Le guerrier

L’élève de Preud’homme devrait être un des joueurs les plus en vue de la prochaine affiche Standard-Gand.

« J’adore jouer à Sclessin… « , affirme Bojan Jorgacevic.  » Et je me suis chaque fois très bien débrouillé dans cette magnifique ambiance.  » Standard-Gand ne sera pas une rencontre comme les autres. Elle marquera le retour toujours très attendu de Michel Preud’homme sur ses terres natales et il n’aura pas oublié de ranger un grand costaud dans ses bagages. Pas n’importe lequel.

En trois ans, Jorgacevic est devenu le joueur le plus populaire des Buffalos. Il faut dire que le bougre ne compte pas ses gouttes de sueur et est toujours le premier à bomber le torse sous les balles adverses. Il n’a pas peur de monter au feu et sa bravoure en a finalement fait un des gardiens les plus spectaculaires de D1. Ses progrès ont été constants et ont démenti les propos de Stéphane Pauwels qui affirma un jour sur le plateau de Studio 1-La Tribune que  » le keeper des Gantois n’était qu’un attrape-mouches « .

Mais les débuts de l’inconnu venu du RAD Belgrade ne pouvaient être aisés : il devait prendre la succession d’une légende du vieux club gantois : Frédéric Herpoel !  » Je savais que rien ne serait facile « , reconnaît-il.  » Au départ, j’étais même le troisième gardien : Alexandre Martinovic était titulaire. C’était normal. On ne me connaissait pas, il fallait que je trouve mes marques à Gand, que j’intègre le style de jeu. Cela me convenait parfaitement car j’ai toujours eu l’habitude de mettre toute la gomme.  »

Bien tuyauté par Milan Broceta, un agent de joueurs qui connaît les Balkans comme sa poche, Gand était sur la piste de Jorgacevic dès 2006. D’autres clubs sont aussi intéressés. Le Dinamo Bucarest était prêt à délier généreusement les cordons de la bourse. Rubin Kazan aussi et les Russes reviendront un jour à la charge, c’est sûr et certain. C’est dire si Michel Louwagie, le manager de Gand, récoltera de juteux dividendes… Ce qu’on sait moins, c’est que le Standard avait un £il sur lui aussi.

 » J’étais assez flatté « , se souvient Jorga.  » Cela date de l’époque où Vedran Runje fut transféré à Besiktas, en Turquie. C’était en 2006 et les Liégeois cherchaient un gardien explosif. Ils sont venus me voir en action dans mon club. Gand aussi. Même si les différents contacts n’ont finalement pas abouti en 2006, il se passait quelque chose autour de moi. Mon transfert vers l’étranger n’était qu’une affaire de temps. Avant la saison 2006-07, Broceta est venu à Belgrade avec Louwagie et Georges Leekens. Broceta a décortiqué le projet gantois et cela m’intéressait. Il était temps que je parte pour me faire un nom à l’étranger.  »

A Gand, Leekens céda son tablier à Trond Sollied avant le début de la saison. Les Buffalos rêvaient d’une nouvelle équipe et le coach norvégien la propulsa en finale de la Coupe. Puis, sidéré par l’amateurisme ambiant et des conditions de travail dignes de Charleroi, il s’est évadé en direction d’Heerenveen, aux Pays-Bas. Il en avait assez de prendre tous les jours un bain de boue à Gand…

 » Preud’homme me voulait au Standard « 

 » Cette finale, je la garde encore dans la gorge « , souligne Jorga.  » Avec un peu de chance, Khalilou Fadiga aurait pu inscrire le but de la décennie. A 1-3, le verdict serait tombé. Anderlecht puisa de nouvelles énergies pour passer en force à la fin du match : 3-2. J’ai été emballé par la ferveur et la dignité de nos supporters. Tout Gand s’était habillé de bleu et de blanc. J’ai envie de revivre cela. Même s’il y a eu des regrets au coup de sifflet final, cet événement me prouva d’une certaine manière que j’avais bien fait d’opter pour la Belgique.  »

L’Escaut et la Lys ont cependant continué à charrier leur lot de soucis après le départ de Sollied mais l’éclaircie vint avec Preud’homme. Son arrivée eut un impact immédiat sur la carrière de Jorgacevic :  » Preud’homme m’avait voulu au Standard et me disait maintenant qu’il comptait sur moi à Gand ! Le Standard était toujours intéressé par me transférer, mais moi j’avais une énorme envie de travailler avec celui qui fut meilleur gardien du monde. J’ai donc préféré rester à Gand. Je ne pouvais que progresser avec MPH, même si j’avais déjà eu la chance de côtoyer de grands gardiens comme Ranko Stojic, Radmilo Ivancevic et Goran Pandurovic.  »

