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 » Le football est un univers im pitoyable « 

Sven Kums n’est pas du genre à se confier comme ça mais il nous a montré, en partie, qui il était : un fan de lecture, le plus jeune et donc le plus gâté de la famille. Mais aussi le parrain de son neveu, atteint du syndrôme de Down.  » La relation que j’ai avec lui est incroyable « , dit-il.

Sven Kums sourit timidement quand on fait référence à l’inscription qui figure sur son T-shirt. Comme s’il ne l’avait jamais remarquée : What comes around goes around, que l’on pourrait traduire par on récolte ce que l’on sème, n’est pas un clin d’oeil à ce qu’il a vécu ces derniers mois, ni une philosophie de vie. S’il porte ce T-shirt, c’est simplement parce qu’il le trouve beau.

Le médian de Gand confiera plus tard qu’il est un peu trop renfermé pour se laisser aller à ce genre de considérations. Trop sobre, aussi. Quoique… Quand on lui demande s’il est croyant, il répond :  » Je n’en sais rien… C’est difficile. J’aime autant ne pas y penser, en fait. Je verrai s’il y a quelque chose après la mort. J’aime autant que ce soit une surprise.  »

Puis, après une pause :  » J’espère que oui. Ce serait dommage que tout soit fini. Ce serait mieux qu’on revienne.  » (Nouvelle pause)  » Mais… peut-être que j’en suis déjà à ma deuxième vie, hein ? Je n’en sais rien mais ce n’est pas exclu. J’ai peut-être déjà été acteur. C’est possible, hein…  »

Plutôt renfermé

 » Il m’arrive au moins une fois par mois d’être confronté à une situation qui ne m’est pas inconnue. C’est la seule chose à quoi je pense, parfois. Parce que c’est tellement tangible. Je vois quelque chose et ça réveille des souvenirs. Comment est-ce possible ? Peut-être que j’ai déjà eu une autre vie…. »

On croirait entendre un philosophe parler mais c’est juste Sven Kums qui dévoile une partie de son âme. C’est plutôt rare, dit-il.  » Je suis plutôt renfermé, surtout avec les gens que je ne connais pas. Je tâte le terrain pour savoir jusqu’à quel point je peux me dévoiler.  »

On ne peut pas dire qu’il parle peu mais il est aux antipodes de son épouse.  » Elle parle avec les gens comme si elle les connaissait depuis des années. Quand on se promène, elle commence à discuter avec des gens qu’on n’a jamais vus. Moi, je me tais. Ou je poursuis mon chemin. Ma femme dit que c’est pour ça que les gens qui ne me connaissent pas me trouvent antipathique.

J’ai parfois l’air un peu rustre alors que je ne le suis pas mais je me protège face aux inconnus. Je préfère garder certaines choses pour moi. Quand je connais les gens, c’est différent. Avec ma femme, je suis très ouvert, je parle de tout. Les sentiments ? C’est encore autre chose (il rit). Mais à la maison, je suis plus ouvert, parfois même exubérant. Ma femme me dit parfois : Les gens pensent que c’est moi qui suis folle mais en fait, c’est toi. Alors je fais le fou avec la petite, je me lâche, je fais des blagues. »

Sven Kums :
Sven Kums :  » A la maison, je suis plus ouvert, parfois même exubérant. Alors je fais le fou avec la petite, je me lâche, je fais des blagues. « © inge kinnet

Ses amis sont toujours ceux de son village de Dilbeek : un petit groupe dont les membres se connaissaient déjà lorsqu’ils étaient jeunes.  » Je ne me suis pas fait beaucoup d’amis au football par la suite. C’est un cercle restreint. On sait ce qu’on peut attendre les uns des autres et c’est très bien ainsi.  »

Dilbeek forever

Kums vit toujours à Dilbeek, où il a construit une maison il y a trois ans. Sa femme, Caroline, est aussi originaire du patelin. C’est là qu’ils veulent finir leurs jours. Une aventure à l’étranger ? Pourquoi pas ? Mais ils reviendront toujours à la base car c’est là que sont leurs racines, leurs certitudes, la famille.

