Le juste milieu

Défenseur à ses débuts, puis attaquant, le Brabançon a fini par trouver sa voie dans l’entrejeu du Racing.

Une saison n’est pas l’autre. David Hubert est bien placé pour en parler. Sous Hein Vanhaezebrouck, il avait été aligné – puis retiré – au poste d’arrière dans le fameux 3-4-3. Repêché comme médian défensif par Frankie Vercauteren, le Brabançon a stabilisé cette charnière et contribué au bel essor de Genk.

David Hubert : Nous réussissons au-delà de nos propres espérances. Vu notre redressement, nous briguions d’abord les play-offs 1. Mais nous étions loin de nous douter que nous nous retrouverions en tête quasi à mi-chemin de la première partie de la compétition. Cette position, nous ne l’avons pas usurpée. Nous avons précisément réalisé des résultats enviables face à des rivaux directs car, avant de rencontrer Anderlecht, nous avions fait 0-4 à Gand, 2-2 au Club Bruges (alors que nous étions à 10) et 4-2 contre le Standard. L’année passée, avec nos 11 points en autant de matches, nous étions loin d’afficher une même souveraineté…

Qu’est-ce qui explique ce contraste ?

Puisque l’effectif est resté strictement le même, je ne vois que le changement de T1, et l’adoption d’un nouveau système. Je ne veux pas dénigrer Vanhaezebrouck, qui est sûrement un excellent meneur d’hommes. Il le prouve à Courtrai aujourd’hui. Son tort a été d’avoir voulu imposer un système qui avait peut-être porté ses fruits à Courtrai mais qui n’a pas pris au Racing pour la bonne et simple raison que les composantes du noyau ne s’y prêtaient pas. Quand on est habitué à jouer à quatre en défense, il est difficile de passer à une occupation à trois. Je l’avais vérifié lors de notre rencontre chez nous face au Sporting Charleroi. L’entraîneur s’était acharné sur moi parce j’avais laissé trop d’espace à Grégory Christ, précipitant notre défaite (1-2). Par après, je m’étais retrouvé sur le banc pour ne plus en décoller jusqu’à la venue de Vercauteren.

David Boum-Boum

Comme bon nombre de formations, Genk évolue avec deux régulateurs et deux créateurs excentrés : Buffel et De Bruyne (ou Dugary depuis que le néo-international a une mononucléose). Mais comme tour de contrôle, vous n’êtes pas logé à la même enseigne que Tozser…

Exact. En raison de son expérience et d’un sens du but beaucoup plus aiguisé, Daniel est davantage infiltreur, alors que je suis toujours obligé de veiller au grain. Parfois, mon passé me rattrape et l’envie me prend d’appuyer la man£uvre. Comme lors de notre récent déplacement à Courtrai. Alors l’entraîneur me rappelle à l’ordre. Je le comprends car il faut bien que quelqu’un assure la couverture quand un autre veille à créer le surnombre. Mais il me dit de rester en place quand un de nos défenseurs effectue une montée. Il part du principe que si je coulissais vers l’arrière pour prendre la position de celui qui monte, l’effet de l’avantage numérique sera annihilé. Avec Vercauteren, je sais mieux à quoi m’en tenir et mes coéquipiers aussi. Sous Vanhaezebrouck, l’accent était mis davantage sur le collectif que sur l’aspect purement individuel. Bien entendu, à 22 ans, un jeune doit être guidé.

Vous avez été utilisé dans l’axe de la défense et de la ligne médiane. Quel rôle recueille votre adhésion ?

Une place centrale, dans l’entrejeu même si je peux être utilisé à l’arrière ou au demi. L’essentiel, pour moi, consiste à avoir le jeu devant moi. Après avoir débuté comme arrière à Hoeilaart, on m’avait parachuté devant au FC Malines sous prétexte que j’avais le sens du but. En catégories d’âge du Kavé, je plantais une vingtaine de goals par saison comme numéro 10. On me surnommait David Boum-Boum. Seul Steven Defour, aligné à l’extérieur droit à l’époque, faisait mieux que moi ( il rit). On a tous les deux reculé dans le jeu et perdu un peu notre sens du but. D’ailleurs, quand je marque à l’entraînement, tout le monde s’arrête et applaudit, tellement c’est rare. Le seul qui a gardé toute son efficacité, c’est Marvin Ogunjimi, aussi à Malines avec un an de plus. Il y avait franchement du beau monde là-bas. J’ai également eu Ritchie De Laet comme coéquipier, devenu célèbre suite à son passage à Manchester United.