Gand avait changé d’époque en engageant MPH : il a tout de suite exigé de nouvelles pelouses, un terrain synthétique, des vestiaires dignes de ce nom. Avec Manu Ferrera, Jan Van Steenberghe et Stan Vanden Buys, le coach liégeois a progressivement installé Gand dans la roue des grands avec une qualification européenne à la fin 2008-09. Un exploit qui en attend d’autres, car le travail en profondeur est colossal :  » Ici, rien n’est dû au hasard. Bob Peeters s’occupe des jeunes et Gand prépare attentivement la relève. Le jeune talent est réel et Gand imitera un jour le Standard en lançant ses promesses. Cette saison, notre club a quand même dû parer au départ de deux joueurs très importants : Bryan Ruiz et Milos Maric. La réussite du premier à Twente ne m’étonne pas : c’est du talent à l’état pur. Ruiz fait toujours un bon usage du ballon : quand cela chauffait, on le cherchait car il est unique dans son style. Je n’ai jamais joué avec un meilleur footballeur que lui. Gand a été sa porte d’entrée en Europe : Bryan est fait pour le top européen et je suis fier d’avoir joué avec un attaquant de ce format. Si Gand est parvenu à le faire un peu oublier, c’est grâce à son travail collectif. Car si Yassine El Ghanassy peut faire penser à Ruiz, il est encore très jeune. Il doit encore apprendre les secrets du métier. Quand Maric nous a quittés durant le dernier mercato d’hiver, Je savais que ça allait aussi poser des problèmes. Toutes les équipes ont besoin d’un gars qui a les épaules assez larges pour porter une équipe. Milos était puissant et on ne le déstabilisait pas facilement. Il en avait vu d’autres à Olympiacos, apportait sa présence, son esprit de décision et une frappe qui a souvent rapporté trois points. Bochum avait la tête dans le sable quand il est arrivé. Depuis, le club a entamé une remontée au classement général. Maric y est important comme il l’était chez nous.  »

 » Gand a beaucoup progressé ces deux dernières saisons « 

Gand a vécu des crises de croissance. Ce fut le cas la saison passée et on épinglera deux passages à vide cette saison. Bien dirigés par Bernd Thijs, les Buffalos ont traversé la D1 au grand galop jusqu’en décembre. La suite fut parfois moins évidente avec une récolte maigrichonne au c£ur de l’hiver. Janvier fut triste, février et mars presque tout autant. Le public gantois ne cacha pas son désarroi comme ce fut le cas contre Saint-Trond, qui imposa sa loi au stade Jules Otten. Accident de parcours, crise plus profonde ou besoin de souffler ? MPH ne cacha pas qu’il désapprouvait l’attitude d’un public parfois peu reconnaissant face au miraculeux voyage des Buffalos. Gand n’a pas encore la taille pour faire la course en tête durant toute une saison…

Jorgacevic :  » Gand a bien progressé ces deux dernières saisons. Le coach a beaucoup travaillé le mental des joueurs car il faut apprendre à répéter les succès, à ne pas se contenter d’une bonne performance. C’est nouveau pour Gand comme pour moi. On ne peut pas être trop vite satisfait. Le moindre moment de distraction est puni. C’est la culture du succès et Preud’homme sait qu’on doit vivre pour gagner. Il ne gave pas de conseils. Preud’homme est un psychologue et il suffit parfois d’un mot pour encourager un joueur. Gand a beaucoup progressé tactiquement. L’équipe est mieux posée sur la pelouse. Même quand il y a eu des questions, je ne me suis pas inquiété. Je savais que nous n’avions pas investi tout ce travail pour rien. Il était primordial que Gand se qualifie pour les playoffs 1. Cela a peut-être généré un peu de tension car nous sommes encore présents sur tous les tableaux belges. Terminer la première phase du championnat à Sclessin, c’est magnifique. Je suis devenu footballeur pour vivre de telles affiches. Gand a tout en mains pour réussir de bons playoffs. Mais je n’oublie pas le retour des demi-finales de la Coupe après le 2-2 de la première manche à Malines. Je rêve d’une deuxième finale. Les playoffs 1 et une finale : ce serait une belle saison. J’aurais déjà pu gagner des fortunes dans des pays lointains. Mais je veux d’abord un palmarès ; le reste suivra… « 

par pierre bilic – photos: reporters/ hamers

« J’adore jouer à Sclessin… « 

« Je n’ai jamais joué avec un meilleur footballeur que Ruiz. « 

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