.

Vous passez volontiers pour le Bruxellois-type.

Même si j’habite Rhode-St-Genèse à présent, je reste avant tout un ketje. A l’époque où je jouais à Naples, il m’arrivait de profiter d’une journée de congé pour revenir quelques heures à peine dans notre capitale. Et vous n’imaginez pas à quel point je me régalais d’un américain-frites. J’adore Bruxelles, à la fois pour son côté cosmopolite et sa zwanze. L’un de mes plus grands plaisirs est d’écouter les Marolliens près de la Place du Jeu de Balle. Si j’ai un souhait à exprimer, c’est que ce dialecte-là résiste à l’usure du temps. Il est le symbole de la capitale de l’Europe au même titre que Manneken-Pis!

Tout le monde connaît Bertrand Crasson…

Mireille Roobaert (33 ans): J’essaie de ne pas être seulement l’épouse de Bertrand et la maman de Barbara et Sacha, mais d’avoir aussi une vie personnelle et des activités intenses. Actuellement, je suis photographe free-lance. Je fais des clichés de maisons et d’intérieurs, notamment. Lors de notre séjour à Naples, il m’est arrivé aussi de fixer Bertrand et ses partenaires napolitains sur pellicule à l’occasion de matches au stade San Paolo, ainsi qu’à Rome et Pérouse. J’ai également mis à profit mes moments de temps libre pour m’adonner à la peinture. Plusieurs oeuvres décorent d’ailleurs notre maison. Plus tard, je compte fermement me mettre à la sculpture également, histoire de décorer par-ci par-là notre jardin.

Comment avez-vous connu Bertrand?

Nous avons lié connaissance lors de nos humanités à l’Institut Notre-Dame de la Paix, à Schaerbeek, avant de nous perdre de vue. Dans le cadre de mon graduat en photographie, à St-Luc, j’ai été appelée à devoir effectuer un travail de fin d’études. Je me suis subitement souvenue, à ce moment, qu’un de mes anciens compagnons de classe s’était lancé dans le football. Et c’est ainsi que j’ai repris contact avec Bertrand. Il m’a tellement bien aidée pour ce travail que nous ne nous sommes plus jamais quittés ( elle rit).

En tant que femme de joueur, comment vivez-vous les railleries, voire les injures dont Bertrand fait quelquefois l’objet?

Il s’en accommode mieux que moi, conscient de ne pas pouvoir plaire à tout le monde. Personnellement, je ne comprends pas cet acharnement, même s’il ne se limite plus, aujourd’hui, qu’à une infime frange de supporters du Standard.

A quoi ressemble votre vie en dehors du football?

Notre attention, à Bertrand et moi, va en tout premier lieu aux enfants. En soirée, il nous arrive de sacrifier un concert ou un spectacle.

Quel genre de papa Bertrand est-il?

Un papa-gâteau. C’est une véritable crème pour les enfants. Il y a une très grande complicité entre Sacha, qui lui ressemble, et lui, alors que Barbara est plus proche de moi au plan du caractère. Je pense que Bertrand se retrouve dans son fils. Et il en est réellement dingue. Ce n’est pas pour rien, assurément, s’il a dédié le but qu’il a inscrit en Ligue des Champions, au PSV, l’année passée, à Sacha.

Vous songez parfois à l’après-football?

Bertrand vient de fêter ses trente ans en octobre. Il faut bien s’en faire une raison: pour lui, le compte à rebours a commencé, même s’il est apte à jouer jusqu’à 35 ans, par exemple. Par après, j’ose espérer, tout simplement, que Bertrand aura toujours une activité professionnelle qui l’occupera. Jusqu’à présent, nous avons toujours vécu une vie débordante en raison de nos occupations respectives. Je crois que nous éprouverions des difficultés dans une existence plus oisive. Même si, par rapport aux personnes de notre âge, Bertrand aura eu l’occasion de se constituer un joli bas de laine.

Quelle est la dernière folie que vous vous êtes payée?

J’ai fait transformer une partie du garage en studio pour mes activités professionnelles.

Quel est l’objet qui vous tient le plus à coeur?

Je préfère parler d’objets au pluriel: mes appareils photos, mes disques, mes livres. Tous signifient une émotion particulière.

Les vacances idéales, c’est quoi?

Je ne pense pas qu’on les vivra tant que Bertrand exercera ses activités de footballeur. Généralement les entraînements reprennent quand les vacances scolaires commencent pour les enfants. De la sorte, il m’est déjà arrivé quelquefois de partir seule avec eux. Mais Bertrand et moi rêvons de pouvoir les emmener un jour à la découverte de pays qui nous fascinent. Comme l’Australie, Madagascar et l’Inde. On les visitera un jour, c’est sûr. Mais quand?

Bruno Govers

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