Le football comme dépendance

L’année footballistique a été marquée par la violence, l’homophobie, le racisme et des sommes d’argent pharamineuses. Quatre jeunes Wallons en ont pris le contrepied. Ils sont partis en voyage pour effectuer des reportages sur la façon dont le sport continue à transcender ses excès. Première étape : le Brésil.

Leur ASBL A World of Football à peine fondée, Gilles Chatelain, Sean Carter, Antoine Delhasse et Alban Herinckx ont visité dix projets sociaux liés au football, l’année dernière. Chatelain (24 ans) a été le plus impressionné par ce qu’il a vu à Rio de Janeiro.

 » Nous avons d’abord visité le quartier ou a grandi Adriano « , commence-t-il.  » L’endroit s’appelle Vila Cruzeiro. C’est une favela qui, comme toutes les autres, est sous l’emprise de la misère et de la drogue. À partir de douze ans, les enfants peuvent devenir membres d’un gang. 80 % d’entre eux qui franchissent le cap n’atteindront jamais l’âge de 21 ans. Ils sont généralement tués lors de règlements de comptes.  »

On n’entre pas comme on veut dans une favela.  » Nous avons été escortés par un Néerlandais de 70 ans qui vit depuis 25 ans à Rio, Nanko. Il est considéré comme une figure paternelle dans les favelas. Même s’il n’a jamais trafiqué de drogue, il connaît tous ses barons. Ils lui font confiance car il ne dénonce personne, bien que la police tente souvent de lui extorquer des informations. Nanko estime qu’on ne peut changer la mentalité d’une bande qu’en s’intégrant dans son système.  »

Chatelain se souvient de leur arrivée à Vila Cruzeiro.  » À l’entrée, des gens armés de mitraillettes montaient la garde. Nanko leur a serré la main. Nous avons pu jouer au football avec les enfants. Pendant la partie, Nanko nous a confié : – Vous n’imaginez pas les kilos de cocaïne qui se trouvent dans les maisons autour de vous.  »

Quand un jeune veut quitter le circuit de la drogue, Nanko négocie avec le patron de son cartel. Généralement, les barons les laissent partir, trouvant aisément des remplaçants. Nanko offre alors une issue à ces jeunes en les mettant en rapport avec le projet Favela Street de son compatriote Philip Veldhuis.  » Nous voulons apprendre à ces gens à organiser des tournois de football dans la favela dont ils sont issus « , explique Veldhuis dans le reportage vidéo de A World Of Football.

Le reportage qu’a réalisé A World Of Football sur Favela Street raconte l’histoire de Giovanni, un garçon de 26 ans qui a quitté le milieu de la drogue.  » Nous avons assisté à un tournoi organisé par Giovanni « , explique Chatelain.  » Il était vraiment au point. Chaque participant a reçu un repas et tous les vainqueurs ont eu une coupe.  »

Favela Street apporte beaucoup, poursuit Chatelain.  » D’abord, il sauve des vies, comme celle de Giovanni. Ensuite, ces tournois offrent à beaucoup de jeunes un défoulement, une alternative aux bêtises. Giovanni met ces tournois à profit pour raconter aux enfants les dangers de la vie dans un cartel. Enfin, il sert d’exemple à ses anciens comparses, en leur montrant qu’on peut réussir sa vie sans verser dans le trafic de drogue.  »

Veldhuis pose un constat :  » Le football est le meilleur moyen d’atteindre des objectifs sociaux. Sur le terrain, un joueur doit réagir rapidement dès qu’un problème se pose, il doit s’adapter et poser de nouveaux choix. Il n’en va pas autrement dans la vraie vie. « 

Regardez le reportage sur Sushma sur www.sportmagazine.be

PAR KRISTOF DE RYCK

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