Cela fait neuf ans qu’ils se sont rencontrés à Dilbeek, à l’occasion de l’anniversaire d’une copine de Caroline. Toutes ses amies avaient reçu un gage et celui de Caroline était d’inviter un sportif connu. Elle en a invité trois : Kums, le tennisman Yannick Mertens et Gertjan Martens (RWDM).

 » Mon cousin et mon meilleur ami « , dit Kums.  » On a décidé d’aller à la fête ensemble mais les deux ont fini par renoncer et j’y suis allé tout seul, car je l’avais promis.  » Ce ne fut pas directement le coup de foudre.  » Mais il y avait quand même quelque chose. On avait fréquenté la même école, ma mère lui avait donné cours…  »

Leurs vies ont fini par se confondre et, quatre ans plus tard, ils se sont mariés.  » Ce que je trouve chouette, c’est qu’elle est très ouverte. D’autant que je ne le suis pas. Et pour le reste… On se complète très bien.

Elle fait ce que je n’aime pas faire et inversement. Cuisiner, par exemple. Je n’y arrive vraiment pas. Par contre, je fais la lessive. Passer l’aspirateur ? On a une femme de ménage (il rit).

Entre nous, ça va tout seul, on ne doit pas faire d’efforts l’un pour l’autre. On fait également beaucoup de choses ensemble, depuis le début. Et ça n’a pas changé. Maintenant qu’on a une petite fille de sept mois, c’est un peu plus difficile mais on garde du temps pour nous. On se réserve un soir par mois. »

Femme de foot

Sa femme a grandi dans le monde du football et pour Kums, c’est une bonne chose.  » Sa mère a longtemps travaillé chez Adidas et son père a été dirigeant au RWDM. Elle allait au football chaque week-end avec lui et elle sait ce que ça implique : elle connaît ce milieu et sait que c’est un univers impitoyable. Un jour on est adulé et deux semaines plus tard, on doit tout reprendre de zéro. J’ai connu ça.

À Heerenveen, après une bonne première saison, on me demandait si je ne devrais pas partir dans un plus grand club. Je trouvais que c’était trop tôt. La deuxième saison a été moins bonne et j’ai vite compris que je serais seul. On joue en équipe mais les places sont chères et tout le monde se bat pour la sienne. C’est pourquoi il est important d’avoir quelqu’un à la maison qui comprenne. »

Aux côtés de son père, sa femme a appris à connaître le football.  » Elle aime ce sport, elle allait voir tous mes matches. Maintenant, avec la petite, ce n’est plus toujours possible mais elle regarde à la télé. Et on en parle. Pas de façon très profonde mais son avis est toujours pertinent. Je préfère qu’elle dise que j’ai bien joué, évidemment, mais elle sait aussi dire le contraire. Et comme elle ne se trompe pas, elle a le droit de parler.  »

Comment Kums décrirait-il sa jeunesse ? Elle a été tellement ordinaire qu’il a du mal à trouver les mots.  » Une jeunesse très stable, sans problème. Je n’ai pas à me plaindre, tout s’est bien passé. J’ai une soeur et un frère plus âgés, j’étais donc le plus jeune de la famille. Quand on allait quelque part, ils avaient toujours un oeil sur moi. J’étais protégé et je pouvais toujours en faire un peu plus que les autres. Je ne devais pas faire la vaisselle, pas débarrasser la table… J’étais le petit gâté de la famille.  »

Famille sportive

Ses parents étaient enseignants : son père, prof de math ; sa mère, prof de biologie et d’éducation physique.  » À la maison, on étudiait beaucoup « , dit Kums.  » Je n’étais pas très doué en math. Je passais chaque année, mais aux forceps.  »

Il faut dire qu’il était à l’avance d’un an depuis la maternelle.  » J’allais à l’école avec mon cousin, qui avait un an de plus que moi. Quand il est passé de troisième maternelle en primaire, je n’ai pas voulu rester tout seul.

