Le gazon en horreur

Les grilles s’ouvrent sur un parc superbe, parsemé d’immeubles à appartements de classe. Fièrement, Gordan Vidovic (32 ans) fait visiter son nouveau foyer, à Cappellen. Son rêve s’est réalisé: vivre, avec Peggy et leur petit Nicolas, âgé de trois ans, dans leurs propres meubles. « Avant, nous vivions dans les meubles de Mouscron. Nous avions pu les choisir mais ce n’était pas la même chose ».

Pourquoi avez-vous emménagé à Cappellen?

Gordan Vidovic : Peggy est née et a grandi ici, sa famille y vit toujours. Nous avions envie de nous en rapprocher, ne serait-ce que pour Nicolas. Ainsi, Peggy peut se libérer de temps en temps. Sa grand-mère nous a prévenus, il y a deux ans et demi, de la construction de ce complexe. Depuis novembre, nous sommes dans nos meubles. L’attente a été longue, je dois dire.

Souhaitez-vous d’autres enfants?

Oui, nous aimerions en avoir encore un, peut-être deux.

Quels sont vos loisirs?

Nicolas! J’aime jouer avec lui, m’en occuper. Sinon, je regarde beaucoup la télévision par satellite. Je suis les magazines, l’actualité, tout. J’aime être au courant de ce qui se passe dans le monde et je capte toutes les chaînes européennes. Mais ne me parlez pas de jardinage! Je voulais à tout prix un appartemant à cause de ça. A Gand, nous avions un immense jardin. Je m’en occupais, par obligation. Au début, je tondais la pelouse régulièrement mais l’herbe belge est terrible: en trois jours, elle repousse. C’est normal: il pleut tout le temps. Au fil du temps, mon enthousiasme s’est estompé et la pelouse a parfois atteint une hauteur… disons appréciable.

La vie en Belgique est-elle fort différente de celle que vous avez connue en Yougoslavie, notamment sur le plan familial?

Non. Les différences sont vraiment minimes. En plus, comme je suis branché sur toutes les télévisions européennes, je suis un peu un globe-trotter. Et avec Peggy, la vie est magnifique, tellement facile! Quand j’étais blessé, elle m’a aidé. C’est normal? Dans une société aussi individualiste que la nôtre, ça l’est de moins en moins!

Avez-vous été bien accepté par la famille de Peggy?

Oui, bien qu’au début, ses parents aient eu peur que je ne retourne en Yougoslavie. Le pays était en guerre, en plus. Leur réaction était normale mais elle s’est vite estompée. La Belgique est ma patrie, maintenant. Nous n’irons en Yougoslavie qu’en vacances.

Que faites-vous lorsque vous avez du temps libre?

Il y a quelque temps, Mouscron nous a accordé un week-end de liberté. J’ai proposé à Peggy d’aller à Londres. Quand nous avons un après-midi de congé, nous nous occupons de Nicolas. Si le temps le permet, c’est-à-dire trois fois par an (il rit), nous allons dans le parc. A peine savait-il marcher qu’il a, spontanément, oui, je le jure, shooté dans un ballon. Nous faisons aussi du shopping mais surtout pour Nicolas! Au début, je lui achetais des marques, tant j’étais fou de lui, mais au bout d’un mois, les vêtements étaient trop petits. C’était du gaspillage. Pour lui comme pour nous, l’essentiel est d’être correctement habillé, avec des vêtements de qualité.

Malheureusement, jusqu’à présent, nous n’avons pu partir qu’une seule fois en vacances, en France. Peggy n’a pas encore été en Yougoslavie. Pourtant, j’aimerais lui montrer Sarajevo, ma ville natale. On la reconstruit petit à petit. Ce sera pour juin. Avant notre mariage, il y a quatre ans, il lui fallait un visa. Ensuite, enceinte, elle devait éviter un trop long voyage en avion, puis il y a eu la Coupe du Monde, la tournée au Japon et puis, Nicolas était trop petit. Nous pourrions le laisser chez ses parents mais nous n’aimons pas nous en séparer et ma famille, qui nous rend visite, aimerait aussi le recevoir.

Sous quel régime linguistique vivez-vous, au fait?

