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 » Le football est devenu inhumain « 

Shkodran Mustafi (27 ans) va jouer le dernier match de poule d’Europa League contre le Standard. Le défenseur est détesté par ses propres supporters mais continue à se battre pour sa place.

Sous Unai Emery, Shkodran Mustafi venait après Sokratis Papastathopoulos et David Luiz dans la hiérarchie des défenseurs centraux des Gunners. Depuis que Freddie Ljungberg assure l’intérim, les choses semblent évoluer favorablement pour l’Allemand. Pourtant, après quelques erreurs défensives la saison passée, des supporters d’Arsenal se sont défoulés sur le défenseur droit, via Twitter et Instagram. Celui-ci a donc décidé de mettre fin à toute communication avec le monde extérieur. L’été dernier, Emery avait accordé sa liberté à Mustafi mais l’ancien joueur de Hambourg, d’Everton, de la Sampdoria et de Valence a décidé de rester à Londres.

Il reste le défenseur central allemand le plus cher de l’histoire avec un transfert de 40 millions d’euros en 2016. Conspué en Angleterre, Mustafi nous a donné rendez-vous au nord de Londres, où il se cache dans un self-service de kebab. C’est là, non loin de la station de métro Golders Green, que Mustafi aime retrouver son coéquipier Mesut Özil, tout aussi mal vu. Il s’y sent en sécurité, un verre de Coca Cola Light à la main. C’est aussi là que se sont réfugiés Özil et Sead Kolasinac après une tentative de car-jacking, fin juillet.

Pour la première fois, l’arrière parle des critiques qui lui ont été adressées et explique comment il a géré ses émotions, qui constituent son principal adversaire en football.

Tu es vraiment le deuxième plus mauvais défenseur du monde ?

SHKODRAN MUSTAFI : Non, je ne trouve pas.

C’est pourtant ce qui ressort d’un référendum récemment organisé par le journal espagnol Marca auprès de ses lecteurs. Tu es deuxième derrière Phil Jones, de Manchester United, avec 150.000 voix.

MUSTAFI : Ça ne m’intéresserait que si l’enquête avait été effectuée auprès des meilleurs entraîneurs d’Europe.

L’enquête montre surtout à quel point ta réputation a changé. Que s’est-il donc passé ces derniers mois ?

MUSTAFI : Les deux premières saisons se sont très bien déroulées. Je me considérais déjà comme un titulaire mais peu avant Noël, il y a eu un court-circuit. J’ai commis quelques fautes et j’ai perdu mon assurance. Je n’ai jamais vécu pareil chaos.

Une faute entraînant un penalty, une action ratée qui a précipité la défaite 2-3 contre Crystal Palace en avril dernier… Mais il y a eu d’autres erreurs. Quelqu’un a même écrit sur Twitter qu’on aurait dit que tu jouais avec des patins à roulettes. Des supporters ont exigé que le club te vende, sur le site d’Arsenal.

MUSTAFI : Je suis suffisamment critique envers moi-même pour savoir que j’ai commis des erreurs et je peux gérer les critiques mais il y a eu escalade et l’affaire a pris des proportions irrationnelles. Je suis devenu la cible de tous les commentaires. Certains m’ont même attribué la responsabilité d’une défaite alors que je n’avais pas joué ce match.

 » J’ai réalisé que j’étais très fort mentalement  »

The Sun a publié un article assorti d’un cliché de toi pris par un supporters devant le stade d’Arsenal, à la mi-août. Il a ajouté sur Twitter que tu avais bloqué le chemin du pub avec ta Ferrari. Le titre :  » Blockdran Mustafi « .

MUSTAFI : C’était le sommet. Je n’étais pas repris pour le match mais je voulais quand même y assister. J’ai été brièvement arrêté en route vers le stade. J’ai demandé à un contrôleur si je pouvais poursuivre ma route. Il m’a prié d’attendre un peu puis m’a laissé passer. La photo a dû être prise à ce moment.

Un supporter a compilé tes erreurs à Arsenal et a publié la vidéo sur YouTube en ajoutant :  » Mustafa doit partir.  » La séquence a été visionnée 1,8 million de fois. Tu l’as regardée ?

MUSTAFI : Non. Je devais me protéger.

Comment as-tu vécu ça ?

MUSTAFI : Par moments, j’en suis venu à douter de moi mais j’ai aussi réalisé que j’étais très fort mentalement. Ma femme m’a dit :  » Si tu étais si mauvais que ça, tu n’aurais jamais été champion du monde et tu ne serais pas à Arsenal.  » Depuis, je parviens à mieux relativiser les choses.

Tu as été champion du monde avec la Mannschaft en 2014. Tu remplaçais Marco Reus, blessé. Ensuite, tu as déclaré :  » Le plus dur dans notre métier, c’est de gérer nos émotions.  » Tu y parviens maintenant ?

MUSTAFI : Ça reste l’aspect le plus pénible du football. Il faut veiller à ne pas planer quand on est au sommet. On n’a donc pas vraiment l’occasion de se réjouir ni de profiter de son statut. Mais quand on est au fond du trou, on doit être attentif à ne pas péter les plombs. J’ai connu les deux côtés.

 » Le premier venu peut donner son avis sur les réseaux sociaux »

Un professionnel ne doit donc pas trop afficher ses émotions ?

MUSTAFI : Non. Il faut surtout apprendre à bien les exploiter. Dans les périodes positives, j’ai utilisé ces sentiments pour progresser. Ils m’ont inspiré. Mais dans une phase moins agréable, les sensations négatives doivent également me motiver. Je me suis répété :  » Je ne veux plus m’asseoir dans le vestiaire avec un sentiment de culpabilité à l’égard de mes collègues.  » Ça aussi, ça m’aide à tenir.

Comment parviens-tu à gérer cette ambiance ? Tu as un soutien psychologique ?

MUSTAFI : Non. j’ai toujours eu le sentiment de devoir me débrouiller seul. Le voyant rouge de l’alarme signifierait que je perdrais le goût de jouer. Si je remarquais que je ne parviens plus à rire à l’entraînement, je commencerais à me tracasser. Mais ça n’a jamais été le cas. J’avais encore des amis dans le métier. Et ma famille m’a toujours aidé.

On jette un regard différent sur les footballeurs de nos jours ?

MUSTAFI : Le football est devenu inhumain. Le premier venu peut donner son avis anonyme sur les réseaux sociaux et se libérer de ses frustrations sur notre dos. Il y a des limites. On les franchit quand on n’a pour objectif que de discréditer quelqu’un et d’obtenir beaucoup de likes. Je dois aussi tenir compte du fait que ce qui passe sur internet peut toucher mes enfants.

Les supporters t’ont insulté et en plus, Unai Emery a déclaré, en été, que tu pouvais quitter le club. Tu es pourtant resté à Arsenal. Pourquoi ?

MUSTAFI : Aucune option n’a satisfaisait toutes les parties car Arsenal avait aussi posé une série de conditions, évidemment. Je savais que mon prochain club serait extrêmement important si je voulais écrire un nouveau chapitre de ma carrière. Je me  » suicidais  » si je rejoignais le premier club venu et que je ne lui convenais pas. Je suis donc resté. L’avenir est ouvert. Je n’exclus pas non plus un retour en Bundesliga. Mais je veux d’abord retrouver du temps de jeu à Arsenal. Je m’y accroche, dans l’espoir que tout recommence à aller mieux.

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