J’ai passé quelques tests et j’ai sauté un an. Sans difficulté, ça me stimulait même. Mes parents disaient toujours : Si tu continues à faire de ton mieux jusqu’au bout et ne te reposes pas sur tes lauriers, tu pourras consacrer cette année d’avance au football.  »

Son père a longtemps entraîné les jeunes de Dilbeek puis d’Anderlecht. Son frère et sa soeur ont joué au football et le frère de sa mère adorait ce sport.  » Mon frère et ma soeur ont respectivement deux et cinq ans de plus que moi. Je prenais exemple sur eux. Mon frère Kevin joue toujours dans un petit club et ma soeur Maaike a longtemps joué à Anderlecht.

On allait la voir. Elle était mon modèle. Elle jouait dans l’entrejeu et je l’observais. Malheureusement, elle a arrêté très jeune. Le football féminin n’était pas encore ce qu’il est aujourd’hui. Il n’y avait personne aux matches et les joueuses ne gagnaient rien. »

Des années plus tard, alors que Kums jouait à Anderlecht et que son père y entraînait les jeunes, ils allaient ensemble de Dilbeek à Neerpede.  » Depuis l’âge de cinq ans, j’ai passé des heures à Anderlecht. Je m’y entraînais, ma soeur aussi, mon père donnait les séances… On s’attendait mutuellement pour rentrer ensemble à la maison.  »

Papy Mertens

Avant, c’était Papy Mertens, le père de sa mère, qui le conduisait partout.  » Il adorait le foot et ça l’amusait de venir nous chercher à l’école pour nous emmener au terrain. Je pense que ça l’aidait à rester jeune.

Il avait joué à un bon niveau, à Hal, et il pouvait en parler pendant des heures. Ses histoires me passionnaient. La plupart du temps, je me demandais comment c’était possible. Mon père me les avait racontées aussi.

Il me disait ainsi que, parfois, ils étaient payés en papier toilette. Ce sont des choses qu’on n’oublie pas. Ou que la casquette du gardien s’était envolée dans le but à cause du vent et qu’il était allé la rechercher dans le but avec le ballon en mains. Je me disais : Ce n’est pas possible. On n’ose même pas imaginer que ça puisse arriver de nos jours.

 » C’était notre relation : il racontait, j’écoutais. C’est seulement maintenant que je me dis que ça m’a permis de connaître une autre vie. Il est décédé il y a trois ans, lorsque j’étais en Italie. Depuis, je me dis souvent que j’aurais dû lui poser encore plus de questions. Il y a tant de choses que j’aurais voulu connaître. C’est regrettable…

J’aurais voulu en savoir plus sur sa jeunesse, la façon dont il avait grandi, comment il avait vécu la guerre. Je lis beaucoup de choses au sujet de la Deuxième Guerre Mondiale, c’est un sujet qui me fascine. »

Passionné de lecture

Kums avoue être passionné de lecture. Il aime savoir beaucoup de choses, apprendre.  » J’aurais aimé faire des études. J’ai essayé. D’abord en management de la communication puis en kiné mais je ne suis pas arrivé à combiner ça et le football. Aujourd’hui, je lis beaucoup, j’aime savoir. Je m’intéresse à beaucoup de choses mais je lis énormément de fiction. Dan Brown, par exemple. Ou Jo Nesbø. Je préfère lire que regarder un film. Et quand on a lu un livre, on est souvent déçu par le film qui en est tiré.  »

Le livre qui l’a le plus marqué est une biographie : celle de Robert Enke. Étouffé par la pression du monde du football, l’ex-gardien allemand s’est jeté sous un train après s’être longtemps battu contre la dépression.  » Ce livre m’a fait comprendre combien l’aspect mental était important dans la vie. Je n’en étais pas conscient. Pour ma part, je ne suis pas vite stressé mais quand on lit ça… J’ai même du mal à imaginer. Je connais des gens qui sont sous pression dans le monde du football mais quand on n’est pas concerné, on ne peut pas réaliser. La seule chose que je puisse faire, c’est essayer de les aider.  »

