« Le jeu de Bruges est trop prévisible »

Bruno Govers

Il avait été le grand artisan de la victoire du RSCA, à Bruges, la saison passée.

Programmé à trois journées de la fin la saison passée, Bruges-Anderlecht était capital dans la course au titre. Avec deux points de retard sur son rival bruxellois, il suffisait au Club de battre le Sporting et ses deux derniers adversaires pour être sacré champion de Belgique. En l’emportant par le plus petit écart au Stade Jan Breydel grâce à une superbe demi-volée de Bertrand Crasson, les Mauves avaient toutefois enlevé tout suspense à la compétition en retournant au Parc Astrid avec cinq unités d’avance sur les hommes de Trond Sollied, pliant les débats de manière définitive.

Cette fois, il restera encore 11 rencontres à jouer après cet affrontement entre les deux ténors avant que l’exercice 2001-02 livre son verdict. Pourtant, à défaut de parler d’une joute décisive, le défenseur du RSCA estime que l’enjeu sera tout de même important.

Bertrand Crasson: L’année dernière, la défaite nous était tout simplement interdite. A présent, un revers ne serait pas dramatique, dans la mesure où nous pourrions toujours refaire notre retard à l’occasion des matches qu’il nous reste à livrer, même si notre parcours ne sera pas de tout repos puisqu’il nous faudra encore rendre visite, entre autres, au RC Genk, à La Gantoise et à Lokeren, sans compter que nous accueillerons le Standard à domicile. Le déplacement à Bruges sera le premier de la série et j’espère, tout simplement, qu’il nous servira de référence à l’heure d’aborder les autres.

Dans les confrontations directes face aux teams de tête, Anderlecht est nettement mieux à son affaire que le Club qui n’a réussi à prendre des points, au premier tour, que face aux seuls Lokeren (0-1) et La Gantoise (2-2). Les Sportingmen aborderont-ils ce match à Bruges avec un avantage psychologique?

A priori, cette réalité-là constitue évidemment un formidable adjuvant moral pour nous. Mais il faut bien se dire que toutes les séries ont une fin. Nous l’avons même vérifié à nos dépens au Standard, cette saison, puisque les Rouches ont mis fin, chez eux, à une série de 16 matches sans victoire contre nous. Tôt ou tard, la bonne fortune finira bien par sourire au Club Brugeois aussi, même si cette absence de résultats contre les meilleurs ne manque pas d’interpeller tout un chacun. Personnellement, je crois que le jeu de cette équipe est trop prévisible pour inquiéter les ténors. Tout est stéréotypé au Club alors que dans les autres formations de pointe, il y a souvent un élément inattendu. Dans nos rangs, cette touche-là est l’apanage d’un Alin Stoica, d’un Walter Baseggio ou d’un Gilles De Bilde. A Genk, on le relève dans le chef de Josip Skoko, à La Gantoise chez Darko Anic, et au Standard, bien sûr, avec Moreira, qui a d’ailleurs orienté les débats contre nous. Si les Flandriens veulent acquérir une dimension supplémentaire, je pense qu’ils devraient s’inspirer de cet exemple.

« Le but le plus important de ma carrière »

Ce match à Bruges, le 5 mai 2001, éveille sans doute d’agréables souvenirs pour vous, en ce sens que vous aviez signé ce jour-là le seul goal. Quel souvenir en gardez-vous?

Deux buts m’auront tenu tout particulièrement à coeur la saison passée. Le premier, c’était ma reprise de la tête au PSV Eindhoven, en Ligue des Champions. J’avais montré la voie à mes coéquipiers dans ce qui allait être, en définitive, notre seul succès à l’extérieur de nos terres dans cette épreuve. Le deuxième, c’était précisément cet envoi en pleine lucarne au Club Brugeois. J’avais assené, par là même, le coup de grâce à cet adversaire. C’est réellement un but qui valait son pesant d’or. Peut-être fut-il même le plus important de ma carrière jusqu’ici.

Un but du pied, c’est plutôt exceptionnel chez vous. La plupart du temps, vous émergez dans les duels aériens. Comme cette saison, contre Sherif Tiraspol, avec deux reprises victorieuses de la tête de votre part et autant de Glen De Boeck. On comprend mal, toutefois, pourquoi cette adresse ne trouve pas son prolongement dans le travail purement défensif: l’arrière-garde du RSCA est friable sur les phases arrêtées.

