Le buteur de Valence est revenu de blessure et brille en Champions League. On en oublie qu’il a failli être boiteux à vie…

Après une blessure malvenue qui l’a un peu freiné, David Villa revient en force et veut démontrer qu’il est l’un des meilleurs avants d’Europe. Mais l’homme ne s’est pas laissé abattre. Il n’a pas oublié qu’à l’âge de quatre ans, il a failli rester boiteux à vie.  » Nous tapions dans un ballon avec un garçon beaucoup plus gros que moi. Il m’est tombé dessus et m’a cassé le fémur de la jambe droite. Je suis resté plâtré pendant six mois dont deux cantonné dans un lit, la jambe tendue. Par chance, il n’a pas fallu m’opérer « .

Depuis, un peu plus de 20 ans se sont écoulés et Villa a terminé deuxième du classement des buteurs la saison dernière avec 25 buts soit un de moins que Samuel Eto’o. Au Mondial, il a été le buteur le plus prolifique si l’on tient compte du temps de jeu : 3 buts en 210 minutes. El Guaje, comme on l’appelle en Asturies ( el Nino en espagnol, le Gamin en français).  » C’est mon surnom depuis que j’ai 16 ans. A l’époque je jouais à Langreo et j’étais le plus petit par la taille et l’âge du noyau mais aussi de toute la série « .

Avec Langreo d’abord et puis à Gijon vous marquiez 20 buts par championnat. Votre physique (1,75 m) ne semble pas vous avoir handicapé.

David Villa : Je n’ai jamais pensé que mon physique m’empêcherait de m’exprimer à un bon niveau. Même si jusqu’à mes 17 ans, je n’ai jamais songé que j’allais devenir un footballeur professionnel et je considérais le football comme un amusement.

Délaissé jusqu’à 22 ans

Vous avez dû attendre jusqu’à 22 ans pour voir quelqu’un croire en vous. N’avez-vous pas été recalé au Real Oviedo, votre club favori à l’époque en D1 ?

J’ai effectivement effectué un test à l’âge de 9 ans mais je n’ai pas été retenu parmi un groupe de 24 joueurs. Selon mon père, José Manuel, j’avais été écarté parce que nous habitions à Tuilla à 30 km de la ville et que cela aurait coûté cher au club d’envoyer un bus me prendre chaque jour.

Vous possédez un bon contrôle de balle, vous êtes capable de combiner et vous avez le sens du démarquage mais pourquoi insiste-t-on tant sur votre vitesse ?

C’est logique parce que c’est mon arme favorite, celle que j’utilise le plus même si je me débrouille bien à la finition. Mon pied droit est mon préféré mais j’ai fait de gros progrès avec le gauche.

Cela vous touche-t-il lorsque les meilleurs entraîneurs du Vieux Continent vantent vos qualités ?

Oui. Je suis toujours très ému lorsque j’entends que je vais devenir un crack ou que je suis l’attaquant du futur. Mais j’essaie de garder les pieds sur terre. Je veux être préparé à une éventuelle période moins glorieuse.

Savez-vous que José Mourinho a déclaré qu’il souhaitait vous engager ?

On m’a fait part de cette déclaration, mais j’ignore si elle émanait réellement de l’actuel entraîneur de Chelsea. Pour l’instant, mon unique préoccupation est de donner le maximum pour Valence. Je n’ai pas encore la tête ailleurs. Je suis sous contrat jusqu’en 2013 et j’ai bien l’intention de le respecter jusqu’au bout. Pourquoi pas le prolonger, même ? Je me plais beaucoup à Valence.

Une clause de résiliation de 150 millions

Votre clause de résiliation a de quoi décourager les candidats acquéreurs…

Elle est de 150 millions d’euros, en effet. Je ne sais pas si je vaux autant d’argent. Y a-t-il, d’ailleurs, un footballeur dans le monde qui vaut une telle somme ? Mais le monde du football est ainsi fait que les clubs sont prêts à tout pour retenir leurs meilleurs joueurs.

Et si Valence souhaitait vous transférer ?

Je suis un professionnel et je dois me soumettre à la volonté de mon club. Mais je ne pense pas que Valence souhaite me vendre, actuellement.

Vous vous êtes blessé contre le Real Madrid, à la fin novembre. Avez-vous retrouvé votre meilleur niveau ?

Oui. J’ai eu un peu de mal à retrouver le rythme, mais aujourd’hui ça va. J’avais bien commencé la saison, mais cette blessure inopportune m’a un peu freiné. C’est dommage, car l’équipe n’avait pas besoin de cela. Valence a été fort handicapé par l’hécatombe de blessures.

Est-il normal que dix des meilleurs joueurs de Valence se soient retrouvés sur la touche ?

On se le demande. Cela ne peut pas être uniquement de la malchance. Peut-être a-t-on mal travaillé ? Je n’avais jamais vécu une telle situation précédemment, et si je regarde les compositions d’autres équipes, je n’en vois aucune qui ait été autant touchée par des blessures aussi graves.

Valence a limité la casse

N’êtes-vous pas trop éloigné de la tête du classement ?