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Le dernier livre qu’il a lu concernait l’éducation. Depuis qu’il est devenu papa d’une petite Juliette, en février, ça l’intéresse au plus haut point.  » Un très bon livre, sur l’école de Montessori. C’est mon équipier anderlechtois James Lawrence qui me l’a donné. Sa mère est CEO de cette école qui prône une éducation libre. Je suis également partisan de cette méthode. Prenez l’exemple du lit. Ils disent qu’il doit être aussi bas que possible afin que l’enfant puisse y entrer tout seul. C’est bon pour son développement, il découvre les choses lui-même. C’est ainsi qu’on a rangé les jouets dans une armoire ouverte où elle peut choisir ce qu’elle veut. Ce sont des conseils pour stimuler leurs pulsions. Très intéressant.  »

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La paternité lui a fait découvrir des dizaines, voir des centaines de choses.  » Ma femme est très prévoyante. Je pense qu’elle nous a inscrits à tous les cours possibles et imaginables (il rit). Mais ce fut très utile et c’est maintenant que je m’en rends compte. Avant la naissance, on peut se préparer mais c’est après que le plus difficile commence. Avec l’éducation. On se heurte à pas mal de surprises.  »

Fécondation in vitro

Avant la naissance de Juliette, Kums était déjà parrain de Tobias, le fils de la soeur de sa femme. Tobias souffre du syndrôme de Down et toute la famille l’entoure.  » La relation que j’ai avec lui est incroyable. Depuis le début. Les enfants qui souffrent du syndrôme de Down doivent souvent faire face à des complications à la naissance. Tobias a une malformation de la valvule cardiaque et il a eu des problèmes aux intestins.

Il a passé les premières années de sa vie aux soins intensifs, ça a été une période très difficile. Ma femme et moi, on allait presque chaque jour à l’hôpital. Ça a eu un impact énorme sur nos vies mais ce n’est rien en échange de l’amour qu’il nous porte. C’est incroyable. Ces enfants vous couvrent de baisers. Ils font ce qui leur passe par la tête et expriment leurs sentiments avec spontanéité.  »

Kums et sa femme voulaient un enfant depuis longtemps mais au début, ils n’y arrivaient pas.  » Après deux ans, on a opté pour la fécondation in vitro et un an plus tard, Caroline était enceinte. C’est bien parce que, parfois, il faut cinq ans. On était en vacances lorsqu’on a remarqué quelque chose et, une fois rentrés, ma femme a fait le test. Un moment formidable, surtout après une attente aussi longue. On était soulagés.  »

Pendant la grossesse, beaucoup de gens lui demandaient s’il voulait un garçon pour pouvoir l’emmener au football.  » Mais ça n’avait aucune importance. Si Juliette veut faire du ballet, c’est très bien. Je la laisserai décider, sans la pousser. Elle fera ce qu’elle veut, ce qui la rend heureuse. Je ne veux pas être trop sévère mais je mettrai des balises. Rester les pieds sur terre, par exemple. Mes parents ont toujours été très attentifs à cela. Ils sont enseignants et la vie d’un footballeur pro est très différente. Ils m’y ont préparé et je leur ai toujours demandé conseil. J’en suis heureux, je suis quelqu’un de sobre. « 

 » Je n’en veux pas à Anderlecht  »

SVEN KUMS :  » La situation d’Anderlecht est très étrange. Je joue à Gand et je suis heureux. Tout se passe bien. Ce qui arrive au Sporting est regrettable. Je trouve ça grave mais ce ne sont pas mes affaires. Aurais-je pu apporter mon expérience à cette équipe, à cet entrejeu ? Possible mais le club a opté pour une autre voie. Mais je n’en veux pas à Anderlecht, je n’ai pas de rancoeur. Le club a été honnête envers moi mais c’est une période bizarre. Je suis les matches mais je dois aussi me détacher.

Je veux tout donner ici et, pour ça, je ne dois pas m’occuper d’un club où je ne joue pas. On a une bonne équipe, un noyau large qui a beaucoup de potentiel. Parfois des joueurs sont sur le banc ou dans la tribune et je me dis que ce sont pourtant des bons joueurs. Notre coach a une approche très personnelle. Il est ouvert et agréable mais il peut aussi taper du poing sur la table et dire les choses comme elles sont. Je suis agréablement surpris. »

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