Sciences éco et management sportif

Tous ces anciens partenaires sont aujourd’hui plus médiatisés que vous. Avez-vous craint de rester en rade ?

Certains touchent au but grâce à leur talent. Comme Steven, qui survolait les débats en classes d’âge. D’autres arrivent à force de travail, comme moi. La perception est différente aussi selon la place qu’on occupe. Un attaquant productif fait davantage la manchette qu’un demi défensif. Pour le même prix, je n’aurais pas goûté à ce plaisir aujourd’hui. A 17 ans, j’ai été en effet contraint au repos forcé pendant dix mois suite à un problème de croissance. Je me suis rendu compte à ce moment-là qu’une carrière était aléatoire et c’est ce qui m’a poussé à élargir mon horizon. Diplômé de la section sport-élite de Louvain, il m’était loisible d’entreprendre des études universitaires. Et c’est ce que j’ai fait en sciences économiques appliquées à Diepenbeek, non loin de Hasselt. Au début, je n’ai guère éprouvé de problèmes à concilier études et football. Mais dès l’instant où je me suis retrouvé en Première, marier les deux activités s’est avéré très compliqué. J’ai fait deux années complètes avant d’interrompre ma formation. Une soirée par semaine, je suis des cours d’espagnol. Je possède trois langues à fond : le français, le néerlandais et l’anglais. Je me dis qu’avec l’espagnol en plus, j’aurai un atout supplémentaire plus tard. Peut-être est-ce lié aux problèmes de santé que j’ai connus, mais j’ai toujours voulu voir plus loin que le bout de mon nez. Il m’arrive déjà de songer à mon après-carrière dans le management des sportifs.

Comment êtes-vous devenu polyglotte ?

Mes parents sont francophones mais mes trois s£urs, mes deux frères et moi avons été placés dans des écoles néerlandophones. En ce qui me concerne, ce fut le collège Saint-Joseph à Woluwé-Saint-Pierre. Le néerlandais, je l’ai pratiqué aussi dans le club de mes débuts, l’Eendracht Hoeilaart où la moitié des joueurs étaient flamands. Je n’ai jamais connu le moindre problème entre communautés linguistiques. Idem au FC Malines, où mon père s’occupait des jeunes francophones et Jacques Defour, le père de Steven, des petits néerlandophones. Tous ces gamins étaient unis comme les doigts de la main. Plus tard à Genk, l’anglais est venu se greffer sur ces deux langues. De plus, la ville est un véritable melting-pot avec ses Belges, Turcs, Polonais et Italiens. Ici, c’est le foot qui rassemble tout le monde. Nos politiciens devraient en prendre de la graine.

Quels objectifs vous êtes-vous fixés ?

Faire partie des incontournables. Après un match, je suis rarement content de moi, même si on me félicite. Je n’aime pas entendre que j’ai fait un tout bon match. Ça n’existe pas : il y a toujours quelque chose à améliorer. Ma vitesse de réaction et mon démarrage, par exemple. J’y travaille tous les jours. Dans mon rôle, je ne serai vraiment mature qu’à 26 ou 27 ans. En attendant, je bosse et j’essaie de m’inspirer des autres. Mes exemples, en Belgique, sont Lucas Biglia pour ses qualités à la récupération et Bernd Thijs qui, dans un registre similaire, parvient à faire mouche de temps à autre. Et un petit but de temps en temps m’arrangerait bien. Même si je n’en fais pas une fixation parce qu’à Genk, d’autres font ça autrement mieux que moi ( il rit)

PAR BRUNO GOVERS

 » A Genk, c’est le foot qui rassemble tout le monde. Nos politiciens devraient en prendre de la graine. « 

 » Mes exemples sont Biglia pour ses qualités à la récupération et Bernd Thijs au niveau finition. « 

 » Quand je marque à l’entraînement, tout le monde s’arrête et applaudit, tellement c’est rare. « 

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire