Le football traverse une corrida financière : qui y laissera sa peau ?

Avec le vent du nord écoutez-le craquer

Le plat pays qui est le mien

La semaine passée, alors que l’Union Belge avançait vers la scission du foot amateur dans un concert international massacré par la plus terrible crise boursière depuis 1929, les médias ont commémoré le 30e anniversaire de la disparition de Jacques Brel. Il se serait révolté en écoutant un sport qui craque comme son plat pays. Le football de chez nous s’aligne sur la réalité politique en vue d’obtenir des piécettes d’or de la Région flamande en échange de la scission. N’y a-t-il pas mieux à faire quand des soucis graves obscurcissent le ciel international ? Des géants européens ont vendu leur âme au diable. Réduits à de froides entreprises de spectacle, de grands clubs ont transformé leurs blasons en marques, cédé leurs traditions contre du pognon venu de n’importe où, découvert la bourse, etc. En Angleterre, par exemple, des investisseurs ont certes modernisé l’outil (le plus beau en Europe avec des stades de rêve) et rehaussé le niveau de jeu mais le but principal est de faire aller l’argent à l’argent.

Ces vaniteux ont transformé le foot en bulle spéculative qui se fissure dramatiquement. Le séisme boursier y a fragilisé des institutions qui ont mené la grande vie. Il y a un an, les dettes des clubs de Premier League s’élevaient à plus de trois milliards d’euros. Manchester United est soutenu par un assureur américain (AIG) récemment nationalisé, Newcastle compte sur la banque Northern Rock qui a tant tremblé, West Ham est sidéré par la faillite d’un sponsor islandais, Chelsea dépend de l’humeur de Roman Abramovitch qui y a investi 875 millions d’euros. Les robinets se tarissent.

Qui laissera sa peau dans cette corrida financière ? A gauche et à droite, comme à Lyon, les produits dérivés ne récoltent plus le même succès. Les supporters sont atteints par la récession. Chez nous, en plus de l’équipe nationale qui flirte avec Citibank, Anderlecht et le Club Bruges misent depuis des années sur Fortis et Dexia. Ces institutions ont trop tremblé et réduiront tôt ou tard leur voilure dans le domaine du sport. Mais les grandes maisons belges n’ont pas été atteintes par la folie des grandeurs : c’est peut-être leur chance.

Avec le vent d’ouest écoutez-le vouloir

Le plat pays qui est le mien

Pendant ce temps-là, les rendez-vous ne cessent de se glisser dans tous les agendas. Le Standard et le Club Bruges y ont noté les leurs dans le cadre de la Coupe de l’UEFA. Ecoutez-le vouloir ce football qui est le nôtre. Le Standard devra croiser le fer avec Stuttgart, le FC Séville (d’ Ivica Dragutinovic), la Sampdoria et le Partizan Belgrade d’ AlmaniMoreira. C’est corsé mais les Liégeois ont acquis une nouvelle dimension depuis leurs prestations européennes signées face à Liverpool et Everton. Leur savoir-faire saute aux yeux mais seront-ils capables de briller sur la scène internationale sans oublier le championnat de Belgique ? Les Rouches devront résoudre cette équation pour continuer leur marche sur les chemins du renouveau. Les Brugeois ont eux aussi une belle carte à jouer contre Saint-Etienne (le nouveau club de Kevin Mirallas), Rosenborg, Copenhague et Valence.

Le football belge se déride un peu pour le moment. Le défi espagnol proposé ce soir aux Diables Rouges rappelle de bons vieux souvenirs. En 1962, Anderlecht avait bouté le prestigieux Real Madrid hors de la Coupe des Champions : 3-3 en Espagne et 1-0 au… Heysel grâce à but de légende de Jef Jurion. En 1969, le Standard élimina aussi les Rois d’Espagne, 1-0 à Liège, 2-3 à Madrid. L’équipe nationale réalisa au moins deux matches de rêve contre les Ibères : 2-1 à Sclessin le 23 février 1969 en éliminatoires de la Coupe du Monde ’70. Puis, comment oublier le 22 juin 1986, le 1-1 de Puebla après prolongations, le tir au but victorieux de Léo Van der Elst ? AndoniZubizaretta était vaincu, la Belgique accédait à la demi-finale de la Coupe du Monde. Il faudra batailler longtemps avant de revivre la même chose mais le grand Jacques avait raison :

Quand le vent est au sud, écoutez-le chanter

Le plat pays qui est le mien.

PAR PIERRE BILIC

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