C’est une remarque très pertinente. En réalité, je me demande dans quelle mesure nous ne nous sommes toujours pas adaptés au départ de Jan Koller dans ce registre. Le Tchèque, c’était vraiment un cas: autant ses headings étaient peu performants dans les 16 mètres adverses, autant il reprenait toutes les balles dans notre propre surface de réparation. A cet égard, Jan a laissé un vide qui n’a pas vraiment été comblé jusqu’ici. D’un autre côté, il faut bien avouer aussi que les nombreux remaniements en défense, enregistrés tout au long de la saison en raison de bobos ou d’autres suspensions, n’ont sûrement pas contribué à l’harmonie. Souvent, nous avons pris des buts suite à des incompréhensions ou à un manque de communication entre nous. Mais malgré tout, le bilan n’est pas négatif pour autant puisque nous possédons à peu de choses près la défense la plus hermétique du pays.

Est-ce que nous nous trompons en affirmant que le RSCA de la saison passée valait surtout par son attaque et son flanc gauche alors que cette année-ci, il se distingue plutôt grâce à son aile droite et à sa défense?

C’est un peu réducteur mais il y a du vrai dans ce jugement. Aimé Anthuenis l’a d’ailleurs suffisamment répété en observant que les départs de Jan Koller, Tomasz Radzinski, Bart Goor et Didier Dheedene avaient privé l’équipe de près de 80% de sa force de pénétration. D’une saison à l’autre, il a fallu revoir sa copie. Et c’est exact qu’on peut parler d’un shift. L’année passée, j’étais fréquemment livré à moi-même du côté droit alors que du côté opposé, il y avait une double occupation du flanc avec Bart Goor et Didier Dheedene. Cette fois, c’est l’inverse: Mark Hendrikx est seul à gauche tandis que sur l’autre versant, diverses associations ont été essayées avec Ivica Mornar, Aruna Dindane, Joris Van hout, Junior et moi-même. A deux, on est immanquablement plus fort que tout seul, et c’est normal, dès lors, que le couloir droit ait été plus performant. A la lueur des statistiques parues dans un quotidien bruxellois, 42% des actions décisives émanaient de ce secteur-là. Ce n’est pas mal, bien sûr, mais cela veut dire aussi que près de 60% du danger est provenu d’ailleurs jusqu’ici. Comme quoi il faut rendre à chacun ce qui lui revient. En ce qui concerne l’attaque, il me paraît logique que l’on fasse moins de cas, cette saison, de ce secteur, que l’année passée. A l’époque, Jan Koller et Tomasz Radzinski s’étaient taillé la part du lion avec 23 et 22 buts alors que cette saison, pour la première fois depuis longtemps, le Sporting doit composer sans buteur attitré. Dans ces conditions, il n’est pas anormal que les regards se soient davantage portés sur la ligne arrière. De Glen De Boeck, souverain en début de campagne, à Filip De Wilde, auteur d’un premier tour de compétition fracassant, tout le monde a eu sa part de mérite à l’un ou l’autre moment.

« Sillah est plus déroutant »

Anderlecht revient de loin puisqu’à un moment donné, il comptait une douzaine de points de retard sur le leader. Est-il redevenu le candidat numéro 1 à sa propre succession?

En automne, plus personne ne donnait cher de nos chances d’être champion. Beaucoup étaient d’avis également que le Sporting allait devoir s’activer ferme pour mettre le grappin sur la deuxième place, qualificative également pour la Ligue des Champions. Grâce à notre remontée spectaculaire mais aussi à l’effondrement des autres, cet objectif est à nouveau possible aujourd’hui. Mais nous avons déjà tellement soufflé le chaud et le froid, cette saison, que je serais déjà très heureux de nous voir assurer notre qualification en Ligue des Champions par le biais d’une deuxième place finale. Car il ne faut quand même pas oublier que l’opposition ne se limite pas qu’à Bruges cette saison. Genk, La Gantoise, Lokeren et, surtout le Standard, ne manquent pas d’ambitions non plus. Si les Rouches ont acquis deux jokers avec Régis Genaux et Robert Spehar, c’est sûrement parce qu’ils flairent un bon coup cette saison. A raison car la lutte est plus ouverte que jamais.

Contre Bruges, tout porte à croire que vous serez opposé à Josip Simic, qui a relégué au deuxième plan Andres Mendoza, votre opposant direct la saison passée.

Même s’ils n’ont pas le même style de jeu, ces deux joueurs, c’est kif-kif pour moi. En revanche, je sens beaucoup moins un garçon comme Ebou Sillah, qui est vraiment déroutant. Je ne comprends pas que Trond Sollied se prive de ses services. Mais je ne m’en plains pas, c’est sûr.

Bruno Govers

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