Si, bien sûr. Je ne veux pas chercher d’excuses, mais où pensez-vous que seraient classées des équipes comme le FC Barcelone, Chelsea ou le FC Séville, si elles avaient dû se passer des services de dix de leurs meilleurs éléments ? Tous les joueurs qui se sont blessés étaient des titulaires incontestables. L’Atletico Madrid a perdu trois joueurs et ses dirigeants se sont tenus la tête entre les mains. Le Barça n’a pas arrêté de se plaindre de la blessure de Samuel Eto’o. Que devons-nous dire, nous ? En début de saison, lorsque les 25 joueurs du noyau étaient disponibles, nous étions au niveau des meilleurs et nous pouvions nourrir les plus grandes ambitions, tant en championnat qu’en Ligue des Champions. On a, finalement, limité la casse : on est un peu décroché en Liga, mais on a terminé premiers de la poule en Coupe d’Europe et on a éliminé l’Inter Milan en huitièmes de finale.

Pourquoi les eaux de Valence ne sont-elles jamais calmes ? Les petites guéguerres sont monnaie courante…

Cela se passe partout. Lorsque les résultats sont là, tout est rose. Dans le cas contraire, on retrouve sur la place publique des choses qui n’auraient jamais dû sortir du vestiaire.

D’accord, mais Barcelone a aussi traversé des moments difficiles, et l’on n’a pas vu Frank Rijkaard et le directeur technique Txiki Beguiristain se faire des reproches mutuels, comme cela a été le cas entre Quique Sanchez Flores et Amedeo Carboni…

Ce sont des situations différentes, on ne peut pas comparer. Je préférerais que tout aille bien, mais dans une situation délicate, le moindre incident prend une ampleur insoupçonnée.

Barcelone est favori, mais Séville doit y croire

Quelles sont vos relations avec Quique Sanchez Flores ?

Très bonnes. Cela peut paraître curieux, alors qu’il m’a un jour expulsé de l’entraînement, mais ce sont des choses qui arrivent dans tous les clubs. Michel Salgado, l’arrière du Real Madrid, a déclaré que lorsqu’il y a des échauffourées à l’entraînement, cela signifie que les joueurs sont des compétiteurs, qu’ils travaillent, qu’ils sont motivés. Je partage son avis. On joue comme on s’entraîne.

Parlons de la Liga. Barcelone en est-il le favori ?

Pour moi, oui. Il possède tous les atouts pour remporter le titre. Il pratique généralement un bon football et est toujours présent, malgré la longue indisponibilité de Samuel Eto’o… qui revient dans le parcours.

Etes-vous étonné par le parcours que réalise le FC Séville ?

Non. L’an passé, cette équipe avait déjà réalisé une saison phénoménale. Elle a conservé la même ossature, renforcée par plusieurs joueurs importants, à toutes les positions. L’entraîneur sait ce qu’il veut, les joueurs savent ce qu’il demande. L’équipe a aussi acquis de l’expérience. En plus de bien jouer, elle pratique un très beau football.

Le FC Séville peut-il être champion ?

S’il poursuit dans la voie qu’il s’est tracée, pourquoi pas ? Il perdra peu de matches. Mais le FC Séville n’est ni Barcelone, ni le Real. Personne ne sait comment le groupe réagira sous la pression, dans les moments-clefs de la saison.

La Champions League : un rêve

Trouvez-vous que le style de jeu du Real Madrid est ennuyeux ?

Aucun style de jeu ne m’ennuie, mais il est clair que le Real Madrid ne joue pas comme on avait l’habitude de le voir ces dernières années. Cela dit : dans le football moderne, plusieurs chemins peuvent mener à la victoire. Je reste persuadé que la voie la plus rapide est celle du beau jeu, mais elle n’est pas la seule. Et, malgré le football parfois laborieux développé par les hommes de Fabio Capello, ceux-ci ne sont pas irrémédiablement décrochés.

Quel est votre objectif personnel ?

Je rêve de remporter un titre, quel qu’il soit : le championnat ou la Ligue des Champions. Je sais que s’ils pouvaient choisir, les supporters préféreraient le trophée continental parce que le club ne l’a encore jamais remporté.

Et l’équipe nationale ? Participera-t-elle au Championnat d’Europe ?

Ce sera difficile, mais on se battra jusqu’au bout. On a très mal commencé les éliminatoires, mais aussi longtemps qu’on n’est pas mathématiquement éliminé, rien n’est perdu.

Un homme tranquille

Luis Aragonés doit-il rester à son poste ?

J’espère qu’il restera. Il a commencé la campagne, il doit la terminer… même s’il a été fort critiqué.

Il vous a toujours fait confiance ?

Oui. C’est lui qui m’a offert ma première sélection. Je lui dois tout.

Définissez-vous comme être humain.

Je suis un homme simple et tranquille. J’aime la vie de famille, je suis assez casanier. Mes moments privilégiés, ce sont ceux que je passe avec ma femme et ma fille. Ou avec ma famille, lorsqu’elle vient me rendre visite depuis les Asturies, où je suis né.

La gloire ne vous a pas changé ?

Je ne pense pas, non. Je suis resté tel que je l’ai toujours été. J’ai toujours les mêmes amis, la même femme. Je la connais depuis que j’ai 17 ans. Habituellement, je peux mener une vie normale. Tout le monde me respecte, je peux me balader en rue tranquillement. Ma situation est différente de celle de Fernando Alonso : je n’ai pas tous les paparazzi à mes basques.

par jose manuel munoz et jacopo iandorio (esm) – photos : reporters

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