Le fric c’est chic

Deuxième joueur belge à l’ATP, l’aîné des Rochus a envie de gagner de l’argent et rejoue de mieux en mieux.

Après avoir atteint votre meilleur classement en 2006, vous avez commencé à enchaîner les très mauvais résultats. Que s’est-il passé ?

Christophe Rochus : Mi-2006, j’avais déjà atteint pas mal de mes objectifs et, de ce fait, je ne savais plus trop bien pourquoi je jouais puisque j’avais une maison, un appartement, un peu d’argent de côté, je vivais bien. J’ai alors commencé à perdre beaucoup de matches, à vraiment très mal jouer. J’ai essayé de me reprendre début 2007 mais je n’avais plus confiance et cela n’a pas marché.

En 2006, vous avez aussi appris que vous alliez être papa pour la première fois, la petite Elena étant née en février 2007…

Oui, cela a influencé mon jeu. Je m’en moquais de ne pas trop bien jouer. Quand on perd un match et que l’on voit son enfant, on oublie tout.

Pourtant, en 2008, vous avez réussi à remonter la pente. Vous êtes désormais deuxième joueur belge et bien implanté dans le top 100.

En fait, comme j’ai fait construire une maison et que je savais que j’allais avoir mon deuxième enfant (Arthur, né en octobre 2008), j’ai à nouveau eu besoin d’argent ! C’est cela qui m’a motivé. Propriétaire et deux fois papa, il fallait que je me bouge le cul. C’est pour cela que je suis venu m’entraîner à l’AFT et que j’ai changé de raquette.

Vous n’aimez pas jouer au tennis ?

Si, mais il faut faire beaucoup de sacrifices et le sport génère beaucoup de stress. Si je fais l’effort, c’est pour l’argent. Mais pour réussir à en engranger davantage, il a fallu que je retrouve du plaisir et j’ai mis deux ou trois mois avant de gagner à nouveau. Mais si je n’avais pas eu deux enfants et commis quelques erreurs d’investissements dans ma maison, j’aurais sans aucun doute arrêté.

Vous êtes l’un des rares professionnels à parler de la sorte. 99 % de vos collègues affirment qu’ils ne pensent pas à leur compte en banque.

Ce sont des conneries. Ils ne regardent pas les gens en face quand ils disent cela. Tous les meilleurs joueurs du monde disent que la saison est trop longue et pourtant le top 1,2 et 4 – Rafael Nadal, Roger Federer et Andy Murray – ont disputé le tournoi de Doha, le premier de la saison, alors qu’ils n’en ont pas besoin au niveau tennistique. Ils y sont allés parce qu’ils y ont obtenu un demi-million ou un million de dollars de garantie. Ce qui m’énerve, c’est qu’ils n’osent pas dire qu’ils aiment l’argent. En fait, tout le monde se cache, mais tout le monde a envie de gagner beaucoup. Les bons en veulent plus et les joueurs moyens, comme moi, souhaitent avoir une vie correcte après leur carrière.

Il est étonnant que vous ayez eu besoin de liquidités à près de 30 ans. Vous avez été dépensier ?

Non, mais comme je n’aime pas avoir de l’argent sur des comptes, j’ai investi en Bourse et j’ai pas mal perdu. J’ai aussi investi dans l’immobilier, l’une de mes passions.

 » J’aime davantage mon métier qu’avant « 

Quand vous gagnez un match, vous songez au chèque que vous allez toucher ?

Oui, bien sûr. Dès le début d’un tournoi, je connais exactement le montant des dotations.

En dehors de l’argent, êtes-vous aussi motivé par le classement, par le fait de pouvoir, par exemple, passer à la première place belge ?

Non, vraiment pas. Cela me passe largement au dessus de la tête. La seule chose dont j’ai maintenant envie, c’est de jouer de grands matches contre des grands joueurs.

Ce qui vous est déjà arrivé.

Oui, mais maintenant je me sens capable de faire de bons matches. Avant, j’avais peur d’être ridicule et je préférais jouer sur des terrains annexes contre des mauvais joueurs plutôt que sur un grand court face à des stars. Quand j’ai joué Lleyton Hewitt à Wimbledon en 2005 alors qu’il était quatrième mondial, j’avais balancé le match et je m’étais fait chier.

En fait, vous commencez seulement à aimer votre métier ?

Disons que je l’aime plus qu’avant et je préférerais avoir 25 ans car, à 30 ans, même si je me sens bien physiquement, je suis plus près de la fin que du début. Je me vois jouer encore deux ou trois ans, après ce sera compliqué.

Avez-vous commis des erreurs de carrière ?

Je n’ai pas été irréprochable. Mais quand on est jeune, on peut faire des erreurs. J’ai fait des mauvais choix et je les assume. J’aurais dû travailler davantage et faire plus attention à mon programme. Je courais trop le monde pour faire du pognon et cela m’a fait perdre du temps. Sur l’ensemble de ma carrière toutefois, je n’ai pas trop à me plaindre, ce n’est pas si mal.