Peggy et moi parlons anglais quand nous sommes seuls. Elle parle néerlandais avec Nicolas et je lui parle serbo-croate car je trouve important qu’il connaisse ses origines et qu’il puisse communiquer avec mes parents. Mais quand nous sommes tous les trois, nous parlons néerlandais.

Turbulent, Nicolas sème la pagaille dans l’appartement. En jouant, il renverse de l’eau. Pas de problème, Gordan se lève et répare les dégâts, sans sourciller. « Il est toujours comme ça. Tellement serviable et patient. Plus que moi. Il n’est pas sévère: là où je dis non, lui, il répond: bah… Lorsqu’il en a le temps, il s’occupe beaucoup de son fils ».

Langes y compris?

Il l’a fait, de même qu’il m’a aidée dans les tâches ménagères quand j’étais enceinte ou encore maintenant quand j’ai mal à la tête. Mais sa spécialité, c’est le biberon. Même la nuit! Il s’arrangeait: il lui donnait le biberon de minuit et avant de rejoindre Mouscron, il préparait celui de huit heures. Je ne devais donc pas me lever toutes les quatre heures. Maintenant que nous habitons à Cappellen, je préférerais toutefois qu’il passe une bonne nuit, de peur qu’il n’ait un accident sur la route. Vous savez, quand nous avons emménagé ensemble, je ne savais rien faire à la maison mais Gordan, lui, avait vécu seul et il se débrouillait bien mieux. Il m’a appris. Même quand il a été blessé et qu’il se déplaçait avec des béquilles, il s’occupait de Nicolas. Et jamais il ne s’est plaint de la lourdeur de sa rééducation. Comme la chambre était au premier étage, il a dû passer deux semaines sur un lit de fortune au rez-de-chaussée. Mais il a assumé. Il est vraiment facile à vivre.

En public, Gordan est assez réservé.

Il ne le montre pas mais il a un petit coeur. Il a dû faire euthanasier notre chien, qui était menaçant à l’égard de Nicolas et l’avait mordu. Ce fut très dur. Il est tolérant mais il y a des limites à ne pas franchir. C’est un homme de parole. En fait, tout me plaît en lui, même s’il pouvait parler un peu plus. Après un match, il revient toujours immédiatement. Jamais je n’ai éprouvé de problèmes, comme certaines femmes de joueurs. Il est plutôt inabordable. Pourtant, il me trouve un peu jalouse.

Comment vous êtes-vous connus?

C’était il y a sept ans et demi. Mon grand-père suivait Cappellen, matches et entraînements. Il m’emmenait avec lui. Mes parents, eux, ne s’intéressaient pas au football. Quand jai eu mon permis de conduire, j’ai suivi Cappellen en déplacement aussi. J’étais alors en dernière année à Wemmel, où j’étudiais les relations publiques. Durant l’été 1993, je suis venue au premier entraînement: le club avait un nouveau joueur et tout le monde voulait voir ce qu’il valait. Ce fut le coup de foudre, des deux côtés, même s’il lui a fallu six mois avant de m’inviter à boire un café. Il était toujours seul. Il avait des problèmes linguistiques et ça ne lui facilitait pas les choses, bien qu’il ait vite appris le néerlandais de base. Il me disait bonjour, au revoir. Moi, je m’arrangeais pour le croiser dans la rue du stade… Après, c’est mon grand-père qui a été heureux! Nous voilà revenus à la case-départ, d’ailleurs. Regardez: de la fenêtre, on aperçoit le terrain de Cappellen.

Malgré vos études, vous avez choisi d’être femme au foyer.

J’ai essayé de suivre des études de criminologie à Gand mais je me suis retrouvée seule en kot alors qu’à Wemmel, je faisais partie d’un chouette groupe. Et puis, Gordan était entré dans ma vie. Lorsqu’on peut se le permettre, je pense qu’il est préférable de s’occuper de son enfant. J’en suis heureuse, même si parfois, j’aimerais travailler pour avoir davantage de contacts. Plus tard, quand Nicolas et son petit frère ou sa petite soeur seront à l’école, je travaillerai peut-être à temps partiel. Mais comme Gordan revient parfois à 13 heures, je ne suis pas seule.

Suivez-vous les matches de Gordan?

Moins depuis la naissance de Nicolas. Je ne peux pas prétendre être une spécialiste.

Pascale Piérard

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