© EMILIEN HOFMAN

Le grand Fofo

Solide et stoïque, Senam Langueh aurait dû disputer le Mondial 2006. À la place, il a continué à dégoûter les attaquants de la Province de Namur.

 » Les gens disent que je suis un extraterrestre, mais il n’y a que de l’entretien… et de la passion: j’ai du mal à arrêter complètement. Dès que je suis épargné par les petits bobos, je prends toujours du plaisir à être sur le terrain. » Senam Langueh, c’est plus de vingt saisons entre feu la D2 nationale et la P2 namuroise. Vingt piges passées à gagner des duels, martyriser les attaquants trop frêles et occasionnellement planter un petit but sur corner. Un acharné, fidèle au terrain même le jour de la naissance de son fils, passé par Verviers, Virton, Namur, Eupen, Walhain, Rochefort, Éghezée, Fosses, Assesse, Evelette-Jallet et Malonne, où il effectue une dernière pige en P1. À 43 ans. « Beaucoup de compatriotes m’ont reproché d’avoir priorisé ma famille au détriment d’offres de contrat pro, notamment venues du Soudan », confie-t-il, au milieu d’un tea-room du centre de Namur. « Je n’ai jamais hésité, jamais. Même si je n’ai pas fait de grands clubs, je ne regrette rien. Ma ligne de conduite, c’est famille puis boulot. Depuis le début. »

Même si je n’ai pas fait de grands clubs, je ne regrette rien. Ma ligne de conduite, c’est famille puis boulot.

Le début, justement, tombe relativement tôt dans la carrière de Fofo, titulaire en D1 togolaise à treize ans à l’Asco de Kara. Repéré par Lorient, il transite par le centre de formation breton avant de signer un contrat semi-pro à Verviers, dans l’ancienne D3. « J’avais un appart’ et la voiture du club. Comme on n’avait qu’un seul salaire avec ma compagne, ça a toujours fait partie de mes conditions pour rejoindre des clubs de nationale. » Soulier d’Or de la Province de Namur en 2000, il est sondé par Genk, mais se blesse lors d’un match-test et rebondit en D2 à Virton, où il repéré par des scouts togolais au cours de sa première saison. « J’ai cru à une blague lorsque Rock Balakiyèm Gnassingbé, le fils du Président de la République togolaise – qui était alors celui de la Fédé – m’a appelé pour me convoquer en sélection. Il m’avait même préparé un laisser-passer pour pouvoir retourner en Afrique, vu que mon visa avait expiré. » Le défenseur participe à plusieurs matchs de qualification pour le Mondial 2006, mais le sélectionneur Otto Pfister le laisse finalement sur le carreau. « Je n’évoluais certes qu’en D2, mais moi je n’étais pas du style à demander à ce qu’on me reprenne, j’attendais qu’on le fasse pour mes qualités. Malheureusement, les sélections en Afrique, c’est parfois comme ça. »

L’équipe nationale lui permet néanmoins de retrouver son pote d’enfance Emmanuel Adebayor, de découvrir son environnement à Arsenal et de taper la causette à Arsène Wenger lors d’un passage à Londres. Il enfilera à nouveau le maillot des Éperviers au début des années 2010 lors d’un amical face au Ghana disputé à Anvers. Il est alors affilié à l’UR Namur – « là où j’ai vécu mes meilleurs moments, on s’est d’ailleurs refait un resto entre joueurs récemment » – et a surtout un entretien d’embauche prévu le lendemain à 8 heures à la Croix-Rouge. « J’avais enfin compris que j’avançais en âge et que le foot ne serait pas éternel. Il s’agissait vraisemblablement de mon dernier match. Je n’ai même pas pris la prime et je suis parti en pleine nuit. Les copains dormaient encore. » Un départ symbolique puisque dix jours plus tard, Fofo rejoint la Croix-Rouge, où il bosse toujours en tant qu’aide au prélèvement et au don de sang. Une compétence qu’il n’a jamais dû employer sur le terrain « à part pour relever les jambes et les bras de certains coéquipiers qui venaient de donner du sang et à qui j’avais déconseillé d’aller jouer. » La suite, le Belgo-Togolais la voit « peut-être comme entraîneur », mais plus probablement comme « papa de joueur. » Solide et stoïque.

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