» Le jour où Charleroi est parti en zigzag… « 

Pour l’attaquant flashy de Zulte Waregem, il y a des gens, des trucs, des événements qui méritent qu’on s’y attarde, qu’on les commente, qu’on les vante ou qu’on les détruise. Et des personnages et autres bazars sans intérêt, auxquels il vaut mieux ne pas faire honneur.

L’attaquant français de Zulte Waregem, a fait son choix parmi une série de thèmes que nous lui avons soumis. Il parle en détail de ce qui est intéressant à ses yeux. Et élimine en quelques mots ce qui ne le passionne pas/plus (voir encadré).

Broos, chef de guerre

Habib Habibou :  » Le jour où il est arrivé, il m’a dit qu’il ne comprenait pas pourquoi j’avais aussi peu marqué depuis le début de la saison. Il estime que je fais partie des cinq meilleurs attaquants du championnat et que je vaux un club du top. Il m’a aussi lancé : -Si tu t’éternises ici, tu en seras le seul responsable, cela voudra dire que tu n’auras pas bien travaillé. Il a su me gérer et me donner confiance. Un autre discours fort que je retiens de lui : -Si je dois partir à la guerre, je te prends avec moi. Il m’a aussi avoué qu’il était étonné en comparant le joueur qu’il a tous les jours sous ses ordres et ce qu’il avait entendu sur mon compte. Je lui ai expliqué que c’était dû à mon passé à Charleroi. Beaucoup de gars passés par le Sporting se sont retrouvés avec une sale étiquette, sans raison valable. Avec HugoBroos, je retrouve aussi les sensations que j’avais chez les jeunes du PSG : je suis un vrai électron libre devant. Pour un attaquant, c’est magnifique.  »

Son lien avec la République Centrafricaine

 » Je suis né là-bas mais j’ai grandi à Paris. La Fédération centrafricaine fait le forcing pour que je devienne international, elle me met la pression. Le président et le coach sont plusieurs fois venus me voir, ils ont parlé avec mon agent et ma famille. Je viens encore de refuser une convocation. Quelque part, c’est attirant car la République Centrafricaine fait de bonnes choses dans le groupe éliminatoire du Maroc et de l’Algérie. Mais je ne le sens pas pour le moment. C’est trop tôt, je ne veux pas brûler les étapes. Et je pourrais avoir mieux ailleurs. On ne peut pas m’interdire de penser à l’équipe de France. Ou aux Diables Rouges : j’ai entamé les démarches pour une naturalisation. « 

Le canard qui a fait le buzz

 » L’histoire du canard que j’ai empoigné en plein match et balancé au-dessus d’une balustrade, j’aimerais qu’on n’en parle plus. Mais c’est impossible. On me le rappelle tout le temps. Depuis ce jour-là, quand je marque un but à domicile, les panneaux publicitaires rotatifs font défiler le logo H7 (mon initiale et mon chiffre porte-bonheur) et une troupe de petits canards ! C’est mignon, cool. Quel buzz, en tout cas ! Tout le monde mange du canard et il se passe des choses bien plus graves en Belgique, mais on a parlé de l’incident pendant des semaines. Partout. Mon agent, qui était en Afrique, m’a appelé pour me dire que ça faisait l’actualité là-bas. Les images sont passées au Québec. En France aussi. Geoffrey Mujangi-Bia m’a appelé d’Angleterre : -C’est quoi, ce truc avec un canard ? Mais je ne regrette pas mon geste. S’il revient sur la pelouse, je vais encore le sortir, ce canard.  »

Son look original

 » Ben quoi, il est normal mon look, non ? (Il se marre). C’est mon style, c’est cool. Les tresses, les boucles aux oreilles, les godasses de couleurs vives, j’aime. Philippe Vande Walle m’avait démoli à cause de mes chaussures roses mais ce n’est pas la godasse qui fait le joueur, quand même ? Tu peux avoir des belles pompes et rater tous tes matches, tu peux avoir des godasses trouées et planter 60 buts sur ta saison. Pour mes fringues, je m’inspire du londonien, de footballeurs de la Premier League et de la Ligue 1, et de chanteurs américains.  »

Mathijssen, le coach qui l’a fait chialer

 » JackyMathijssen est l’entraîneur qui m’a sorti du noyau des Espoirs de Charleroi et m’a lancé en D1. Il aurait pu me laisser sagement où j’étais car il avait du lourd dans son groupe : François Sterchele, Joseph Akpala, Izzet Akgül et encore d’autres. Je n’étais qu’un tout petit jeune, le vingt-cinquième joueur. Mais j’ai été meilleur buteur en préparation et fait douter Mathijssen, je l’ai mis dos au mur. Avec mes stats, il était obligé de me donner une chance. Il ne l’a fait qu’au compte-gouttes et je l’ai mal vécu. J’estimais que je méritais plus de temps de jeu. Alors, nos relations sont devenues compliquées. Il me reprochait plein de petits trucs, notamment des retards, moi je voulais être titulaire et j’insistais. Quand il me mettait sur le banc, je tirais la tête. Il me disait que je n’étais encore qu’un petit et ça me mettait hors de moi. Il m’interdisait aussi de parler aux médias, je ne comprenais pas. Je lui en voulais à fond. Il m’a carrément fait chialer, c’est une image de ma carrière que je n’oublierai jamais. C’était un jour où il m’avait annoncé une nouvelle fois que je serais réserviste. Je ne voulais pas pleurer devant lui mais les larmes ont commencé à couler. Je me suis dit : -Putain, c’est pas vrai, ce n’est pas un entraîneur qui peut me mettre dans un état pareil ? Avec le recul, j’ai compris qu’il avait eu raison sur toute la ligne. Il savait ce qu’il faisait.  »

Mogi Bayat, on ferme la parenthèse

 » En fait, je n’ai plus envie de parler de lui. C’est fini, c’est mieux ainsi, la vie continue, j’avance à droite, lui à gauche. Pendant des années, je l’ai vanté. Normal : j’étais jeune, il me guidait, il était toujours là pour moi. Je l’écoutais, toute ma famille l’écoutait, c’était notre homme de confiance. Puis, il y a eu des histoires : je suis tombé de haut. J’avais longtemps cru en lui mais il m’a mis des couteaux dans le dos, il a essayé de m’arnaquer. Je me suis rendu compte progressivement que l’homme était mauvais, qu’il magouillait. Mais au début, je ne disais rien, ce n’étaient pas mes affaires, je n’étais pas concerné. Je savais qu’ Abbas Bayat n’était pas au courant de tout ce que Mogi faisait. Quand il a ouvert les yeux, il a pris la seule décision possible. Famille ou pas, il ne pouvait y avoir qu’un verdict : OUT ! Mogi m’a roulé de 80.000 euros. On ne sait jamais, si Charleroi me verse un jour cet argent, je l’offrirai à une £uvre, à des orphelins ou des enfants handicapés. Mon agent m’a conseillé de laisser tomber. Je n’ai pas de preuves écrites : normal, j’avais une confiance aveugle en Mogi et je n’allais pas exiger que tout soit sur papier. Tant pis. Mon agent m’a aussi dit : -Marque plein de buts, et cet argent, tu le toucheras plusieurs fois dans les années à venir. Et je ne suis même pas rancunier par rapport à Mogi. Bonne chance à lui dans sa nouvelle vie. La plupart des agents de joueurs sont des magouilleurs, donc Mogi peut réussir dans ce métier.  »

Drogba, son pote

 » Je ne vais pas me vanter et dire que Didier Drogba est mon pote-pote-pote… mais nous nous connaissons bien quand même. Grâce à notre agent commun, Pierre Frelot, qui a racheté le portefeuille de Pape Diouf. Drogba est une de mes références dans le foot actuel et il me donne envie de rêver. Je l’ai rencontré pour la première fois à Paris quand il y était venu en tant que parrain d’un centre de foot au Sénégal. Nous avons mangé ensemble et beaucoup discuté. Je l’ai revu au Soulier d’Ebène. Il m’a offert un de ses maillots. Et nous avons récemment réveillonné ensemble à Londres. Lui aussi s’est manifesté après l’épisode du canard. Il a appelé Frelot et lui a dit : -Qu’est-ce qu’il a fait avec le canard, ton petit poulain ?  »

Les barrages pour Charleroi

 » Je ne suis pas étonné, c’était écrit que ça allait se terminer comme ça. A force de travailler comme les Bayat l’ont fait, ça devait péter, il fallait que ça se retourne contre eux. Ma dernière saison là-bas a été un enfer. Plus personne n’avait envie de s’entraîner. Dans le vestiaire, toutes les discussions tournaient autour des années de contrat de chacun et les envies de départ. Et pourtant, le Sporting a eu des belles cartes en mains. Il y a eu une équipe là-bas. Nous pouvions taper n’importe qui et tous les adversaires avaient peur de venir. Des gars comme Adlène Guédioura, Majid Oulmers, Pelé Mboyo, Geoffrey Mujangi-Bia, Cyril Théréau, Badou Kéré, Frank Defays, Bertrand Laquait, Grégory Christ et moi, ça faisait mal, hein ! Tu gardes tout ça, tu achètes deux ou trois joueurs pour équilibrer les lignes, tu augmentes un peu les salaires, tu boostes tout le monde en offrant des meilleures primes, et ton club a de bonnes chances de décoller. Charleroi a raté une occasion unique de passer un palier parce que la base était là. Au lieu de cela, les Bayat ont vendu tous les meilleurs et n’ont acheté personne. Et le club est parti en zigzag.  »

PAR PIERRE DANVOYE – PHOTO: PHOTONEWS

 » Avec Broos, je retrouve les sensations que j’avais chez les jeunes du PSG. « 

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