Vous n’avez jamais été très bien servi au niveau sponsoring.

Je n’ai jamais bénéficié d’une bonne image et je n’ai jamais beaucoup cherché. J’ai souvent été un gamin de merde et je l’ai payé. Quant aux médias, ils peuvent toujours influencer le public via leurs papiers. Et puis, les sponsors belges préféraient investir sur Kim et Justine.

Vous êtes moins gamin de merde sur le terrain ?

Oui, vachement. Avec le temps, on s’améliore. On peut être le pire gamin de merde à 18 ans et évoluer.

On vous reconnaît dans la rue ?

( Il sourit) On me confond avec mon frère, ce n’est pas la même chose. Mais cela me fait marrer que les gens continuent de penser qu’il n’y a qu’un Rochus qui joue au tennis. Dans ces cas-là, je ne réponds pas, je ne réagis plus. Si on me reconnaît, je trouve cela sympa mais, fondamentalement, je n’y prête pas attention.

En dehors du tennis, qu’est-ce qui compte pour vous ?

Ma famille. Sinon, j’adore jouer au golf (handicap 6), faire du VTT et j’aime assez mes responsabilités en tant que propriétaire immobilier.

Quand vous avez commencé votre carrière, vous étiez assez perturbé et ne sembliez pas trouver votre place dans votre famille. Vous allez mieux ?

Oui, cela s’est apaisé mais j’ai toujours un caractère un peu spécial et mes relations avec les gens ne seront jamais hyper simples. Je suis toujours fort impulsif et individualiste et, donc, je ne fais pas toujours attention aux autres.

Etes-vous un peu parano ?

Non, plutôt individualiste. J’aime bien être seul, je n’aime pas trop recevoir de conseils. J’aime qu’on me foute la paix. C’est pour cela que j’ai souvent voyagé seul. A 20 ans, je ne voulais pas être accompagné.

Revenons-en à votre carrière. En dix ans, quels sont les joueurs qui vous ont le plus impressionné ?

Des Russes : Yevgeny Kafelnikov car il avait une maîtrise incroyable, Igor Andreev qui est probablement le joueur le plus puissant du circuit et Nicolay Davydenko, le plus rapide au monde. Sinon, à part face à Nadal et Federer il y a toujours moyen de faire quelque chose, même contre un Murray ou un Andy Roddick, qui ne jouent pas super vite.

Lequel d’entre ces joueurs respectez-vous ?

Bof, je n’ai jamais vraiment eu d’idole. Je n’aime pas trop regarder les autres. Mais Federer est vraiment respectable pour ce qu’il fait et la classe avec laquelle il y parvient.

 » Je n’ai pas compris Justine « 

Etes-vous contents que Kim et Justine aient arrêté ?

Non, c’est mauvais pour le sport belge, pour les médias et pour le public. C’est une grosse perte.

Elles vous ont pourtant fait de l’ombre ?

Il vaut mieux avoir un peu d’ombre dans un pays chaud qu’être au soleil dans un pays froid. Elles nous ont peut-être fait de l’ombre mais, au moins, les gens étaient intéressés par le tennis. Avant Kim et Justine, on ne suivait pas le tennis comme aujourd’hui.

Avez-vous compris leur arrêt ?

Celui de Kim, oui. Celui de Justine, non. Kim a toujours eu une vision rigolarde de la vie. On se disait bien que dès qu’elle aurait obtenu ce qu’elle désirait, elle passerait à autre chose. Justine s’est par contre toujours très fort concentrée sur le tennis, elle n’avait pas beaucoup d’intérêts en dehors du sport et, comme elle n’a pas eu de chance dans sa vie, je me disais que son existence après le tennis allait être plus compliquée.

Tennistiquement parlant, vous la comprenez ?

Oui, parce qu’elle a réalisé d’énormes sacrifices. Cela étant, elle aurait pu, je pense, apprécier le tennis de manière plus relaxe. Mais ce n’était pas son truc. Elle visait la place de numéro 1. Il s’agissait de son choix mais comme je ne suis pas carriériste, je ne vois pas l’intérêt d’aller au sommet d’un truc. J’imagine que ceux qui visent le top ont cela en eux mais si c’est arriver au sommet pour ne pas être bien dans sa peau par la suite…

Et vous, quand arrêterez-vous votre carrière ?

Dès que je chuterai au classement et que je serai à l’abri financièrement. J’aimerais alors devenir coach mais aussi réaliser des projets dans le milieu du golf et m’occuper de ma famille.

Avez-vous un rêve ?

J’aimerais bien acheter une villa sur la plage, dans le sud de la France ou en Espagne. J’en ai vu une belle, récemment, à 350.000 euros… Je n’essaye pas d’être le plus riche possible mais je veux avoir une chouette vie sans avoir à travailler 10 heures par jour.

par patrick haumont (aussi sur www.levif.be/levif/blog/) – photos: reporters

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