Le jeu se complique

Bruno Govers

Pour le médian, Anderlecht est toujours capable d’un exploit, mais le collectif doit être très soudé pour ne pas souffrir d’un système à l’exécution risquée.

Ce soir, devant l’AS Roma, Anderlecht abordera son deuxième rendez-vous en Ligue des Champions 2001-2002. Le premier s’était soldé, à Moscou, par un draw face au Lokomotiv local: 1-1. Un résultat qui laissait un sentiment mitigé chez la dynamo du Sporting, Yves Vanderhaeghe.

Yves Vanderhaeghe: D’un côté, je suis content. Sur le plan collectif, l’équipe a indéniablement livré à Moscou l’un de ses meilleurs matches de la saison, à l’image de ce qu’elle avait réalisé précédemment à Halmstad et à La Louvière, où la prestation du groupe avait été sans faille. L’observateur relèvera que ces trois joutes ont eu lieu en déplacement. Au Parc, nous n’avons toujours pas livré jusqu’ici une partie correcte à tous points de vue. Nous partons peut-être trop facilement du principe qu’il ne peut rien nous arriver de fâcheux chez nous et, dans ces conditions, l’application sur le terrain n’est plus la même. Il suffit alors que l’adversaire joue résolument le jeu pour que l’on s’expose à des déconvenues. Face aux Suédois, il s’en était fallu de très peu, finalement, pour que nous n’endurions la défaite dans notre fief alors que nous aurions logiquement dû être sur le velours après notre victoire par 2 buts à 3 à l’aller. Dans un même ordre d’idées, nous avions souffert également contre le Racing Genk, qui avait fait preuve d’esprit d’entreprise dans nos installations. Dès lors, s’il y a une leçon à retenir, c’est que sans une entraide de tous les instants, le Sporting risque de se compliquer l’existence. L’année dernière, il nous était encore permis de spéculer sur l’un ou l’autre extra de garçons comme Bart Goor, Jan Koller ou Tomasz Radzinski. Je ne prétends pas que Gilles De Bilde, Ivica Mornar voire Nenad Jestrovic n’aient pas la même dimension. Mais ils n’ont pas encore la possibilité de pouvoir conférer au team un tel plus. C’est normal: le Yougoslave est blessé, Moka est arrivé sur le tard et a été freiné par quelques bobos tandis que mon ancien partenaire à Alost n’éprouve pas encore toutes ses sensations. S’il en avait été ainsi, dès le départ, je ne pense pas que nous aurions gaspillé plusieurs points déjà, dans le cadre du championnat. Et je ne crois pas, non plus, que nous aurions, dans ce cas de figure, concédé le partage au Lokomotiv. Honnêtement, cette phalange-là était la moins forte de toutes celles que nous avons rencontrées jusqu’à présent en Ligue des Champions. Si nous avions affronté cette opposition avec le onze qui a terminé la saison passée, nous aurions emporté la totalité de l’enjeu dans la capitale de Russie. Aussi, même si le point ramené du Lokomotiv ne constitue pas une mauvaise affaire, j’ai quand même un goût de trop peu. Pour moi, il ne fait pas le moindre doute que, compte tenu de la valeur des Moscovites, le Real Madrid et l’AS Roma prendront le maximum des points face à eux. Dès lors, nous aurons fort à faire pour créer une surprise de dimension, comme voici un an, en forçant les portes du deuxième tour de l’épreuve. La seule consolation, c’est qu’un draw fait évidemment figure de bon résultat dans le mano a mano qui risque de nous opposer aux joueurs russes dans l’optique de la troisième place, synonyme de repêchage en Coupe de l’UEFA. Reste que le football réserve, chaque année, son lot de surprises. Nous l’avions d’ailleurs prouvé au cours du défunt exercice. Alors, sait-on jamais…

« L’effet de surprise ne jouera plus au Parc Astrid »

Anderlecht n’aborde-t-il pas l’AS Roma au bon moment? Les Giallorossi ont effectivement loupé leur entrée en matière face au Real Madrid et auront manifestement à coeur de se racheter au Parc Astrid?

Ils ne voudront pas retourner les mains vides, c’est vrai. Mais de là à jouer à visière découverte, il y a un pas. D’autre part, la mésaventure subie par la Lazio, chez nous, il y a quelques mois à peine, leur servira à coup sûr de leçon. Alessandro Nesta et les siens avaient eu tort de ne pas nous prendre au sérieux. Je n’ai pas l’impression que leurs frères ennemis tomberont dans le même piège. Cette remarque vaut d’ailleurs pour tous ceux qui sont appelés à nous rendre visite, à l’instar du Real Madrid, qui s’était fait surprendre lui aussi sur nos terres. En réalité, l’effet de surprise ne jouera plus en notre faveur et il faut dès lors s’attendre à ce que tous ceux qui se produisent chez nous témoignent de plus de respect. Cette disposition d’esprit est, bien sûr, de nature à compliquer singulièrement notre tâche. Car, par le passé, nous avions pu profiter des espaces laissés par l’opposant pour frapper par le biais de contres rondement menés. Cette fois-ci, nous ne disposons plus d’une telle arme, dans la mesure où Tomasz Radzinski nous a quittés. Sans cet apport et avec la déférence de l’adversaire, notre mission sera beaucoup plus compliquée, c’est sûr. Il faudrait vraiment un miracle pour que nous réalisions le carton plein au premier tour, au même titre que ce que nous avions réussi il y a un an tout juste. Je suis toutefois convaincu qu’à défaut de rafler toute la mise, nous sommes parfaitement en mesure de créer l’exploit de temps à autre. Et pourquoi pas face à l’AS Roma? Pour ce faire, notre bloc devra tout simplement être supérieur aux individualités d’en face, comme c’était le cas à Moscou. A nous de prouver que nous sommes capables d’adopter cette même attitude au Parc Astrid à présent.

« Notre jeu n’est pas des plus simples »

On peut comprendre que les nouveaux venus, pour les raisons évoquées plus haut, n’ont pas encore donné leur pleine dimension. Mais comment expliquer que le football déployé par le Sporting manque à ce point de liant et de tranchant?

D’après moi, il y a trois raisons. La première découle des changements et permutations opérés depuis le début de la compétition. L’année dernière, d’un bout à l’autre de la saison, Anderlecht a quasiment joué avec les mêmes footballeurs et le même système. A présent, nous sommes très loin d’un onze immuable. C’est bien simple, seuls Filip De Wilde, Besnik Hasi et moi avons joué, jusqu’ici, de manière constante à la même place. Tous les autres ont été amenés à s’exprimer dans des registres différents. Dans semblables circonstances, il est difficile, évidemment, d’obtenir un ensemble bien huilé.

Une deuxième tentative d’explication, c’est que par rapport à d’autres, le jeu du Sporting n’est pas des plus simples. Compte tenu de ses composantes, le style brugeois, pour ne citer que cet exemple, est plus facile à comprendre. Chaque joueur sait à quoi s’en tenir avec le mode d’expression prôné par Trond Sollied. C’est d’ailleurs ce qui a fait son efficacité, au cours du premier tour de la saison dernière avant de plonger le Club dans l’embarras, après la trêve hivernale, au moment où la plupart des adversaires mesuraient mieux comment contrecarrer les actions des Flandriens. Chez nous, il y a toujours eu une plus grande part pour l’imprévisible. Il en était déjà ainsi avec l’apport de ceux qui nous ont quittés et il n’en va pas différemment avec les nouveaux venus. A cette nuance près que nous devons encore apprendre où un Gilles De Bilde, un Ivica Mornar et, aussi, un Aruna Dindane, veulent en venir quand ils entreprennent une offensive. Pour l’heure, ces armes-là sont toujours à double tranchant. Dans le cas de notre jeune Ivoirien, par exemple, une perte de balle au moment impromptu suffit à déstabiliser toute l’équipe. Car quand il est lancé dans ses dribbles, beaucoup de nos joueurs accompagnent souvent le mouvement, persuadés qu’un service décisif va suivre. Si l’intéressé nous a été plus d’une fois d’un concours précieux dans ces conditions, il faut bien avouer aussi qu’il s’est parfois compliqué la vie à d’autres occasions, mettant alors ses partenaires dans l’embarras. Il va de soi qu’à la longue, il dépouillera son jeu et que le déchet sera limité. Mais pour le moment, l’effet de surprise se situe quelquefois des deux côtés, il faut bien l’avouer.

Un troisième motif qui explique notre manque de souveraineté, c’est une certaine absence de créativité, pourquoi le cacher. Besnik Hasi et moi sommes davantage des récupérateurs que des inspirateurs et c’est la raison pour laquelle la présence d’un Walter Baseggio et d’un Alin Stoica seraient sûrement profitables à l’équipe.

« Nous avons tous à gagner d’une parfaite symbiose »

Serait-ce une manière de renvoyer l’ascenseur, pour vous, après avoir fait l’apologie, en tout début de saison, de Besnik Hasi?

J’ai effectivement plaidé la cause du Kosovar, arguant qu’avec lui le RSCA y gagnait en matière de récupération du cuir. Je n’ai toutefois dit à aucun moment, comme certains l’ont laissé entendre, que je préférais évoluer avec lui à mes côtés plutôt qu’avec les deux autres. C’est archi-faux. Je suis le premier à admettre qu’en matière d’orientation de la manoeuvre, ils nous manquent singulièrement depuis deux mois, l’un et l’autre. Mais, de leur côté, ces deux garçons doivent pouvoir admettre également qu’au plan purement défensif, ils ne sont pas d’un même secours que nous. Ce n’est nullement un reproche mais un simple constat. Je regrette réellement qu’on puisse prendre ombrage de cette remarque, dénuée de toute arrière-pensée. Je crois que nous avons tous à gagner d’une parfaite symbiose. En ce qui me concerne, si j’ai terminé deuxième du Soulier d’Or l’hiver passé, j’en suis sûrement redevable, pour une bonne partie, à l’apport à mes côtés du Clabecquois, pour ne citer que lui. Dans un même contexte, je crois pouvoir dire aussi que si Walter Baseggio a été nommé Footballeur Pro de l’Année et Alin Stoica Jeune Pro de l’Année, c’est peut-être aussi grâce au travail que j’ai effectué pour l’équipe et, corollairement, pour eux. Chacun de nous s’y est retrouvé dans ces conditions. J’ose espérer qu’il en ira de même cette année…

Bruno Govers

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire